avoit prefqu'autant de Moines dans les Deserts, , que d'habi tans dans les villes: que dans celle d'Oxirinque, il y avoit plus de Monafteres que de Maifons; qu'à toutes les heures du jour & de la nuit on y faifoit retentir les louanges de Dieu ; & qu'il avoit appris de l'Evefque de ce lieu, qu'il y avoit vingt mille Vierges confacrées à Dieu, & dix mille Religieux ; il affure avoir encore veu le Preftre Serapion, Pere de plufieurs Monafteres, & Superieur d'environ dix mille Religieux. Mais il eft bon de faire connoiftre qui eftoient les illuftres Capitaines qui conduifirent dans le Defert & dans les villes, tant de faintesColonies, après que la paix eut efté rendurë à l’Eglife. Nous avons déja dit que S. Antoine eftablit les premiers Monasteres regles & parfaits dans la baffe Thébaide, S. Amon fur le Mont de Nitrie, & faint Pachome dans la haute Thébaïde. Le Defert de Scetis fut auffi fort celebre par la multitude caff. Col. des Saints qui y ont demeuré, & qui fuivirent faint Macaire 15.1.3 l'Egyptien comme leur Chef. Saint Hilarion qui avoit efté de Hieron in mesme que faint Macaire, Difciple de faint Antoine, fe retira apud Rofv dans la Palestine, où fes miracles continuels & l'éclat de ses ver- pag. 750 tus firent qu'en peu de tems un grand nombre de perfonnes vit. Patrum fe rangea fous fa conduite.La Syrie a eu l'avantage d'eftre ha- Sozom.1.6 bitée par de faints Religieux fous la conduite d'Aonés, qui “ 32 & 3 donnerent aux Habitans qui eftoient Idolatres, la connoiffan ce du vrai Dieu. Elle a encore produit un illuftre Efcrivain, qui nous a appris les vies admirables de ces faints Solitaires, & leurs principaux exercices qu'il avoit lui-mefme pratiqués dans un Monaftere dont il fut tiré malgré lui, pour monter fur le Siege Epifcopal de Cyr; c'eft le fçavant Theodoret, qui, quoiqu'élevé à cette dignité, ne diminua rien de ces faintes pratiques. La montagne de Sinaï fi célébre par la demeure de faint Jean Clymaque & de faint Nil, fut aufli habitée par de faints Moines dés le quatriéme fiécle; de mefme que la Perfe, où plufieurs Solitaires, fuivant les traces du fang des autres Chref tiens qui le répandoient généreusement pour la foy de JefusChrist, couroient avec la mefine generofité au martyre. Saint Gregoire Apoftre d'Arménie,introduifit auffi la vie Monastique dans ce Païs-la. Enfin il n'y eut prefque point de Province en Orient où elle ne fuft eftablie. Mais fon plus grand acroiffement fut, lorsque faint Bafile Peut introduite dans le Pont & la Capadoce vers l'an 363.. qu'il l'eut reduite à un eftat certain & uniforme: qu'il eut reüni les Solitaires & les Cœnobites ensemble qu'il lui eut donné fa derniere perfection, en obligeant fes Religieux à s'y engager par des vœux folemnels: & qu'il leur eut efcrit des Regles, qui furent trouvées fi faintes & fi falutaires, comme n'eftant qu'un abbregé de la Morale de l'Evangile; que dans la fuite la plus grande partie des Disciples de faint Antoine, de faint Pachome, de faint Macaire, & des autres anciens Peres des Deserts, s'y font foûmis ; ce qui lui a fait donner le nom de Patriarche des Moines d'Orient; car il y a plufieurs fiécles que fa Regle a prevalu fur toutes les autres en Orient ; & quoique les Maronites, les Armeniens en partie, les Jacobites, les Coptes, & les Neftoriens, fe difent de l'Ordre de faint Antoine; ils ne fuivent néanmoins, ni la Regle que nous avons dans le Code des Regles fous le nom de faint Antoine, ni aucune des anciennes Regles des Peres d'Orient, & ils n'ont seulement que certaines pratiques pour les Monafteres de chaque Secte. Mais generalement tous les Grecs, les Neftoriens, les Melchites, les Georgiens, les Mingreliens, & la plus grande partie des Armeniens, fuivent la Regle de faint Bafile. La profeffion Monaftique ne fit pas de moindre progrés en Occident, où les troubles excités dans l'Eglife par la fureur des Ariens, la firent paffer d'Orient; car faint Athanafe Evesque d'Alexandrie s'eftant retiré à Rome vers l'an 339. avec plufieurs Preftres & deux Moines d'Egypte, il fit connoistre aux perfonnes de pieté la vie de faint Antoine, qui demeuroit alors dans fon Defert de la Thebaïde, & il y eut plufieurs perfonnes qui voulurent embraffer une profeffion fi fainte. L'on baftit à cet effet des Monafteres à Rome, ce qui fervit comme de modelle pour tout le refte d'Italie. Saint Benoift y parut à la fin du cinquiéme fiécle. Quelquesuns ont pretendu qu'il n'efcrivit point la Regle dans le Defert de Sublac ; & il y en a d'autres qui ont cru qu'elle ne fut publiée par l'Abbé Simplicius que l'an 586. & que faint Benoift ne l'avoit faite que pour les Moines du Mont-Caffin. Mais à prefent que Dom Thierry Ruinart Religieux Benedictin de la Congregation de faint Maur dans fa fçavante Dif fertation fur la miffion de faint Maur en France, imprimée à Paris en 1702. & que le docte P. Dom Jean Mabillon de la meime Congregation dans les Annaies de l'Ordre de faint B noift, ont prouvé que faint Maur y avoit esté envoïé par faint Benoift avec quatre de fes Difciples, l'an 543. & qu'ils y apporterent avec eux la Regle de ce faint Patriarche des Moines d'Occident, efcrite de fa main, avec un poids & un vafe pour mieux obferver ce qu'elle prefcrit de la quantité du pain & du vin dans le repas ; il n'y a point de doute que faini Benoist ne l'euft publiée de fon vivant, & que ce n'eftoit pas pour le feul Monaftere du Mont-Caffin qu'il l'avoit faite ; quoique les preuves convaincantes de ces Sçavans Benedictins n'aïent pas fatisfait ceux qui avoient combattu cette miflion, & qu'ils n'aïent regardé ces preuves convaincantes que comme des prejugés & des conjectures. Cette Regle fut trouvée fi fainte, qu'elle fut univerfellement reçue en Occident; ce qui fit donner à ce faint Fondateur le nom de Patriarche des Moines d'Occident. La France, avant mefme l'eftablissement de fa Monarchie, n'a pas efté privée de la gloire d'avoir produit plufieurs Communautés Religieufes. Dès le quatriéme fiécle faint Martin qui s'eftoit retiré dans la petite Inle Gallinaire, à la cofte de Ligurie près d'Albengue, aïant appris le retour de faint Hilaire Evefque de Poitiers dans fa ville Epifcopale après fon exil, le vint trouver, & bastit auprès de cette ville le Monaftere de Ligugé. Ce Saint aïant efté élevé dans la fuite fur le fiege Epifcopal de Tours, baftit un autre Monaftere à une lieuë de cette ville, qui, après fa mort fut appellé Marmoutier, , en Latin Majus Monafterium, à caufe qu'il eftoit plus grand & plus fpacieux que celui qui fut conftruit dans la mefme ville fur le Tombeau de ce Saint, & que tous les autres qu'il avoit auffi fondés dans la Province. Saint Maxime l'un de fes Disciples, voulant vivre dans un lieu où il fuft inconnu, fe retira dans le Monaftere de l'IfleBarbe, proche de Lyon. Quelques-uns pretendent que c'eft la premiere Communauté de Moines qui fe foit formée dans les Gaules;& M. le Laboureur fait mefme remonter la Fondation Le Labor. de cette Abbaïe vers le milieu du troifiéme fiécle, en lui don-reur, Les nant pour Fondateur un Seigneur du païs, nommé Longin, Abbate de qui l'an 240. ou environ, y affembla plufieurs Solitaires qui l'if.-Barbe vivoient feparément dans cette lfle, où ils s'eftoient retirés. Mais tous les Hiftoriens n'en demeurent pas d'accord ; & il mazures de Tome eft difficile de fçavoir fi cette Abbaïe eftoit déja fondée avant faint Martin vint en France. que pour Caffien s'eftant retiré à Marseille vers l'an 409. fonda deux Monafteres, l'un d'Hommes, & l'autre de Filles. On dit qu'il eut fous lui jufqu'à cinq mille Moines,& on le reconnoist le Fondateur de la celebre Abbaïe de faint Victor de Marseille. L'Ifle de Lerins, où fe retira faint Honorat l'an 410. & où il eut un grand nombre de Difciples, s'eft renduë celebre par la fainteté des Solitaires qui y demeuroient dans des Cellules feparées, & qui par l'aufterité de leur vie furpaffoient ceux dela Thebaïde. Saint Honorat dont elle porte prefentement le nom, en fut tiré pour eftre Evefque d'Arles. Il eut pour fucceffeur S. Hilaire fon Difciple; & il en fortit un fi grand nombre de Religieux pour gouverner les Eglifes de France,que l'on regarda depuis cette Inle comme une pepiniere d'Evefques. Nous ne parlons point des Communautés eftablies par S. Cefaire & par S. Aurelien auffi Evefques d'Arles, par faint Fereol Evefque d'Ufez, & par faint Donat Evefque de Besançon, dont les Regles fe trouvent parmi celles qui ont efté recueillies parfaint Benoist Abbé d'Aniane. Nous parlerons en fon lieu de faint Colomban, qui eftant forti d'Irlande avec douze Compagnons dans le feptiéme fiécle, fonda la fameuse Abbaie de Luxeuil dans le Comté de Bourgogne, dont la Communauté fut fi nombreuse, qu'on y chantoit jour & nuit fans interruption, les louanges de Dieu. Son Ordre fe repandit par toute la France,le relachement y fut introduit en peu de tems; mais l'Ordre de faint Benoift s'eftendant de jour en jour, envoïa de ses meilleurs fujets dans plufieurs Monafteres de celui de faint Colomban pour y retablir la difcipline reguliere; & dans quelques-uns de ces Monafteres, les Regles de ces deux Saints y furent obfervées conjointement. Mais comme les chofes vont en décadence, les Benedictins abandonnerent auffi l'obfervance reguliere; ce qui a donné lieu à tant de Congregations qui font forties de cet Ordre, & qui en forment de differents par la diverfité de leurs habits, & par la forme du gouvernement; fans s'éloigner neanmoins de leur tige, aïant toûjours fuivi la Regle de faint Benoift, que les Fondateurs de ces Congregations ont fait observer plus exactement, en y ajoûtant des Conftitutions particulieres qui ont esté approuvées par les Souverains Pontifes, Le Le Concile de Sarragoce en Espagne tenu l'an 380. qui condamne la conduite des Clercs qui affectoient de porter des habits Monaftiques; eft une preuve que dans le quatriéme fiécle, il y avoit des Religieux dans ce Roïaume. Ce qui eft encore confirmé par la Lettre qu'Himmerius Evefque de Tar- Mabill. 4ragone efcrivit au Pape Sirice, où il lui demande fon avis, fur anel'ordination des Moines; ce qui fait croire au P. Mabillon, 1. . . qu'il y en avoit déja en Efpagne,avant que faint Donat y'euft art. 12. paffé d'Afrique avec foixante-dix Difciples, & qu'il euit fondéle Monaftere de Sirbite. nal. dict. Tome lib. 1. Saint Augustin Archevefque de Cantorberi, aïant esté envoïé en Angleterre par le Pape faint Gregoire l'an 556. pour y prescher la foi, introduifit en mefme tems dans ce Roïaume l'Etat Monaftique dont il faifoit profeffion, eftant Religieux de l'Ordre de S. Benoist. Cet Eftat Monaftique y fit un fi grand progrès, & y eftoit dans une fi haute eftime, qu'un Proteftant de nos jours, dit avec admiration ; que dans l'efpace de deux cens ans, il y a eu en ce Roïaume trente Rois & Reines, qui ent preferé l'habit Monachal à leurs Couronnes, & qui ont fondé de fuperbes Abbaïes, où ils ont fini leurs jours dans la retraite & dans la folitude. Il avoue que la vie Monaftique y eftoit auffi ancienne que le Chriftianifme & qu'ils y ont fait également de progrès. Il reconnoift que pendant un très long-tems les Monafteres eftoient des Seminaires de Saints & de perfonnes fçavantes; & que ces lumieres de la Chreftienté, Bede, Alcuin, Willibrod, & plufieurs autres, en font fortis. Il deplore ce jour fatal où tant de beaux Monasteres furent démolis, dont il ne refte plus que les ruines, qui font encore des monuments de la pieté de leurs Peres & de leurs Ancestres, & il ne regarde qu'avec horreur la profanation des temples qui eftoient confacrez à Dieu, & qui font maintenant changés en des efcuries, où des chevaux font attachés au mesme lieu, où l'on offroit autrefois le facrifice adodorable de nos autels. Enfin il regarde comme des extravagants & des gens paffionnés, ceux qui difent que les Ordres Religieux font fortis du puits de l'abifme, qui eft le langage ordinaire de plufieurs Heretiques. Jam dudum ( dit-il ) Diem Joana. fatalem obierunt Monafteria noftra, nec præter femirutos parietes & deploranda rudera, fuperfunt nobis avita pietatis indicia.. Videmus heu ! Videmus auguftissima templa, & ftupenda Eterno Anglico Tome I. H ..... Marsham. in propy li Monaftic. |