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de Monafteres depuis que l'ordre Monaftique a efté establi dans ce Roïaume jufques à ce jourd'hui, quoique les Religieux ne portent pas publiquement l'habit de leur Ordre ? Peut-on dire que les maifons où demeurent ces Religieux, quelquefois au nombre de dix ou de douze, ne foient pas de veritables Monafteres; quoiqu'elles n'aient pas cette apparence exterieure qui les diftinguoit autrefois des maifons laïques & feculieres, avant le malheureux fchifme qui a caufé la ruine & la deftruction de tant de fameux édifices,dont il ne refte plus que des veftiges, & qui ont efté changés en maison profanes ?

ner Apoft.

Il en eft de mefme en Angleterre, où nous trouvons encore des exemples de cette continuation fans interruption, non feulement dans les Religieux qui y font auffi en grand nombre, quoique deguifés; mais en particulier dans la Congregation des Benedictins Anglois, qui comprenoit autrefois plufieurs celebres Abbaïes & Prieurés, remplis d'un grand nombre de Religieux, dont plus de vingt Abbés & Prieurs avoient voix & féance dans les Parlemens en qualité de Pairs du Roïaume, & qui, aïant la plufpart fini leur vie par un glorieux martyre, & les autres par une mort naturelle, la Congregation fe trouva reduite en un tel point en 1585. qu'après la mort de Dom Jean Fekenan,dernier Abbé de Weftmunf- Clem.Reiter, qui mourut dans les fers fous le regne de la Reine Eliza- Bened. in beth, il ne fe trouva qu'un feul Religieux de cette florif- Angl. trait. fante Congregation, & cela pendant l'efpace de vingt-deux "pag. 3+ ans, jufqu'en l'an 1607. que ce Religieux affocia à fa Congregation prefque efteinte quelques autres Religieux des Congregations du Mont-Caffin & de Valladolid; & ainfi remit fur pied cette ancienne Congregation, qui s'eft augmentée en l'eftat où nous la voïons prefentement. Cependant on ne peut pas nier que les Benedictins n'aïent toûjours fubfifté en Angletere depuis l'an 596. qu'ils y entrerent & qu'ils y jetterent les femences du chriftianifme; & l'on trouvera une fucceffion fans interruption de cette Congregation de Benedictins Anglois depuis cette année 596. jufques à ce jourd'hui, quoique pendant vingt-deux ans elle ait efté reduite à un feul Religieux.

Ainfi,fuppofé qu'il n'y euft que ce feul Religieux ou Solitaire, que faint Antoine alla trouver lorfqu'il voulut fe retirer dans

la folitude, il ne faudroit pas conclurre de là que l'eftat Mo naftique fut pour lors éteint; au contraire je trouve qu'il y avoit en ce tems-là un grand nombre de Solitaires; puifqu'au rapport de faint Athanafe, faint Antoine alloit chercher ceux qu'il croïoit les plus avancés dans la perfection, afin de recevoir d'eux des inftructions, & que ce viellard,à qui il s'adressa dabord, s'eftoit exercé dès fa jeuneffe à la vie folitaire.

Saint Palémon avec qui S. Pachome fe retira vers l'an 314. eftoit un Anachorete fort àgé, & avoit efté neanmoins inftruit par d'autres dans les pratiques de la vie folitaire. Nous trouvons au troifiéme fiécle S. Denys Pape, qui d'Anachorete qu'il eftoit, aïant esté fait Preftre de l'Eglife Romaine, fut elu l'an 259. pour la gouverner. Si nous remontons au fecond fiécle, nous trouvons S. Thelefphore, qui, aïant efté auffi Anachorete, fut elevé au fouverain Pontificat l'an 128. L'heretique Marcion, felon ce que nous apprend S. Epiphane, fe fépara de l'Eglife vers le milieu de ce fiécle, après avoir fait profeffion de la vie Monaftique. Enfin dans le premier fiécle nous y trouvons les Therapeutes que le Pere Papebroch ne veut pas neanmoins reconnoiftre pour Moines; mais il ne fait pas difficulté de reconnoiftre pour tels, les autres Difciples des Apoftres dont parle Philon, qui felon cet Auteur Juif eftoient répandus chez les Grecs & les Barbares: Alios vePapebr. rep. adparo (dit ce fçavant Jefuite) quos in aliis regionibus inter tem Sebaft. Grecos & Barbaros indicat Philo aliorum quoque Apofioleà S. paulo rum vel Apoftolicorum virorum fuiffe difcipulos, nequaquam fuisse ambigo, & veros omnino Monashos ( licet hoc nomen necdum ufurparetur) id eft Solitarios agnofio. Et l'on peut croire aifément que pendant les perfecutions il y a eu des Communautez,qui à la vérité n'eftoient pas fi nombreufes qu'elles l'ont efté lorfque l'Eglife fut en paix ; puifque, comme nous venons de dire, il ne laiffe pas d'y avoir des Monasteres en Angleterre & en Irlande, nonobftant la perfecution, & qu'il s'y tient mefme des Affemblées confiderables.

Art. 16.

69.

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J'avoue que, quoique ces Monafteres des trois premiers fiécles fuffent de veritables Monafteres, ils n'eftoient pas néanmoins fi parfaits qu'ils l'ont efté au tems de S. Antoine, & encore davantage au tems de S. Bafile, qui a donné la dermiere perfection à l'Estat Monastique: C'est pourquoi on peur

les

que,

& Act SS.

les appeller de fimples Monafteres pour les diftinguer de ceuxcy ; & je croi que le P. Papebroch voudra bien me paffer cette diftinction de fimples Monafteres & de parfaits ; puifnonobftant qu'il dife que les Difciples des Apoftres, Ibid. art. dont nous venons de parler, fuffent de véritables Moines, num.12 il ne laiffe pas de dire auffi, qu'ils eftoient de fimples Moines, 14. mais in qu'il compare aux Ermites de ce tems-cy, pour les diftin- vz. S.Pach. guer de ceux du quatriéme fiécle, engagés par des vœux; & comme il fe voit à préfent des Communautés confidérables d'Ermites de dix, de vingt, de trente, & mefme de plus grand nombre,qui font de véritables Communautés; on peut les comparer à celles des premiers fiécles, où l'on vivoit fans doute avec plus de fubordination que dans la pluspart de celles cy, qui font néanmoins gouvernées par un Supérieur.

PARAGRAPHE I V.

Preuves de l'antiquité de la Vie Monastique, contre le
Sentiment du Pere Thomassin.

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clef. part. I.

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E R. P. Thomaffin, après avoir parlé de l'origine & de Thom aff. l'inftitution de la vie Monaftique qu'il attribue à faint Difcipl. EcAntoine & à faint Paul premier Ermite, convient que liv.1.Chap. depuis les premiers Fidelles de l'Eglise de Jérufalem, il y a 46. n. io toujours eu des Particuliers qui ont pratiqué toutes les vertus des véritables Solitaires ; & qu'ainfi, comme on est remonté au dessus de S. Antoine jufqu'à S. Paul premier Ermite, on pourroit encore monter plus haut, & former la fuite de cette fainte inftitution qui remplit les trois premiers fiécles: " Mais à dire la vérité ( ajoûte-t-il) cet en- " chaifnement est imaginaire, l'Hiftoire nenous apprend rien de cette continuation, elle n'eft appuiée que fur des con- «jectures. A quoi il faut ajoûter que ces Solitaires des premiers fiécles n'ont point formé de Difciples, n'ont point ouvert d'Efcoles, n'ont dreffé aucune Regle, n'ont pu fe diftinguer par aucune forte d'Habits, n'ont point formé de Corps différent du Clergé & des Laïques; ce qu'on " ne peut pas oppofer à S. Antoine & à fes Imitateurs... Il faudroit outre cela rencontrer une " Regle, une Communauté, un Habit particulier, un Estat

Tome I

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» diftingué des autres, des Exercices reglés & uniformes, » des Efcoles des Colonies; & c'est ce qu'on ne trouve » point qu'après faint Antoine.

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num Hom.

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Il eft aifé de refpondre à cela, en difant que : durant les trois premiers fiécles de l'Eglife il n'y a point eu d'autres Regles Monaftiques que les confeils Evangéliques; qu'il s'eft pu trouver des Communautés, comme nous avons montré dans le Paragraphe III. qui n'eftoient que de cinq, de fix, ou de dix au plus, comme M. de Tillemont en demeure d'accord. Les perfecutions ne permettoient pas qu'elles fuffent plus nombreuses. L'Habit que faint Palemon donna à saint Pachome, temoigne affez qu'il y avoit un Habit particulier pour les Moines. Celui qu'il portoit lui - mefme lui avoit efté donné fans doute par ceux qui l'avoient inftruit dans les pratiques de la vie Solitaire, & aïant efté inftruit dans ces pratiques, c'eft une preuve que ces Solitudes estoient des Efcoles où l'on apprenoit la pieté en mefme tems qu'on Origin la pratiquoit. Origene aïant mené la vie des Afcetes, l'a 24. marquée comme un eftat diftingué entre les Chreftiens, lorfqu'il dit qu'ils font attachés uniquement au fervice de Dieu, dégagés des affaires temporelles, combattans pour les foibles par la priere, le jeûne, la juftice, la pieté, la douceur, la chafteté, & par toutes les vertus, enforte que les foibles mefmes profitent de leurs travaux. On trouve auffi dans ces Afcetes ou Solitaires des exemples de ces Colonies que le P. Thomaffin demande, puisqu'ils eftoient répandus par toute la terre. Leurs exercices font affez conils eftoient reglés & uniformes, ils vivoient par tout dans une grande retraite, ils gardoient tous la continence; & la vie de ceux qui gardoient ainfi la continence, eft appellée vie Monaftique ou Solitaire par Clement d'AlexanStrom. liv. drie, comme nous avons dit ailleurs. Ils renonçoient auffi 3.67 pag à tous les biens de la terre, pour embraffer la pauvreté; ils chastioient leurs corps, & le reduifoient en fervitude, pour pratiquer le confeil de l'Apoftre. Tels eftoient donc les Moines des trois premiers fiécles.

4540457

nus,

Mais pourquoi le P. Thomaffin exige-t-il des Moines des trois premiers fiécles des Regles efcrites, puifqu'il n'en demande point à ceux du quatriéme ? car en parlant des Regles efcrites & non efcrites que diftingue S. Gregoire de

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cc

Thom.

Eccl. 1.1.

Nazianze, & qu'il dit que S. Bafile donna à fes Religieux, il ajoute encore qu'on pourroit bien penfer que les Monaf- " teresd'Egypte & de la Palestine, avant S. Bafile, n'avoient “ que des Regles données de vive voix, efcrites fur les Ta-“ bles immortelles des cœurs, & dans les mœurs & couftu- « Discipl. mes de faints Religieux. Difons donc (continue cet Au- "Chap.43. teur) que lorfque les Congregations n'avoient point d'au ‹‹ num. §. tre Regle que l'Evangile, elles eftoient parfaitement foumifes aux Evefques par la divine autorité de cette Regle, puifque les Evefques font les Succeffeurs des Apoftres. « Cela eftant, il n'y a donc point d'inconvenient de dire que les Moines des trois premiers fiécles ont pû vivre fous la Regle de l'Evangile ; puifque, felon le P. Thomaffin, ceux du quatriéme fiécle n'ont point eu de Regle efcrite avant S. Bafile.

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Il reconnoift qu'il y a eu de veritables Religieufes dès le commencement de l'Eglife; pourquoi ne dirons nous pas qu'il y a auffi eu de veritables Religieux ? & l'on doit entendre qu'il y a eu de veritables Religieufes, lorfqu'il dit qu'il faut ingenuement avouer que la profeffion des Veuves & des Vierges eft beaucoup plus ancienne que celle des Moines; car en comparant la profeffion des Veuves & des Vierges des premiers fiécles, à celle qu'ont fait les Moines, c'eft les reconnoiftre pour Religieufes ou Moniales; puifqu'elles avoient deflors les mefmes engagemens que les Moines n'ont eu, felon lui, que dans la fuite. Et après avoit rapporté l'occupation de ces Veuves & de ces Vierges,il ajoûte : " ce filence , cette retraite, ces mortifications, cette application continuelle à la priere & à la lecture des faintes Lettres, nous obligent de croire qu'avant qu'il eust des Monasteres diftingués des Maisons communes y avoit autant de veritables Monafteres qu'il y avoit de Maisons communes, où ces Vierges faintes habitoient au « milieu des Villes & de Rome mefme; & il cite ce que dit S. Jérôme efcrivant à Marcelle, en lui faifant l'eloge de Hier Ep a fainte Afelle: Ut in Urbe turbida inveniret Eremum Mona- Land. Afel. chorum.

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Il paroist par-là que felon le P. Thomaffin les Maisons où demeuroient ces Vierges & ces Veuves, non feulement des trois premiers fiécles de l'Eglife, mais encore du quatrième,

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Ibid.

Chap. So n. 8.

Marce!!. de

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