Page images
PDF
EPUB

PRETRES Core que fix ans lorfqu'il la perdit: ce qui aïant obligé fon DE LA CON pere à lui donner pour Précepteur un Prêtre Lorrain,pieux, TION DU S. & fçavant: il fit fous fa conduite beaucoup de progrès dans

GREGA

SAGRE la vertu & dans la fcience des Lettres humaines.

[ocr errors]

Nonobftant fa grande jeuneffe, il commença dès lors à donner des marques fenfibles de l'amour qu'il auroit un jour pour Jesus-Chrift dans la très adorable Euchariftie: car à peine commença t'il d'écrire, qu'il ne prenoit point de plus grand plaifir que d'orner fon papier de diverfes figures du faint Sacrement qu'il y deffinoit de fon invention. Sa grande dévotion étoit de fervir les Meffes. Il ne ceffoit de demander qu'on le conduisît à l'Eglife pour s'offrir aux Prêtres qui fe préparoient pour la célébrer; & fi on eût voulu fuivre fon inclination,il les auroit toutes fervies. Son amour pour la retraite étoit fi grand, qu'aïant été obligé de fuivre fon pere à fon Château de la Peinne dans la Haute F.ovence, où les Medecins lui avoient confeillé d'aller paffer quelque tems pour recouvrer la fanté qu'il avoit perdue par une maladie dangereuse, il s'en fit un plaifir dans l'efperance d'y être plus uni avec Dieu, & de l'y fervir avec moins de distraction qu'il ne faifoit à la ville. Effectivement cette folitude lui fut un lieu de plaifir & de delices, mais d'une maniere bien différente de celle de fes freres qui y étoient auffi: car au lieu que ceux-ci ne s'occuperent la plupart du tems qu'aux divertiffemens de la campagne pour lui il ne s'en fervit que comme d'une fainte retraite pour se donner entierement à Dieu. Il convertit fa chambre en une cellule, d'où il ne fortoit que rarement, quoiqu'on pût faire pour l'en retirer. Il s'y appliquoit continuellement à la priere ou à l'étude, mais avec tant d'ardeur que fouvent on le voïoit pleurer fur fes livres, pour ne pouvoir apprendre auffi vîte qu'il le fouhaitoit, de peur que le défaut de fcience ne l'exclût un jour du Sacerdoce, où il fe fentoit interieurement appellé.,

Après deux ans ou environ de fejour au Château de la Peinne, il fut envoïé à Avignon pour y étudier au College des Jefuites. Il n'étoit encore qu'en troifiéme que fes compagnons charmés de la douceur de fa converfation commen cerert de rechercher fa compagnie, de le confulter comme leur Maître, & de le confiderer comme leur modelle. Il drella en fa chambre une efpece d'Oratoire où il les affem

DE LACONGREGA

bloit, pour les retirer infenfiblement des vains amusemens PRETRES du monde, aufquels la Jeuneffe a coûtume de s'adonner. Ils y prioient Dieu & y faifoient quelques mortifications T.ON DU S. corpo- SACRE-J relies. Il les entretenoit fouvent du détachement des créa- MINT. tures, du chemin qui conduit à la vertu, & de la maniere avec laquelle il faut aimer & honorer Jefus Chrift dans le faint Sacrement. Il ne leur parloit jamais de ce divin Myftere fans pleurer, & fes difcours étoient fi tendres & fi affectifs, qu'ils ne pouvoient fe difpenfer de l'imiter. Pour mieux leur en infpirer la devotion, il les conduifoit au fortir de l'Oratoire en quelque Eglife où il étoit expofé, pour reciter chacun en fon particulier le petit Office du faint Sacrement, & y demeurer quelque tems en oraifon. Dieu ne tarda pas à montrer combien cette conduite lui étoit agreable, par les graces qu'il accorda à la plupart de ces jeunes gens, qui quitterent le monde pour s'enfermer dans des Cloîtres où ils ont vécu faintement.

Lejeune d'Authier ne fe fentoit pas moins porté que fes compagnons à embraffer la vie Religieufe; mais il ne voulut rien faire dans une affaire de cette importance fans l'avis de fon Directeur, qui ne voïant aucun inconvénient qui dût l'empêcher de fuivre fon penchant, l'y excita au contraire, en l'exhortant à ne pas recevoir en vain la grace du Seigneur. Une réponse fi favorable & fi conforme aux inclinations de d'Authier, lui donnant lieu de croire que c'étoit la volonté de Dieu, qui lui étoit manifcftée par la bouche de fon Directeur, il crut qu'il ne devoit pas differer plus long tems l'execution de fon pieux deffein ; c'eft pourquoi, bien qu'il ne fût encore qu'en humanité, il alla auffi-tôt se préfenter aux Peres Jefuites, pour obtenir d'eux la grace d'être reçu dans leur Compagnie, ce qu'ils lui accorderent, à condition qu'il finiroit auparavant fa Rhetorique. Ce délai, quoiqu'op pofé au zele & à l'empreffement qu'il avoit de fe confacrer au service de Dieu, ne lui fut pas inutile: car pour fe rendre toûjours plus digne de cette vocation, & mieux connoître la volonté de Dieu, il redoubla fes exercices de pieté, & commença de pratiquer dans le monde ce qu'il fe propofoit de faire dans la Religion. Il jeûnoit une fois la femaine, prenoit deux fois la discipline, & vifitoit tous les jours une Eglife pour y adorer le faint Sacrement ; ce qu'il a toûjours,

Tome VIII.

M..

DE LA CON

ORGA

SACRE

MENT.

PRETRES pratiqué jufqu'à fa mort. Il alloit aux Hôpitaux & aux prifons, pour y fervir les pauvres affligés, les aider & les conTION DU S. foler dans leurs infirmités, & pour les inftruire de tout ce qui concerne le falut éternel: ce qu'il continua jufqu'à ce qu'enfin comme il fe difpofoit fur la fin de fa Rhetorique, à entrer chez les Jefuites, Dieu, qui avoit d'autres deffeins fur lui,changea tous fes projets, en permettant qu'on lui résignât un Benefice dans l'Abbaïe de faint Victor de Marseille, qui étoit l'Office de Capifcol, qu'il fut obligé d'accepter contre fa volonté. Il eut peine à s'y réfoudre à la premiere nouvelle qu'il en reçût, croïant que c'étoit une tentation pour le retirer des voïes du Seigneur. Mais le Pere Michaelis Provincial des Jefuites, qui l'avoit secondé dans fon premier dessein, l'aïant affuré avec fon Directeur, que Dieu en avoit ainfi difpofé pour fa plus grande gloire, il se foûmit à la volonté du Ciel, & alla à Aubagne trouver l'Evêque de Marseille qui lui donna la Tonfure le jour de l'Affomption de la fainte Vierge de l'an 1626. D'Aubagne il fe rendit à Marseille, qui n'en étoit qu'à trois petites lieuës de distance pour prendre poffeffion de fon Bénéfice & commencer fon Novitiat, dans lequel il ne tarda pas à donner des marques que fa vocation étoit toute fainte, & que ni les hommes, ni les grandeurs du monde, n'y avoient point eu de part. Les Moines vivoient dans cette Abbaïe en leur particulier, plûtôt en Ecclefiaftiques qu'en Moines, ils n'étoient diftingués des autres Prêtres feculiers que par un petit Scapulaire fort étroit qu'ils portent encore fur leur foutanne, pour marquer qu'ils fuivent la Regle de faint Benoît, & ils appelloient le Novitiat l'efpace du tems que l'Eglife prescrit aux Religieux pour le préparer à leur Profeffion, fans autre obligation pour le refte de leur conduite que de vivre comme ils vouloient.

Monfieur d'Authier n'abufa pas de cette liberté, il se fit de ce lieu une fainte demeure pour avancer plus vîte dans le chemin de la vertu. Comme il n'avoit perfonne pour l'inftruire de fes obligations, il s'impofa à foi même des Regles & des pratiques de pieté capables de le faire arriver à la perfection de fon état. Il garda pendant cette année une continuelle retraite, & regla dès fon entrée l'ufage qu'il devoit faire du revenu de fon Benefice,dont ce qui excedoit les frais

GREGA

SACRE

MENT.

de fa dépense qui étoit très - modique & conforme à celle PRETRES d'un Religieux le plus reformé,étoit diftribué aux pauvres, DI LACONou emploié à d'autres œuvres pieufes, ne fe refervant pour TION DU S. lui que le feul neceffaire. Un de fes oncles Camerier de la même Abbaïe, lui aïant laiffé fes meubles en mourant, il les vendit les trouvant trop riches & plus propres à parer la maison d'un Grand Seigneur que la Cellule d'un Religieux, & en diftribua auffi le prix aux pauvres. Enfin après avoir paffé l'année de fon Novitiat dans les exercices de la pieté & de la mortification, il fut agregé au Corps de cette celebre Abbaïe par la Profeffion folemnelle qu'il fit entre les mains du Prieur Claustral de ce Monaftere, le 11. Octobre 1627. Après fa Profeffion il retourna à Avignon pour y faire fes études de Philofophie & de Theologie. Il y logeoit dans une maison de louage avec deux ou trois Ecclefiaftiques qu'il entretenoit de fon revenu, pour leur donner moïen d'achever leurs études. Quelques-autres écoliers fe rendoient chez lui les Dimanches & les Fêtes, & fouvent les jours ouvriers lorsque le tems le permettoit, & ils s'occupoient dans un petit Oratoire qu'on y avoit dreffé à divers exercices de devotion. Ils y prenoient ensemble la difcipline & faifoient d'autres actions de penitence, de mortification & d'humilité; Monfieur d'Authier les y entretenoit de bons difcours pour les porter à l'amour de Dieu, en quoi il réüfsit si heureusement, qu'aïant fait naître dans leurs cœurs le defir d'une plus grande perfection, ils lui témoignerent l'envie qu'ils avoient de s'engager par vœu au fervice de fa divine Majefté. Le faint jeune homme également étonné & joïeux de leur refolution qu'il approuva, leur recommanda d'y penfer ferieusement devant Dieu, & de le prier inftamment qu'il leur manifeftât sa sainte volonté. Ils fuivirent ce fage confeil, & demanderent cette grace avec tant de ferveur que ce qu'ils fouhaitoient leur fut accordé. Car le 25. de Mars de l'an 1632. Monfieur d'Authier étant allé faire fon Oraison felon fa coûtume dans l'Eglife des Religieufes de fainte Claire, Dieu lui manifefta qu'il vouloit fe fervir de lui pour établir une Congregation de Prêtres, qui vivant en commun travaillaffent à reparer, autant par la fainteté de leur vie que par leurs difcours, les defordres qui s'étoient introduits dans fon Eglife par le trop grand attachement

NAIRES DE

PRETRES que les Miniftres de fes Autels avoient pour les biens de la MISSION- terre & les vanités du fiécle : & afin qu'il ne doutât pas que LA CON- ce ne fût sa fainte volonté, il lui fit voir en efprit un jeune homme qu'il avoit choifi & destiné pour former avec lui SACRE cette bonne œuvre.

GREGATION

DU SAINT

MENT.

Monfieur d'Authier, affuré par cette revelation de la volonté de Dieu en adora les Decrets, & fe retira dans la réfolution de se soûmettre au plûtôt aux ordres de la divine providence, dont il implora le fecours, pour être confirmé dans ce que l'Efprit Saint avoit operé en lui, ce qui lui fut accordé. Car le lendemain comme il alloit en claffe, il vit avec autant d'étonnement que de joïe le jeune homme qui lui avoit été reprefenté le jour précédent dans fon Oraifon. Il étoit accompagné de fa mere, qui prioit le Préfet de lui procurer une Condition, pour avoir lieu de continuer fes études, afin de ferendre capable d'embraffer un jour l'état Ecclefiaftique. Le Préfet aïant apperçu Monfieur d'Authier, fe fentit interieurement preffé de lui en faire la propofition, & lui demanda s'il n'avoit pas befoin d'un Domestique; que ce jeune homme s'offroit à lui rendre fervice, & ne demandoit point d'autre récompenfe qu'un peu de tems pour pour étudier & s'avancer dans les fciences. Il accepta avec joïe l'offre qu'il lui faifoit, & affura la mere du foin particulier qu'il prendroit de fon fils, pour lequel il auroit tous les égards poffibles, afin qu'il fe formât à la vertu & aux fciences.

Après cette derniere faveur, qui étoit comme le fceau & le comble de celle que le Ciel lui avoit faite dans l'Eglife de fainte Claire, il ne fongea plus qu'à l'execution de la volonté de Dieu. C'est pourquoi aïant affemblé ceux de fon Oratoire, il leur communiqua le deffein qu'il avoit d'établir une Congregation, & en choifit neuf pour lui donner commencement. Ce jeune homme, dont nous venons de parler, fut de ce nombre; il s'appelloit fean-Jacques Lafon, natif de la ville de Carpentras, lequel de fon Domestique fut un de ses premiers Compagnons, qui après avoir beaucoup travaillé en Provence, en Dauphiné, & en d'autres lieux à la fanctification des ames, & à la réformation du Clergé, mourut enfin en odeur de fainteté à Senlis, étant pour lors Curé de la Paroiffe de fainte Géneviéve. M. d'Authier aïant donc choifi ces neuf Compagnons, qui n'étoient encore qu'Eco

« PreviousContinue »