Ibid. Page 176. ce n'est qu'après avoir dit qu'il est difficile de croire qu'il y ait eu une fucceffion de Monafteres & de Moines dans l'Eglife, depuis saint Marc jusques à faint Antoine. Pour moi je croy qu'il est bien plus difficile de se perfuader que pendant les trois premiers fiécles de l'Eglise que tous les Chreftiens estoient parfaitement unis : que dans ces tems heureux, où ils n'avoient tous qu'un cœur & qu'une ame, où leurs joïes & leurs afflictions estoient communes; en forte que si quelqu'un avoit receu de Dieu quelque grace particuliere, tous y prenoient part; & fi quelqu'un estoit en penitence, tous demandoient mifericorde;où tous les Chrestiens vivoient comme parens, s'appellant peres, enfans, freres & fœurs, felon l'âge & le fexe; il est très difficile, dis-je, de croire que les Afcetes, qui embraffoient la vie Afcetique par un defir de plus grande perfection, se retirassent ensemble cinq, ou fix, ou dix au plus, pour vivre fans aucune fubordination, & ne se maintenir qu'avec beaucoup de peine dans la pieté, en vivant ainsi en commun. N'a-t-on pas lieu de croire que les Monafteres de ces Afcetes eftoient de veritables Monafteres, les perfecutions ne permettant pas qu'ils fussent si peuplés qu'ils l'ont esté dans la fuite ? Ne trouvera-t-on pas une suite d'Ascetes & de Solitaires,en remontant depuis faint Antoine jusques à faint Marc, auquel tems tous les Therapeutes, que M. de Tillemont reconnoift avoir esté convertis pār saint Marc, se retirerent dans la folitude ? & n'est-ce pas reconnoiftre pour Moines ces Therapeutes, & leurs demeures pour de veritables Monafteres, lorsqu'il dit qu'il est impoilible de trouver une fucceffion de Moines & de Monafteres depuis ce tems-là jusques à faint Antoine puisque toute fuccession suppose un commencement? Cependant il ne veut point reconnoiftre de Monafteres avant faint Pachome qui, à ce qu'il dit, n'a fondé les premiers que l'an 325. quoique par ce qu'il avance lui mesme, cela ne peut estre arrivé Page 107. que l'an 340. comme nous ferons voir. Et dans un autre endroit au sujet de la foœur de faint Antoine, il dit qu'elle fe retiva l'an 270. dans un Monaftere de Filles, qui est (à ce qu'il pretend) le plus ancien dont il foit fait mention dans l'Eglife. Ainfi, felon le mesme Auteur, il y auroit eu de veritables Monafteres soixante-dix ans avant saint Pachome, quoiqu'il le nie en 1 lusieurs endroits, comme nous le prouverons dans la fuite. : : Page 102. Saint Athanase dans la vie de saint Antoine, aïant dit que les Monafteres n'estoient pas si frequens lorsque ce Saint feretira vers l'an 270. M. de Tillemont pretend que le mot de Monaftere en cet endroit, marquoit souvent en ce tems-là la demeure d'un seul Solitaire; d'où l'on doit conclurre qu'il s'entendoit aussi quelquefois d'un Monastere où plusieurs personnes demeuroient ensemble. En effet dans ses notes fur faint Pachome, prevoïant bien qu'on pourroit tirer cette consequence, il s'explique au sujet de ces mesmes Monafteres, en disant que par le terme de Monaftere on ne doit pas entendre une Congregation de Religieux qui vivoient ensem- Page 679. ble; mais seulement une demeure d'un petit nombre de Solitaires, souvent mesme d'un seul; & un peu plus bas au sujet de ceux de Chenobosque & de Moncose, ou Mochans, qui se soûmirent à la Regle de faint Pachome, il dit que c'estoit sans doute de cesMonafteres de huit ou de dix Religieux, qui se voïoient avant saint Pachome, & qui estoient moins des Cœnobites que des Ermites. Il est en cela bien efloigné du sentiment de M. Bulteau, qui Bult. hift. appelle ces Monafteres de Chenobofque & Moncofe des Abbaïes, Moraliq & qui,bien loin de les mettre au nombre de ceux où M. de Til-prge 83. lemont dit qu'on vivoit sans aucune fubordination, & où on ne se maintenoit qu'avec beaucoup de peine dans la pieté, prétend au contraire que ce n'estoit pas pour eftre reformés qu'ils se soumirent à saint Pachome; car parlant de celui de Chenobosque, il dit que le venerable Eponyche qui en estoit Abbé, l'offrit à faint Pachome, & qu'il n'avoit pas besoin de reforme, 18. cap. 5. puisqu'il estoit habité par des Religieux très anciens & très avancés dans la perfection. Caff. Col. Mais l'on pourroit demander à M. de Tillemont qu'il eust à fournir lui-mefme des preuves, comme il n'y a pas lieu de douter qu'il n'y ait pas eu plus de huit ou dix deReligieux dans ces Monafteres de Chenobosque & Moncofe, & qu'ils y eftoient moins des Cœnobites que des Ermites; puisque Caffien aïant pretendu que les Cæœnobites sont plus anciens que les Anachoretes, qu'ils ont commencé avant saint Paul Ermite & De Tillem. faint Antoine; & mesme qu'ils ont toûjours esté dans l'Eglife ut fip pag. depuis les Apoftres, M. de Tillemont veut qu'il justifie cette 678. pretention. 11 feroit plus aisé à Cassien de la justifier, qu'à M. de Tille- mont de prouver ce qu'il a avancés car Cailien lui pourroit refpondre que lorsqu'il fut en Egypte, l'an 394. il n'y avoit que trente-huit ans que faint Antoine eftoit mort, & qu'il n'y en avoit pas plus de quarante-fix que faint Pachome l'eftoit auffi: qu'ainsi il n'y avoit pas un fi long-tems pour qu'il ne fe trouvaft pas de leurs Difciples encore vivans, de qui il auroit appris que leurs Maistres n'avoient pas efté les Auteurs de la vie Monaftique & Cenobitique qui estoit plus ancienne qu'eux ; & que la tradition parmi ces anciens Solitaires eftoit, qu'il y avoit toûjours eu des Moines & des Solitaires depuis les Therapeutes jusques à eux ; c'est apparemment ce qui a donné lieu à Cassien de dire que les Cœnobites estoient plus anciens que les Anachoretes, qu'ils avoient commencé avant faint Paul & faint Antoine, & qu'ils ont toûjours esté dans l'Eglife depuis les Apoftres. Au reste les noms de Therapeutes, d'Afcetes, de Moines, de Solitaires & d'Ermites, aïant esté donnés indifferemment à tous ceux qui ont fait profession de la vie Monaftique; on doit reconnoiftre une fucceflion de Moines fans interruption depuis faint Marc jusques à faint Antoine; puisque presque tous les Hiftoriens, & M. de Tillemont mesme, demeurent d'accord qu'il y a toûjours eu des Afcetes dans l'Eglife, & l'on doit reconnoiftre leurs Monafteres pour de veritables Monafteres, quand bien mefme ils n'auroient efté que de huit ou de dix Religieux au plus; puisque l'essentiel de la vie Cœnobitique n'est pas de demeurer quatre ou cinq cens ensemble, mais feulement plusieurs, & que le nombre de huit ou de dix, & mefme un moindre nombre, eft fuffifant pour cela. Car il n'y a perfonne qui dise que les Capucins soient des folitaires, & leur qualité de Mandians n'empefche pas qu'ils ne foient veritablement Cænobites. Cependant felon les Conftitutions qui furent dreffées dans leur premier Chapitre General, tenu à Alvacina l'an 1529. ils ne devoient pas demeurer plus de fept ou de huit dans un Convent, excepté dans les grandes villes, où ils pouvoient de meurer dix ou douze : ftatuimus ut Conventuum familie annal. Ca" feptimum vel octavum numerum fratrum non excedat, preJan. 1929. terquam in magnis civitatibus, ubi decem vel duodecim circiter fratres commodè habitare poterunt. In reliquis urbibus aut Greg lib. oppidis, non amplius quam septem vel octo fratres commoren2. dialog. sur : & faint Benoist ne mit aussi que douze Religieux Bouer. puc. ad SAP 30 Chreft. dans chacun des douze premiers Monafteres qu'il fonda. Toute la difference que M. Fleury met entre les Moines & Fleury les Afcetes, c'est que ceux-ci demeuroient dans des folitudes mœurs des auprès des villes, & que les autres se retiroient dans les deferts: pag. 305. car en parlant dans un endroit de faint Antoine, il dit qu'aïant mené la vie Afcetique près du lieu de fa naissance, il se retira dans le defert: qu'il fut le premier qui y assembla des Difciples, & les y fit vivre en commun; & qu'on ne les nomma plus Afcetes, quoiqu'ils menaffent la mefme vie; mais qu'on les appella Moines, c'est-à-dire Solitaires ou Ermites, & habitans des deferts. Cependant dans un autre endroit il donne le nom de folitaires aux Afcetes avant la retraite de saint An- le mefme toine; car du tems qu'il embrassa la folitude, & qu'il renonça hift. Ecclef. au monde, il dit que l'Egypte n'avoit pas encore tant de mai- 418 419 fons de Solitaires, & qu'aucun d'eux ne connoissoit encore le grand defert: que dans le voisinage d'Antoine, il y avoit un vieillard Solitaire, & que l'aïant veu, il fut touché d'une loüable emulation: qu'il commença premierement à demeurer auffi hors du bourg; mais que s'il entendoit parler de quelque vertueux Solitaire, ill'alloit chercher. Voila donc le nom de Solitaire donné par M. Fleury aux Afcetes avant la retraite de faint Antoine, quoiqu'il ait dit dans un autre endroit que ce ne fut qu'après; que croirons-nous done? Mais supposons qu'ils n'aïent esté appellés Moines ou Solitaires qu'après la retraite de faint Antoine, nous trouveront toujours cette fucceffion de Moines & de Monafteres depuis faint Marc jusques à ce tems-là; puisqu'avec le nom de Moines les Afcetes ne changerent rien dans leur maniere de vivre, felon M. l'Abbé Fleury, & que M. de Tillemont reconnoist qu'il y en a toûjours eu de tout tems dans l'Eglife. Lechangement de nom n'a point interrompu cette fucceffion; de mefme qu'il eft toujours vrai de dire que l'Ordre desChevaliers de Malte a toûjours fubfifté depuis environ l'an 1099..jufques à present; quoique d'abord on leur ait donné le nom de Chevaliers de faint Jean de Jerufalem, qu'on les ait appellés enfuite Chevaliers de Rhodes, & enfin Chevaliers de Malte, après que cette Ifle leur euft efté donnée par l'Empereur Charles V. l'an 1530, PARAGRAPHE ΙΙΙ. Que les perfecutions n'ont point empesché qu'il n'y ait toujours eu des Moines & des Monafteres depuis faint Marc jusques à faint Antoine. NE des plus fortes raisons qu'on allegue pour ne point reconnoistre une fucceffion de Moines & de Monafteres depuis faint Marc jusques à saint Antoine, c'est que les perfecutions ne l'auroient pas permis. Mais je trouve cette raison frivole: pourquoi ne veut-on pas que ce que nous voïons tous les jours arriver en Irlande, ne soit pas arrivé dans les folitudes de l'Egypte & de la Thebaïde à l'égard des Afcetes, des Moines, ou Solitaires, qui font noms Synonimes, & qui n'y ont jamais efté si persecutés dans ce tems-là, que les Religieux le font presentement dans ce Roïaume? les Prestres seculiers y sont tolerés, & les Religieux fi fort haïs, que par un acte du Parlement de l'an 1697. il est defendu à qui que ce soit, soit Catholique ou Proteftant, d'en recevoir aucun, ni de leur donner aucun secours, mefme hors du Roïaume, fous peine de cent livres sterlin d'amende pour la premiere fois, de deux cens livres sterlin pour la seconde, & de punition corpo relle pour la troifiéme fois, avec confiscation de leurs biens; & aux Religieux d'y demeurer, sous peine d'un an de prifon & de bannissement hors du Roïaume; excepté ceux qui y eftant lors de la publication de cet acte, en feroient fortis, & y feroient revenus ; car pour ceux-ci, ils font declarés criminels de Leze-Maïesté & coupables de mort; ce qui s'execute avec tant de rigeur qu'il n'y a point d'années qu'un grand nombre de Religieux ne finisse sa vie par un glorieux martyre, ou ne foit comdamné à un bannissement. Cependant cela n'empefche pas qu'il n'y en ait toûjours en Irlande un grand nombre de differens Ordres, qui, malgré ces violentes perfecutions, ne laissent pas d'y tenir des affemblées, & mefme confiderables; puisque ces Religieux y tiennent toûjours des Chapitres Provinciaux, compofés quelquefois de près de cent personnes, quoiqu'il n'y ait que les seuls Superieurs qui aïent droit de s'y trouver. Dira-t-on qu'il n'y a point eu de succession de Moines & |