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T.1. P. 143.

Religieuse Ethyopiene

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celui d'Heleni, & celui d'Alleluia. Ce dernier fut ainsi nommé, ABYSSINS
à ce que disent ces Moines, par celui qui en fut le premier Ab-
bé, fur le rapport d'un Ermite qui eftant en oraison vit en
extase & entendit des Anges qui chantoient Alleluia dans ce
lieu.

Il y a aussi un grand nombre de Religieuses en Ethiopie, qui
font pareillement habillées de toile de coton ou de peaux jau-
nes, & ne portent ni manteau ni capuce. Elles ont la tefte ra-
sée, autour de laquelle elles ont un bandeau de cuir large de
deux doigts, qui passant pardessous le menton, se lie fur le
front, & dont les deux bouts pendent fur les épaules. Il y en a
qui croïent que ce n'est que l'habillement des Novices, & que
les Professes peuvent inettre un voile & un manteau. D'autres
disent que cela n'est permis qu'aux vieilles: elles ne sont point
renfermées dans des Monasteres; mais elles demeurent dans les
fermes & les villages qui dependent & obeïffent au Monaftere
où elles ont pris l'habit. Alvarez dit avoir veu quelques Com
munautés de Religieuses, qui ont neanmoins la liberté de for-
tir de leurs maifons pour aller où bon leur femble. Il y a de ces
Religieuses qui menent une vie affez reglée; mais il y en a
beaucoup qui ne croïent pas que ce foit un deshonneur pour
elles d'avoir des enfans. Schoonebek met leur institution vers
Pan 1325. par la venerable Mere Imata; mais c'est apparem-
ment fur la relation du P. Louis d'Ureta de l'Ordre de faint
Dominique, qui dans l'Histoire qu'il a donnée d'une Provin-
ce supposée de fon Ordre en Ethiopie, a pretendu que pref
que tous les Religieux de ce païs estoient de l'Ordre de saint
Dominique, & que la Mere Imata fonda un Monaftere du mef-
me Ordre pour des Religieufes à Bedenagli, où il n'y en eut d'a-
bord que cinquante; mais dont le nombre augmenta jusqu'à
cinq mille après la mort de cette pretenduë Fondatrice: ce
qui n'est pas moins fabuleux que ce qu'il rapporte des Con
vents de Plurimanos & de l'Alleluia, on il met neuf mille Re-
ligieux de fon Ordre dans le premier, & fept mille dans l'au-
tre, fans compter les domestiques qui font au nombre de plus
de trois mille dans celui de Plurimanos, comme nous dirons plus
au long, en parlant de l'Ordre de faint Dominique dans la
troifiéme partie de cette Histoire..

Voiez Job Ludolf, Hift. Ethiop. & fon Commentaire fier tas mesme Histoire. Franc. Alvarez, fon voïage en Ethiopie. Mar

ABYSSINS. mol, Description de l'Afrique. Louis d'Ureta, Hift. de la fa grada orden. de Predic. en Ethiopia. & le P. le Gobien, 4. Recueil des Lettres édifiantes des Missions Etrangeres.

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Des Jeûnes & abstinences des Moines & des Religieuses en Ethiopie.

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E que nous avons rapporté dans les Chapitres precedens des jeûnes & abstinences des Moines Maronites, Armeniens, Jacobites, & Coptes, est peu de chose en comparaison des jeûnes & mortifications des Moines Ethiopiens, qui commencent avec les Seculiers le Caresme de l'Eglise universelle à la Sexagefime, & qu'ils observent très rigoureusement, ne mangeant, pendant tout le tems qu'il dure, que du pain & ne buvant que de l'eau. Il est vrai qu'ils trempent leur pain dans une espece de sauce qu'ils font avec de la graine de cauffa qui est fortcuisante à la bouche. Ils se servent encore d'une autre graine qu'ils nomment Tebba qu'ils accommodent en maniere de moutarde. Il se trouve beaucoup de ces Religieux qui par devotion ne mangent point de pain pendant tout le Caresme,quelques-uns mesme s'abstiennent d'en manger toute leur vie, & mangent seulement de l'agrinos, qui est une herbe qu'ils font cuire dans de l'eau, fans fel ni beure, & fans autre afsaisonnement. Quand ils n'en peuvent pas trouver, ils ufent de quelques legumes, comme feves, lentilles, & autres semblables, qu'ils font seulement amollir dans de l'eau. Quelques-uns portent un habit de cuir fans manches, aïant les bras tout nuds: plusieurs ont fur leur chair une ceinture de fer large de quatre doigts, avec des pointes qui entrent bien avant dans la chair. d'autres ne s'asseoïent point pendant tout le tems du Caresme, mais demeurent toûjours debout. Il y en a aussi qui pendant ce tems-là se vont renfermer dans des cavernes, où ils vivent d'herbes & de lentilles seulement. Il y a encore beaucoup de Religieux & de Religieuses, qui tous les Mercredis & Vendredis du Caresme passent la nuit dans l'eau. François Alvarez dit qu'il avoit de la peine à le croire; mais qu'aïant efté avec plusieurs personnes fur le bord d'un lac, ils virent qu'il y en avoit une infinité dans ce lac, & que quelques

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uns estoient dans de petites loges de pierres basties exprès. II y a de l'apparence que les nuits font bien froides en ce païs-là, Anisins. autrement ce ne seroit pas une mortification de refter dans l'eau pendant la nuit dans le tems du Caresme, dans un païs où lesoleil est très ardent en ce tems-là, & ou mesme les fruits d'Automne de nos quartiers font en maturité. Enfin il y en a qui se retirent dans des folitudes les plus affreuses, & des forefts les plus épaisses où ils ne voïent aucun homme, faisant penitence dans ces lieux écartés.

Quoiqu'il y ait près de deux cens ansqu'Alvarez ait escrit sa Relation, où il fait un détail de ces penitences & de ces mortifications des Religieux d'Ethiopie ; il semble neanmoins qu'ils n'en aïent rien diminué jusqu'à present; car M. Poncet qui y estoit en 1700. dit avoir veu dans le Monastere de la Vision de Jesus, un vieillard âgé d'environ soixante-fix ans, frere du Gouverneur de Tigré, qui n'avoit vêcu pendant sept ans que de feüilles d'olivier sauvage, & que cette mortification lui avoit causé un crachement de fang qui l'incommodoit beaucoup;c'est pourquoi il lui ordonna quelques remedes & lui prescrivit un regime de vie.

La maniere la plus ordinaire de jeûner parmi ces Religieux eft de ne manger seulement que de deux jours en deux jours, & toûjours le soir quand le soleil eft couché ; mais le Samedi nile Dimanche ils ne jeûnent point; & comme dans chaque Eglise il ne s'y dit qu'une Messe par jour, ils ne la celebrent que le soir les jours qu'ils jeûnent, & tous y communient, après quoi ils vont manger: la raison qu'ils en donnent, c'est qu'ils disent que Notre - Seigneur Jesus-Christ fit la Cene le foir un jour de jeûne: aux autres jours qu'on ne jeûne point, ils la disent le matin.

Ces Religieux selevent deux heures avant le jour pour dire leurs Matines & ne mangent jamais de viande dans le Convent. Mais Alvarez remarque que l'orsqu'ils se trouvoient avec les Portugais, ils ne laissoient pas d'en manger & de boire du vin, pourveu qu'ils n'euffent point de Compagnon, de peur qu'il n'en avertît le Superieur qui les auroit châtiez severement pour cette transgreffion. M. Poncet dit qu'il en a vu qui se levoient deux fois la nuit pour chanter des Preaumes; peut-eftre que c'est selon les differents Instituts qu'il y a en ce païs, foit de l'Abbé Tecla-Haïmanot, soit de l'Abbé Euftafe.

Tome I.

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MOINES

Outre le Caresme dont nous avons parlé qui dure cinquante ALESSINS. jours; M. Poncet dit qu'ils en ont encore trois autres, de mefme que le reste du peuple: sçavoir celui de saint Pierre & de faint Paul, qui dure quelquefois quarante jours & quelquefois moins, selon que la Feste de Pâques est plus ou moins avancées celui de l'Affsomption de Notre-Dame, qui est de quinze jours; & celui de l'Advent, qui est de trois semaines. François Alvarez marque neanmoins ces Caresmes d'une autre maniere que M. Poncet. Outre le Caresme de la Resurrection de NotreSeigneur qui commence à la Sexagefime, il dit : qu'ils jeûnent depuis le Lundi de la Trinité jusqu'au jour de la Nativité de Notre-Seigneur: que depuis ce jour-là jusqu'à la Purification de Notre-Dame, ils ne jeûnent point, mais que les trois jours qui suivent cette Feste, ils ne mangent qu'une fois en ces trois jours, ce qu'ils appellent la Penitence de Ninive. Nous aimons mieux ajoûter foi à Alvarez qui estoit plus inftruit que M. Poncet de ce qui regardoit la Religion & les moœurs des Ethiopiens. Dans tous ces Caresmes on ne se sert ni d'œufs, ni debeure, ni de fromage; on jeûne avec la mesme rigueur tous les Vendredis de l'année. On ne dispense perfonne du jeûne, les jeunes gens, les vieillards, & mesme les mala-des y font obligés.

Mais avec tant d'austerités & de mortifications, ces Religieux sont si attachés à leurs erreurs, qu'ils n'ecoutent point les Miffionnaires qui vont chez eux pour les faire rentrer au sein de l'Eglife. Ils se sont toûjours opposés à leurs bons deffeins en empefchant que les peuples ne se convertissent. Us leur inspirent tant d'aversion pour les Européens qui sont blancs par rapport à eux, qu'ils leur font mépriser, & mefme haïr tout ce qui est blanc; c'est pourquoi s'ils reprefentent saint Michel terrassant le Diable, faint Michel est de couleur olivâtre qui eft celle des Abyssins, & le Diable eft blanc.

Le Pape Clement VII. afin d'attirer ces Peuples à la Foi OrAbbiate thodoxe & les ramener au sein de l'Eglife, leur accorda en 1525. l'Eglise de faint Estienne qu'on nomme des Indiens ou des Maures, à costé de laquelle il y a un Hôpital, où ceux qui viennent à Rome font logés & entretenus aux dépens du Pape. Gregoire XIII. ordonna que lorsqu'il y auroit des Abyfsins à Rome on leur fourniroit du Palais tout ce qui leur fe-roit necessaire. Innocent XII. imitant la pieté de ses Prede

za per. R Draft 2 eap. 3.

Ibid.Tratt.

. cap. 3

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