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VIE DE S: PAULI

enfuite en chantant des Pfeaumes fuivant la Tradition de l'Eglife & n'aiant point d'inftrument pour creufer la terre, PREMIER la Providence divine lui envoïa deux lions qui acoururent du ERMITE fond du Defert, & vinrent droit au corps de faint Paul, le flatant de leurs queues. Ils fe coucherent à fes pieds, rugiffant comme pour témoigner leur douleur ; & aiant enfuite graté la terre avec leurs ongles, jettant le fable dehors, ils firent une foffe où faint Antoine enterra le corps, & il efleva de la terre deffus, fuivant la coûtume. Il emporta la tunique que faint Paul s'estoit faite lui-mefme de fuëilles de palmier, entrelacées comme dans les corbeilles. Il retourna en fon Monaftere avec cette riche fucceffion, & raconta à fes Difciples tout ce qu'il avoit découvert. Il fe reveftit toûjours depuis de la tunique de faint Paul aux jours folemnels de Pâques & de la Pentecofte. Lavie de ce faint Solitaire a efté eferite par faint Jerôme. Son corps fut premierement porté dans la fuite à Venife & de là à Bude en Hongrie dans l'Eglife des Religieux de l'Ordre qui porte fon nom, & dont nous rapporterons l'origine, en parlant de ceux qui fuivent la Regle de faint Auguftin.

que

Hift. Antóns

L'habit de faint Paul fait de feuilles de palmier, eftoit extraordinaire, & elles n'avoient gueres fervi qu'à faire des paniers, des nates pour fe coucher, des fandales, des cordes & des parafols; mais la neceffité porta le Saint Ermite à fe faire une tunique de feuilles de cet arbre, ne pouvant pas trouver d'autre étoffe pour fe couvrir ; & il s'eft trouvé fort peu de Solitaires qui l'aïent imité dans cette façon de fe vêtir. Aymar Faucon, dans son histoire de l'Ordre de faint Antoine de Viennois,dit: qu'entre les Reliques que l'on conferve cap. 7. dans l'Abbaïe chef de cet Ordre, il y a un habillement Bolland 17 quelques-uns pretendent avoir efté celui de faint Paul; & d'au- Jan page tres celui de faint Antoine : qu'on ne peut pas connoiftre de quelle matiere il eft, mais qu'il paroift avoir efté tiffu: que le dessus est raze, le dedans comme velu, qu'il eft fermé de tous coftés,n'y aiant qu'une ouverture pour paffer la tefte: & que les extremités font redoublées, de peur que fe frottant contre terre elles ne s'efilaffent.Il ajoûte que le Roi François premier l'aïant veu, crut qu'il eftoit de feuilles de palmier, & que plufieurs perfonnes furent de ce fentiment. Mais je n'ai pas de peine à croire, qu'eftant de feuilles de palmier, ce ne foit l'habillement dont fe fervoit faint Paul, & qu'il s'eftoite

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PAUL

VIE DE S. fait lui-mefme. C'eft ainfi qu'eftoient faites les anciennes chafubles qui dès les premiers fiécles eftoient un habillement qui ERMITE, Couvroit tout le corps, & eftoit commun aux Clercs, aux Moi

ge 313.

&

nes, & aux gens du monde. On l'appelloit auffi manteau, la chafuble que porte le Diacre en carefme, eft encore nommée manteau dans l'Ordinaire de Befançon,& dans le Ceremonial de l'Eglife de Reims de l'an 1637. La coule des Moines eft auffi appellée chafuble en plufieurs endroits, comme dans la Regle de faint Macaire, dans la vie de faint Gregoiré, & dans celle de faint Fulgence; ainfi que le remarque Dom Claude de Vert, dans fon explication des ceremonies de l'Eglife. Teme 2. Comme les Solitaires eftoient prefque toûjours occupés au travail, hors le tems de la priere; & que cette forte de chafuble qu'il falloit retrouffer fur les bras, les auroit incommodés ; ils ne s'en fervoient pas ordinairement. Mais il y a tout lieu de croire que faint Paul dans fa retraite, qui n'eftoit occupé qu'à la priere & à la meditation, & qui n'avoit pas befoin de travailler pour fa fubfiftance, puifque Dieu y pourvoïoit miraculeufement; s'eftoit fait un habillement pareil à ces fortes de chafubles, & qui eftoit mefme plus ailé à faire avec des feuilles de palmier qu'il entrelaffoit les unes avec les autres, que de faire une tunique à laquelle il y auroit eu des manches; d'ailleurs ces chafubles pouvoient bien paffer pour tuniques, puifqu'elles couvroient tout le corps ; c'eft pourquoi nous avons fait representer faint Paul avec un pareil habil

lement.

La plupart des Anachoretes d'Orient eftoient veftus de cilices, ou de tuniques faites de poil de chevre. Plufieurs estoient couverts de peaux de brebis, ou de chevres, ou de quelques autres animaux, quelquefois avec la laine ou le poil, d'autres fois fans laine & fans poil; ainfi le Solitaire faint Jacques de Nifibe, felon Theodoret, eftoit couvert d'une tunique, & Theodoret d'un petit manteau de gros poil de chevre; & il dit que des Juifs 6.1.& qui alloient pour quelques affaires dans une ville de Syrie,qu'il ne homme point, furent furpris par une pluie fi épaiffe, & un vent fi furieux,qu'ils s'égarerent de leur chemin ; & marchant dans la folitude fans trouver aucun lieu pour fe mettre à l'abry, ils fe virent comme expofés fur mer à perir par la tempefte; mais qu'ils arriverent enfin comme dans un port à la caverne de Simeon l'ancien qui faifoit horreur à voir, tantil eftoit craf

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PAUL

ERMITE.

feux & negligé ; n'aïant que des peaux toutes déchireés, dont, Vre BES. il couvroit fes épaules, & qui lut fervoient de manteau: que PREMIER ce Saint les falua fort honneftement: & qu'après les avoir fait repofer, il leur donna deux lions pour les remettre dans leur chemin. Mais l'habillement du Solitaire Barradat, dont parle le mefme Theodoret, devoit encore plus epouvanter ceux qui Ibid.c.17. le voïoient, & leur caufer plus de fraieur; car il avoit une tunique de peaux qui le couvroit depuis les pieds jufques à la tefte, & n'avoit que deux petites ouvertures vers le nez & la bouche pour refpirer. Il fait encore mention du SolitaireZe- Ibid.c.12. non,qui eftant fort riche, & aïant quitté la profeffion des armes qu'il avoit embraffée, fe retira dans un fepulchre proche la ville d'Antioche, & n'avoit pour tout habillement que de vieilles peaux. Un autre Solitaire nommé Serapion, dont parle Pallade, n'eut point d'autre habit qu'un linceul, ou un grand, Pallad. morceau de toile dont il fe couvroit; ce qui lui fit donner le nom de Sindonite. Enfin il y en avoit qui n'avoient point d'autres habits que ceux que la nature leur avoit donnés, comme celui dont parle Sulpice Severe, fur le rapport d'un Religieux Dialog. 1. François qui revenoit d'Egypte,& qui l'affûra avoir veu un So- . 11. litaire caché dans une caverne du Mont Sinaï depuis cinquante ans, qui n'eftoit couvert que de fes cheveux & des poils de fon corps ; ce que confirme auffi l'Auteur du Pré fpirituel, Joan. qui fait mention d'un Anachorete, nomméGregoire, qui avoit pratit paffé trente-cinq ans tout nud dans les Deserts; & d'un autre, esp. 191. nommé Sophrone, qui demeura dans une caverne auprès de 152. la Mer-morte, auffi tout nud,pendant foixante-deux ans, ne fe nourriffant que d'herbes.

:

Voiez pour la vie de faint Paul Hieronim. Opera Tom. 4. Edit. Benedict. pag. 68. Rofveid, Vit. PP. Fleury, Hift. Ecclef Tom. 2. & 3. Bolland. Act. SS. 15. Jan. Bulteau, Hift. Monaft. d'orient, pag. 50.

Lauf. c.83.

Mofch.

Κ

Tome I.

VIE DIS. ¡ÂNTOINE,

CHAPITRE II.

Aug.

Vie de Saint Antoine Abbé, Pere des Religieux Ca

SA

nobites.

AINT Antoine naquit fous l'Empire de Gallus, environ l'an 251.à Coma, près d'Heraclée dans la haute Egypte ou Arcadie. Il fut élevé dans la Religion Chreftienne par fes parens qui eftoient également nobles & riches; & commençant à croître,il ne voulut point eftre inftruit aux Lettres humaines, pour eviter la communication avec les autres enfans, dont les mœurs pouvoient eftre corrompuës. Saint Auguftin a cru que ce Pere des Cœnobites ne fçut jamais lire, ni efcrire, ni aucune autre langue que l'Egyptienne. Il dit qu'Antoine, le Moine Det. Chrift. Egyptien qui eftoit un homme faint & parfait, avoit appris par cœur, à ce que l'on tient, toutes les divines Efcritures, fans fçavoir les Lettres, en les entendant lire aux autres; & en avoit compris le fens, en les méditant souvent ; que neanmoins ceux qui ont appris à lire, ne voudroient pas que ce Saint: homme leur infultat & leur reprochât, qu'ils ont pris une peine inuFleury. tile. M. l'Abbé Fleury a fuivi le fentiment de ce Pere de l'EHift. Eccl. glife, qui eftoit apparemment fondé fur ce que faint Athanafe. Tem..pag dit : que faint Antoine ne voulut point apprendre les Lettress

Par. 2..

417

& fur ce que rapporte Evagre: qu'un Philofophe aïant demandé à ce faint Solitaire, comment il pouvoit faire, eftant privé de la confolation que les autres trouvent dans la lecture; il Bolland. lui refpondit : que la nature lui fervoit de livre. Mais BollanAlt $5.17. dus & M. de Tillemont pretendent, que faint Athanafe avoit Fanuar. voulu feulement marquer qu'il n'avoit pas appris la langue, De Tillem. & les fciences des Grecs, & ce qu'on appelle les belles Lettres, las. Eccl. d'autant plus qu'il ajoûte, qu'eftant encore chez fon pere, & tom 7. pag. depuis, lorsqu'il commença à vivre feul, il eftoit très-appliqué 666. à la lecture..

Pg. 119.

Mem. pour

Ses

& mere eftant morts, le laifferent orphelin à pere l'âge de dix-huit ans, avec une four fort jeune dont il prit foin; mais à peine fix mois furent-ils paffés,qu'allant, felon fa coutume à l'Églife,& entendant lire ces paroles de l'Evangile: b. 19. fi vous voulez eftre parfait, allez, vendez ce que vous avez,&donnez-le aux pauvres, & vous aurez un tre för au cielɔpuis ve-

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SAntoine Patriarche des Moines Coenobites

2.

·P. Giffart Fr

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