estoient comme de veritables Monafteres, quoiqu'elles fuffent des Maisons communes & ordinaires; pourquoi donc ne veut-il pas qu'il y ait eu aussi dès ce tems-là des Moines qui demeuroient dans des Maisons communes & ordinaires, comme dans de veritables Monasteres ? Mais nous ne demeurons pas d'accord avec le P. Thomassin, que fainte Aselle, & quelques autres Veuves & Vierges qui estoient sous la conduite de faint Jerôme, ne vivoient pas dans des Monafteres diftingués des Maisons communes, & nous sommes obligés de croire Pallade qui se connoissoit parfaiPallad. tement bien en veritables Monafteres, & qui nous assure Hift. Lauf. qu'estant à Rome, il avoit veu fainte Aselle qui avoit vieil Cap. 133 دو lie dans un Monastere. Ce que nous avons dit, que le P. Thomassin reconnoist pour de veritables Religieuses les Veuves & les Vierges des premiers fiécles qui estoient consacrées à Dieu, est confirmé par ce qu'il ajoûte dans la suite. » Il y avoit, dit-il, deux Thom., fortes de filles Religieuses: les unes s'estoient consacrées cy-dessus " à Dieu , en prenant l'habit brun & modeste qui distin11. »guoit les Vierges Religieuses des autres, & c'estoit la comme triad. de Serv. Vir marque de leur profession. Les autres avoient receu de » la main de l'Evesque un voile de confecration au jour » de quelque feste solemnelle, en présence de tout le Peu»ple, pendant qu'on celebroit le Sacrifice.... Ces filles pre>> noient elles - mefmes OLL recevoient des mains de دو >> leurs parens ees habits vils & modeftes qui estoient des marques publiques de leur profession; mais il y en avoit >> d'autres qui recevoient de l'Evesque le voile d'une con>> fecration plus sainte & plus auguste. Telle fut DemeHieron. " triade à qui saint Jerôme escrit en ces termes : Scio quod ad Deme-» ad imprecationem Pontificis, flammeum virginale sanctum ope"ruit caput. Telle fut aussi celle, dont il parle en un aunitate » tre endroit : Post Apostoli Petri Basilicam, in qua Chrifti Idem ad" flammeo consecrata eft &c. Ce n'est pas que le voile des » autres Vierges Religieuses (continuë ce sçavant Escrivain) >>> ne fust saint, & ne fift connoistre le Vœu qu'elles avoient Tertul. " fait de leur Virginité; car Tertulien le fait affez conde Virgi» noistre, quand il dit que ceux qui dévoilent ces filles Sabinia num. nibus ve landis. >> font des facrileges : O facrilege manus que dicatumD co » habitum detrahere potuerunt. On ne peut donc pas dire que le P. Thomassin, parlant des Veuves & des Vierges consacrées à Dieu, n'a reconnu pour veritables Religieuses que celles du quatriéme fiécle; puisque Tertulien, qu'il cite pour prouver ce qu'il avance, vivoit dans le deuxiéme & le troifiéme fiécle. Et fi le P. Thomassin pretend que les Monafteres reglés & parfaits des Religieuses n'ont commencés qu'après l'Empire de Constantin; pourquoi veut-il que pour admettre des Moines dans les trois premiers fiécles, l'on justifie que dès ce tems - là il y a eu des Monasteres auffi parfaits & aussi reglés qu'au tems de saint Antoine, de faint Pachome & de faint Bafile? Enfin s'il ne veut point reconnoistre de Moines avant le quatriéme fiécle; pourquoi dit-il que faint Denys, qu'il qualifie de sçavant Theologien, faisant la description de la confecration d'un Moine, n'a pas oublié la Ceremonie myftérieuse de lui faire quitter l'habit, aussi bien que la vie & l'esprit du siècle, & de le revestir de l'habit de Religion, pour lui apprendre à mener une vie nouvelle ? car en donnant la qualité de saint & de sçavant Theologien à l'Auteur de la Hiérarchie Ecclesiastique, il a prétendu sans doute parler de S. Denys l'Areopagite, suivant l'opinion la plus commune ; & s'il avoit suivi le sentiment de quelques sçavans qui prétendent que l'Auteur de ce livre & des autres ouvrages attribués à saint Denys, vivoit dans le cinquiéme fiécle, & que selon quelques-uns c'estoit un artificieux, De Tilleun fourbe, un menteur & un heretique ; il ne lui auroit mont ema point donné la qualité de Saint. C'est donc de saint Denys pour l'Hift. l'Areopagite dont il a voulu parler; & par confequent, 2. pag. 37 felon lui, il y avoit des Moines dès le premier fiecle de l'Eglife. Je ne trouve donc rien qui nous puisse empescher de croire ce que dit Anastase le Bibliothequaire, & les autres qui ont escrit les vies des Papes: que saint Thelesphore & faint Denys, comme nous avons dit dans le Paragraphe III. avoient esté Moines ou Anachoretes ; & je ne fais point difficulté de reconnoistre pour tels les autres dont nous avons parlé au mesme Paragraphe; aussi bien qu'un grand nombre de Saints qui ont vescu pendant les trois premiers fécles, dont il est fait mention dans les Menologes des Grecs, qui ne peuvent pas s'estre trompés en toutes choses. Les Ecclef. tom. Bolland, Arsinoïtes, dont S. Denys d'Alexandrie parle avec éloge, Ad. ss. in peuvent avoir esté aussi des Solitaires, comme quelques-uns vit S. Am. ont cru; puisque les noms de Therapeutes, d'Afcetes, d'Ana-11. Jan. choretes, de Moines, de Solitaires, de Religieux & d'Ermites, ont esté donnés indifferemment à ceux qui ont fait profession de la vie Monastique: Que si saint Paul a merité d'estre appellé le premier des Ermites, c'est un nom qui lui a esté donné par excellence, pour avoir esté le plus celebre dans cette profession. C'est pourquoi ceux qui choisirent le mesme genre de vie, le regarderent comme leur chef; estant bien juste qu'ils prissent pour modele un homme, qui avoit mené sur la terre une vie toute angelique pendant quatre-vingt-dix ans, sans avoir eu communication avec aucun homme; finon avec saint Antoine, à qui Dieu le fit connoistre, pour apprendre par lui-mesme fa vie admirable, & donner la sepulture à fon corps. PARAGRAPH Е V. Differentes especes de Moines; ce que c'est que les Cœnobites, & les avantages qu'ils ont pardessus les autres. D E ce grand nombre de Solitaires qui ont peuplé lesDeserts, il s'en est formé deux especes de Moines, dont ceux qui ont vêcu en commun ont esté appellés Cœnobites; & ceux qui se sont retirés dans une solitude plus estroite, après avoir vêcu long-tems en Communauté, & y avoir appris à vaincre leurs passions, retinrent le nom d'Anachoretes. Mais pendant qu'ils édifioient toute l'Eglise par la ferveur avec laquelle ils marchoient dans la voie de perfection, il se forma aussi une troifiéme espece de Moines, qui portoient injustement ce nom qu'ils avoient ufurpé, faisant profession en apparence de la vie Religieuse. Ils demeuroient deux ou trois ensemble, vivant à leur fantaisie, allant de ville en ville & par les bourgades. Ils affectoient de porter des manches fort amples, des fouliers larges, & un habit grossier. Ils avoient souvent differend ensemble sur l'observance de leurs jeufnes. Ils médisoient des Ecclesiastiques, & les jours de Festes ils faisoient bonne chere, jusques à rejetter les viandes & le vin qu'ils avoient pris avec excés. C'est la description qu'en Epift. ed fait faint Jerôme, qui les appelle des Rhemobotes ; & Caffien Hieron. leur donne le nom de Sarabaïtes. Coll. 18. cap. 17. Saint Benoist parle encore d'une autre forte de Moines, Caffian. qui semblables à ces Rhemobotes, couroient aussi de païs en païs, fans s'arrefter en aucun lieu, sous pretexte que cher- S.Ben.Cap. chant un estat de vie plus parfait, ils n'en trouvoient nul Regul. part. Ainfi abusant de l'hospitalité des vrais Moines, ils se faisoient bien traiter, ils entroient en tous lieux, & se mesloient avec toutes fortes de personnes, dans le dessein, en apparence, de les convertir, ou de leur faire mener une vie plus parfaite. Une conduite si dereglée ne leur pouvoit attirer que du mépris, & on ne regardoit pour veritables Moines queles Coœnobites & les Anachoretes. Cassien parlant de ces derniers, les prefere aux Cenobites, comme estant plus avancés dans la perfection, & fouhaitoit embraffer cette profession. Saint Jerôme, en plusieurs endroits, dit aussi qu'elle estoit le comble de la perfection Mo nastique; mais qu'il falloit y arriver par les degrés de la vie Coœnobitique, & par les exercices de toutes les vertus austeres qui se pratiquoient dans les Communautés. Mais ce Pere changea de sentiment dans la suite; & l'experience a fait voir que la vie Cœnobitique estoit celle qu'on devoit suivre plus surement, comme la moins exposée aux tentations. : expof. 18Berrog. Jor Saint Bafile qui en a fait l'éloge, en a fait connoistre les Bafil. Re avantages. Il dit "que Dieu aïant voulu que nous euffions "Zulfup. besoin les uns des autres, nous devons par cette confidera- " tion nous unir tous les uns aux autres: que les avantages que nous possedons font inutiles dans une vie absolument Soli- « taire: qu'elle ne se propose qu'un seul but, qui est la com- « modité de celui qui l'embrasse; ce qui est visiblement con- << traire à la charité que l'Apostre a si parfaitement accomplie, & qui consiste à ne chercher point ce qui nous est avanta- « geux en particulier, mais ce qui est avantageux à plusieurs « pour estre sauvés: que les Solitaires ne reconnoissent pas facilement leurs defauts, n'aïant personne qui les reprenne & « les corrige ; & qu'on leur peut attribuer ces paroles du << Sage: malheur à celui qui est seul, parce que s'il tombe, il n'a « personne pour le relever : qu'un grand peril qui est à craindre dans la vie Solitaire, est celui de la complaisance, dont il est très difficile de se garentir dans cet effat; car un Solitaire Eerlef 410 Anno. 692. can. 41. " n'aïant personne qui puisse juger de ses actions, s'imaginera estre arrivé au comble de la perfection; mais qu'au con>> traire la vie Cœnobitique a cet avantage; que la correction » y estant faite, mesme par un ennemi, est souvent une oc>> cafion à ceux qui jugent sainement des chofes, de defirer دو le remede de leurs maux, qu'elle est une carriere, où l'on » s'applique aux combats spirituels, un chemin facile pour » s'avancer dans la pieté, un continuel exercice, une perpe» tuelle meditation des commandemens de Dieu ; & enfin » que ce genre de vie est conforme à celui des premiers >> Chreftiens, qui estoient tous unis ensemble, & qui n'avoient » rien qui ne fust commun entr'eux. Il est rare de voir presentement des Anachoretes, c'est-àdire des personnes, qui, après avoir vêcu dans la Communauté, se retirent dans la folitude, Charlemagne les renvoïa dans leurs Monafteres, disant qu'il valloit mieux qu'ils demeurassent dans une Congregation, que de les abandonner au mouvement de leur esprit qui leur pouvoit suggerer de courir le païs. On en trouve encore quelques-uns en Orient; mais il n'y a gueres que le defert de Vallombreuse qui puisse produire un de ces exemples en Occident; l'endroit où saint Jean Gualbert se retira auparavant que de fonder son Ordre, estant toûjours occupé par un Religieux qui garde un filence perpetuel, ne sortant jamais de ce lieu, & ne communiquant avec aucun Religieux; fi ce n'est avec un seul frere convers, qui lui apporte ses besoins de l'Abbaïe, chef de cet Ordre, qui en est esloignée d'un demi mille. Il y avoit autrefois des Reclus qui estoient enfermés très étroitement. LeConcile in Trullo leur deffendit d'embrasser ce genre de vie, qu'après avoir commencé dans le Monastere à vivre separés comme des Anachoretes, & après avoir perseveré dans cet estat pendant trois ans, outre une année d'épreuve qu'ils devoient faire encore hors du Monastere, après quoi ils pouvoient estre enfermés; mais il ne leur estoit pas permis de fortir du lieu de leur Reclusion, à moins que ce ne fust pour quelque cause qui regardast le bien public, qu'il n'y eust peril de mort pour eux: pour lors ils en pouvoient fortir avec la benediction de l'Evesque ; & fi quelquesuns de ces Reclus en fortoient autrement, le mesme Concile ordonna qu'ils feroient enfermés malgré eux, dans le mesme ou |