GRECS.

ils ne peuvent point manger de tous ces alimens. Il y a nean- MOINES moins quelques poiffons qui leur font permis comme ceux qui n'ont point de fang, tels que font les Huitres, les Polypes, les Petalydes, les Seches, les Moules, les Efcargots de mer, & les poiffons à coquilles il leur eft auffi permis de manger de la boutargue qui eft faite d'oeufs fechés d'un poiffon appellé Tétard; & du Caviard compofé auffi d'oeufs d'un autre poiffon appelléMaroni qui vient de la Mer-noire. Mais le jour de l'Annonciation de Notre-Dame, pourveu que cette Fefte n'arrive point dans la semaine Sainte, ni le Dimanche des Rameaux ils peuvent manger du poiffon de toute forte d'efpece. Ainfi leur nourriture pendant ce tems-là eft de chofes mal faines & de dure digeftion, avec des legumes, du ris, du miel, des olives, & des herbages. A Zante la pluspart des Grecs ne veulent mefme ufer d'huile, parce qu'elle eft graffe, quoiqu'ils ne faffent pas de difficulté de manger des olives; mais en Grece il n'y a que les Religieux, les Religieufes, & quelques devots qui s'en abstiennent. Pendant ce Carefme les Religieux ne boivent point de vin, ou du moins n'en doivent point boire, excepté le Samedi & le Dimanche ; & leur abftinence est fi grande,que fi durant le Carefme ils font obligés, en parlant, de nommer feulement du lait, du beure ou du fromage, ils ajoûtent toûjours la parenthefe de Timitis agias faracoftis, fauf le refpect du faint Carefine, & le Peuple à leur exemple en fait autant.

pas

Le fecond Carefme eft celui des Ss. Apoftres,qui commence huit jours après la Pentecofte fans eftre borné par des jours fixes; car en certaines années il dure trois semaines, & quelquefois plus long-tems. Ils boivent du vin pendant ce jeune, & mangent du poiffon, mais ils s'abftiennent de laitages, & des autres chofes qui ont rapport à la viande. Le troifiéme Carefme eft celui de l'Affomption de Notre-Dame: il dure quatorze jours, pendant lefquels il ne leur eft pas permis de manger du poiffon, excepté le Dimanche & le jour de la Transfiguration de Notre-Seigneur. Le quatriéme Carefme est celui que nous appellons de l'Advent, qu'ils commencent quarante jours avant Noel, & qu'ils obfervent de la mesme maniere que celui des Apoftres. Outre ces Carefimes, qui comme nous avons dit font communs avec les Seculiers, ilsen ont encore trois autres, dont le premier commence avant la Feite A a

Tome I.

MOINES de faint Dimitri,& dure vingt-fixjours. Le fecond eft de quinGRECS. ze jours avant la Feste de l'Exaltation de la fainte Croix; & le troifiéme de huit jours avant la Fefte de faint Michel. Tous les Grecs jeûnent encore les Vendredis & les Mercredis,& quelques-uns les Lundis ; mais ils ont en horreur le jeûne des Ninivites ou de Jonas, que quelques Orientaux obfervent, comme nous avons dit dans les Chapitres précedens. Ils le regardent comme fuperftitieux ; c'eft pourquoi pendant la femaine que les autres jeûnent, ils mangent de la viande.

L'orfqu'il fe prefente quelqu'un pour embraffer la vie Monaftique, on le fait poftuler quelque tems, & eftant admis on le fait venir à l'Eglife,où le Superieur lui demande, fi c'est de fon propre mouvement qu'il vient à Jesus-Christ: s'il n'y eft point contraint par la neceffité: s'il renonce au monde & à tout ce qui lui appartient: s'il perfeverera dans le Monaftere & dans les exercices de la vie Monaftique : s'il fera foumis à fes Superieurs s'il gardera la chafteté jusqu'à la mort. Il l'exhorte de bien prendre garde aux engagemens qu'il va contracter avec Jefus-Chrift; il l'avertit que les Anges font prêts pour recevoir fon Vau, dont on lui demandera compte au jour du Jugement.

Le poftulant aïant refpondu qu'il fe foumet à tout ce qu'on lui propose, le Superieur dit : Notre Frere N. prend le commencement du faint & Monaftique Habit;difons pour lui que le Seigneur lui faffe mifericorde: les Religieux repetent toûjours par trois fois, que le Seigneur lui fasse mifericorde. Il lui coupe les che veux en forme de croix en commençant par le fommet de la tefte; il e; il coupe enfuite le devant, le derriere, & les costés en difant: Notre Frere N.a les cheveux coupés,au nom du Pere,du Fils, & du faint Efprit; difons pour lui que le Seigneur lui faffe mifericorde. En lui donnant la Tunique: Notre Frere N. eft revêtu de la Tunique de juftice pour gage du faint & Angelique Habit;difons &c. En lui donnant le Bonnet: Notre Frere N. reçoit le Cafque fur fa tefte, au nom du Pere, du Fils, & du faint Esprit ; difons pour lui &c. Voila en quoi confifte l'Habit des Religieux de la premiere claffe; & lorfqu'ils l'ont porté pendant trois ans, on leur donne l'Habit desProfez,que l'on nomme le petitHabit, & qui fe donne avec les ceremonies qui fuivent.

Les Religieux aïant commencé leur Office, le Sacriftain conduit hors del'Eglife celui qui doit prendre l'Habit; & com

GRECS.

Matth. 11:

me il n'eft pas encore reçu au nombre des Anges, & qu'il eft MOINES dans le rang des penitens, il demeure à la porte de l'Eglife. En y allant il fait plufieurs genuflexions à l'un & à l'autre Choeur, & enfuite au Superieur. Eftant fous le Veftibule, il ôte ses habits, c'est-à-dire la tunique qu'il a reçue à la prife d'Habit ; & pendant qu'on dit la Meffe, il a la tefte & les pieds nuds, & n'a point de ceinture. En entrant dans l'Eglife on chante des Antiennes, lefquelles eftant achevées, il eft conduit par le Sacriftain à la porte du Sanctuaire en faisant trois genuĤlexions en trois lieux differens. Il fe tient de bout devant le Superieur qui lui dit : Qu'il faut qu'il ouvre les oreilles du cœur,& qu'il entende la voix du Seigneur qui dit à ceux qui font fatigués & chargés ; de venir à lui & qu'il les foulagera, qu'il faut pren- 28. & 20. dre fon jong, & apprendre de lui qu'il eft doux & humble de cœur,& qu'on y trouvera le repos de fon ame. Il l'exhorte à refpondre exactement à toutes les demandes qu'il lui fera, qu'il doit fçavoir que Notre Seigneur Jesus-Christ, sa sainte Me re & les Anges font prefens pour écouter tout ce qu'il dira, afin qu'au jour du Jugement on lui donne la recompenfe, non pas conformément à ce qu'il aura promis, mais conformément à ce qu'il aura fait.Il lui demande enfuite pourquoi il s'approche de l'Autel:s'il veut eftre revêtu de l'Habit Angelique:fic'eft de fa propre volonté, fans contrainte & fans neceffité qu'il veut fervir le Seigneur:s'il demeurera dans le Monaftere, & s'il perfeverera jufqu'à la mort dans les exercices de la vieMonaftique: s'il veut garder la chafteté, obferver la temperance, pratiquer la devotion, foutenir les afflictions & les aufterités de la vie Monastique, & obeïr jufqu'à la mort à son Superieur.

Le Novice aïant refpondu à toutes ces demandes,& témoigné vouloir prendre le petit Habit, le Superieur lui fait une exhortation qui renferme tous les devoirs aufquels il s'engage; & lui aïant encore demandé s'il promet de les remplir; le Novice l'aïant promis, le Superieur recite une Oraifon, après laquelle il lui met entre les mains tous les habits dont il va eftre revêtu, & recite d'autres Oraisons, après lefquelles il étend la main vers le costé de l'Evangile en difant: Jefus-Chrift est là invifiblement, voiez fi perfonne ne vous contraint de recevoir l'Habit, & fi vous fouhaitez de votre propre mouvement eftre revêtu du gage du grand & Angelique Habit. Le Novice aïant refpondu qu'il le demande de tout fon cœur & de fon propre