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DE L'ORA

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prit volontiers la conduite du jeune Berulle; mais à peine eut- PRETRES il converfé quelques fois avec lui, qu'il le trouva fi fçavant PORN dans les chofes fpirituelles, & fi éclairé de la lumière de FRANCE. Dieu, qu'il lui adreffoit comme à un Oracle, les perfonnes qui avoient quelques peines d'efprit & qui avoient befoin de confeil ; ce qui réuffiffoit toûjours fi heureufement qu'elles ne fortoient point d'avec lui fans recevoir du foulagement à leurs fcrupules. Il aimoit fingulierement l'Oraifon, dans laquelle il recevoit des graces & des faveurs extraordinaires. Il frequentoit fouvent les Eglifes, & y demeuroit long-tems devant le faint Sacrement dans des adorations profondes de ce facré gage de l'amour de Dieu pour fes creatures. Il fe renfermoit le plus qu'il pouvoit dans fa chambre, & lors qu'aux vacances il étoit à la campagne, il cherchoit le filence des bois & des forêts, & s'y tenoit plufieurs heures du jour dans la folitude, afin de penfer plus librement & fans trouble ni inquiétude à celui qui étoit l'objet de ses defirs.

Quand il fut en âge de choisir un état de vie, il prit la réfolution d'embraffer la vie Religieufe ; mais trois Ordres differens & des plus reguliers l'aïant refufé par une fecrete difpofition de la providence divine, qui le destinoit à autre chofe ; il n'eut plus d'autre penfée que celle du Sacerdoce. Ses parens s'oppoferent à ce deffein, voulant abfolument qu'il étudiât en Droit pour prendre une Charge de Confeiller au Parlement ; mais il leur déclara avec tant de fermeté la refolution où il étoit de fuivre l'efprit de fa vocation, qu'il obtint enfin la permiffion de continuer fes études de Theolologie, dans laquelle il fe rendit fi habile, qu'il auroit pû prétendre au Doctorat, que fon humilité lui fit refufer. 11 donna au public à l'âge de dix huit ans un petit Traité de l'Abnegation interieure ; & dès ce tems là il s'emploïa a véc tant de zele & de fuccès à la converfion des Schifmatiques & des Hérétiques, qu'il ne fe tenoit aucune Affemblée, tant pour la gloire de Dieu & l'augmentation de l'Eglife Catholique, que pour le falut & la perfection des ames, où il ne fût appellé.

Le tems de recevoir les Ordres facrés approchant, il s'y prépara par la vifite des Prisons & des Hôpitaux, par une plus grande affiduité à la Priere, & par une attention plus exacte fur foi-même. Aïant obtenu de Rome la permiffion

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PRETRES de prendre les Ordres en un même tems, il s'enferma penDE L'ORA dant quarante jours dans le Couvent des Capucins, en FRANCE. l'honneur des quarante jours que le Fils de Dieu paffa dans le defert. Pendant ce tems-lå il porta toûjours un cilice, paffoit les journées fans prendre aucune chofe que du pain & de l'eau, couchoit fur le plancher ou fur des aix, & étoit continuellement en oraifon. Avec ces difpofitions il reçut tous les Ordres en une femaine, & le lendemain 5. Juin 1599. qui étoit la fête de la fainte Trinité, il célébra fa premiere Meffe dans l'Eglife des Capucins avec tant de ferveur & d'onction qu'il fembloit être ravi hors de lui même, & depuis ce tems- là à peine manqua-t-il un jour à la dire, excepté lorsqu'il étoit fur mer dans les différens voïages qu'il fit. Lorfqu'il fe vit plus étroitement uni avec Jefus Chrift par le caractere de la Prêtrife, fa ferveur le porta encore à vouloir être Religieux; mais dans une retraite qu'il fit à Verdun fous le Pere Magius Provincial des Jefuites, il connut que fa vocation étoit pour demeurer dans le monde, afin d'y travailler au falut des ames, & à la reformation de l'état Ecclefiaftique & Séculier.

Après avoir fini cette retraite, il fe confacra plus que ja mais aux œuvres qui regardoient la gloire de Dieu & l'uti lité fpirituelle du prochain. Un des premiers exercices où il s'occupa, fut de combattre l'erreur. Il avoit reçu de Dicur un don fi particulier pour la converfion des Heretiques,qu'il ramena au sein de l'Eglife plufieurs perfonnes confiderables qui s'en étoient retirées, ou qui étoient nées dans l'Hérésie, & confondit leurs Miniftres dans les conferences qu'il eut avec eux. Il fit auffi une guerre fi continuelle & fi exacte au vice, qu'il feroit difficile de dire combien de personnes il fit fortir du defordre, & combien il en fit entrer dans les voïes étroites de la perfection & de la fainteté, principalement après qu'il eut amené en France les Carmelites Déchauffées,qu'il fut chercher exprès en Efpagne, afin qu'elles y établiffent leur Réforme, dans laquelle plufieurs Demoifelles Françoifes font arrivées fous la conduite de ce faint Directeur à une éminente vertu. Tant de zele & de ferveur pour l'avancement de la gloire de Dieu, joint à la fainteté de fa vie, lui acquirent une telle réputation, que chacun lui souhaitoit les premieres Dignités de l'Eglife; mais il avoit

déja

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déja refufé des Evêchés & des Archevêchés, & il avoit PRETRES même fait vœu de n'en accepter aucun. Le Roi Henri IV. DE L'ORAvoïant que fon fils le Dauphin, qui lui fucceda dans fes FRANCE. Roïaumes fous le nom de Louis XIII. étoit déja grand jugea qu'il ne falloit pas differer à lui donner un Précepteur, & choifit Monfieur de Berulle qu'il regarda comme le plus capable de remplir cette place; mais il s'excufa encore de l'accepter, parce qu'il craignoit que cet emploi qui demandoit une grande application, ne l'empêchât de travailler au falut des ames, & à l'établissement d'une Congrégation qu'il avoit réfolu de former fur le modelle de celle de l'Oratoire de Rome, afin de faire refleurir l'état Ecclefiaftique qui étoit déchû de fa fplendeur, par les malheurs des Guerres civiles, le mélange funefte des Heretiques, & la corruption des mœurs. Ses amis aufquels il avoit communiqué fon dessein, le follicitoient fort de commencer cet ouvrage auquel il fe fentoit appellé de Dieu par de fecrets mouvemens de fa grace; mais la défiance qu'il avoit de fes propres forces le lui faifoient toujours differer, jufqu'à ce qu'enfin après avoir confulté la volonté de Dieu par de continuelles & plus ferventes prieres, & après en avoir conferé avec de faints Perfonnages, & particulierement avec le Pere Cefar de Bus, & le Pere Romillon, qui alors fuivoient l'Inftitut de l'Oratoire de Rome, il refolut de travailler à l'établissement de fa Congregation ; à condition néanmoins qu'il n'en auroit point le gouvernement, nonobftant les follicitations de plufieurs perfonnes qui le preffoient d'en prendre la conduite, mais particulierement le Cardinal de Joyeufe, qui s'obligeoit même en ce cas, à fournir tout ce qu'il faudroit pour bâtir l'Eglife, & à aider en tout ce qu'il pourroit ce pieux Fondateur, qui enfin après avoir long-tems cherché par toute la France une perfonne d'une vertu finguliere & d'une éminente pieté qui voulut prendre cette direction, dont il auroit bien fouhaité que faint François de Sales fe fut chargé, n'aïant rien oublié pour l'y engager) fut enfin obligé de mettre la derniere main à fon ouvrage, & d'en entreprendre le gouvernement pour obeïr au commandement que lui en fit Henri de Gondy Evêque de Paris, & depuis Cardinal de Retz, qui en avoit été follicité par la Marquife de Maignelay fa fœur, qui avoit déja fait un fond de plus de cinquante

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PRETRES mille livres pour y emploïer, outre plufieurs ornemens DE L'ORA- d'Eglife qu'elle avoit déja difpofés, & aufquels MademoiFRANCE. felle Acarie, dont nous avons parlé dans un autre endroit, & qui se rendit enfuite Religieuse Carmelite, avoit travaillé.

Monfieur de Berulle aïant donc reçu cet Ordre de fonPrélat, affembla une Communauté d'Ecclefiaftiques l'an 1611. dans le fauxbourg faint Jacques à l'Hôtel du petit Bourbon, où eft à prefent le celebre Monaftere du Val de Grace. Les premiers qui fe joignirent à lui, furent les Peres Jean Bance & Jacques Gaftand Docteurs en Theologie de la Faculté de Paris, François de Bourgoing qui fut dans la fuite Général de la Congregation, Paul Metezau Bachelier de la même Faculté, & le Pere Caran Curé de Beauvais. Ils obtinrent des Lettres Patentes du Roi Louis XIII. pour leur établisfement, & l'an 1613. le Pape Paul V. approuva cette Congregation fous le titre de l'Oratoire de Jefus, & lui donna M. de Berulle pour premier Général.

Le deffein de ce faint Fondateur en établiffant fa Congregation, fut de former une Societé d'Ecclefiaftiques qui pratiquaffent la pauvreté dans l'ufage de leurs biens & qui fiffent profeffion de s'emploïer aux fonctions Ecclefiaftiques, fans s'embaraffer de fe procurer aucun Benefice ni aucun Emploi auprès des Prélats Ecclefiaftiques, aufquels il leur recommande d'être joints conformément à l'obéïffance qu'ils promettent quand ils font confacrés & élevés à l'état de la Prêtrife,& autant que la gloire de Dieu & l'interêt de l'Eglife le demandent; de même que les Jefuites le font au faint Siége par le vou d'obéïffance qu'ils font au Pape. Il établit dans cette Congregation deux fortes de perfonnes, les uns comme incorporés & les autres feulement comme affociés. Le Général devoit choifir parmi les premiers ceux qu'il jugeroit capables pour gouverner les Maisons de l'Institut; & les affociés devoient être feulement dans la Congregation pour se former pendant un tems dans la vie & les mœurs des Ecclefiaftiques: ce qui étoit le veritable esprit de cette même Congregation, dans laquelle on ne devoit point enseigner es Lettres humaines ni la Theologie, comme dans la plupart des Seminaires, mais feulement les vertus Ecclefiaftiques, comme nous venons de le dire : ce qui n'a pas empêché que

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