P.EUZ. corps, & ont sur la tête deux grands voiles noirs, l'un délié O VRIERS & l'autre plus épais. Les Sœurs Ajutantes ne font diftinguées que par un voile blanc qui couvre leur tête. Les jeunes filles qui demeurent chez elles comme Pensionnaires, font habillées de bleu lorsqu'elles vont avec elles à l'Eglife, & édifient le peuple par leur modestie. Philipp. Bonanni. Catalog. Ord. Religiof. part. 2. pag. 73. 74. & 86. ΗΑΡITRE I X. De la Congregation des Ouvriers Pieux, avec la Vie du L E Pere Charles Caraffa Fondateur de la Congregation des Ouvriers pieux, tiroit son origine des Ducs d'Atri & Comtes de Ruro de l'illustre Maison des Caraffa, qui a donné des Papes à l'Eglise, plusieurs Cardinaux,grand nombre de Prélats, un Grand- Maître de l'Ordre de Malte, un Général de la Compagnie de Jesus, des Vice-Rois au Roïaume de Naples qui étoit sa patrie, & de fameux Capitaines. Il vint au monde l'an 1561. & à l'âge de seize ans il entra dans la Compagnie de Jesus, où après avoir demeuré pendant cinq ans, il fut obligé d'en fortir à cause de ses maladies continuelles. Il porta quelque tems l'habit Clerical; mais il le quitta pour prendre le parti des armes dans lequel oubliant les bonnes instructions qu'il avoit reçuës chez les Jesuites, & les exemples de vertu qu'il y avoit veu pratiquer, il tomba dans tous les deréglemens où la plupart des gens de guerre se laissent aisément entraîner. Sa bravoure lui procura des Emplois considerables à l'armée, & lui donnoit lieu d'en esperer de plus grands & de s'élever à une fortuneplus éclatante; c'est pourquoi il vint à Naples, pour y folliciter auprès du Vice-Roi quelque Emploi confiderable qui pût le récompenser des grands services qu'il avoit rendus à la Couronne d'Espagne; mais Dieu, qui lui préparoit des biens plus solides que ceux qu'il recherchoit, en disposa autrement; car un jour qu'il alloit au Palais avec tous les certificats de ses services, passant devant l'Eglise du Monastere qu'on appelle Regina Cali, il s'y arrêta pour entendre chanter une Reli PILUX. OUVRIERS gieuse, dont sa divine Majesté se servit pour le convertir & fixer fon cœur à son service;car Caraffa jugeant de sa grandeur par les agrémens qu'il communiquoit à ses creatures, il n'hésita point à préferer son service aux plus grandes fortunes, pour lesquelles il commença dès lors à avoir tant de mépris qu'il lui fit un sacrifice des certificats de ses services sur lefquels il avoit fondé toutes ses esperances. Etant retourné à sa maison il s'enferma dans une chambre pour y pleurer ses pêchés & fonger au genre de vie qu'il devoit embrasser, pour fatisfaire à la Justice de Dieu. Il commença par congedier la plupart de ses domestiques & principalement les femmes qui étoient à son service. Dès le même jour il voulut faire couper ses cheveux & les grandes moustaches qu'il portoit suivant la mode de ce tems-là: ce que le Barbier aïant refusé de faire, il prit lui-même les ciseaux, coupa ses cheveux & sa barbe & alla aussi-tôt au College des Jesuites pour communiquer ses sentimens à un Pere de cette Compagnie qu'il prit pour fon Confesseur & qui lui conseilla de fe défier de fes propres forces & de ne pas faire tout d'un coup un fi grand changement. Caraffa ne laissa pas cependant d'affliger fon corps par des jeûnes rigoureux au pain & à l'eau & par des disciplines sanglantes. Il dormoit sur la terre nuë, se retiroit des compagnies & partageoit les heures du jour en differens exercices de pieté en emploïant la plus grande partie à la priere & à la méditation. S'étant fortifié de cette maniere dans la crainte de Dieu, il prit la réfolution d'embrasser l'état Ecclesiastique & de fe donner entierement au service de Dieu & du prochain mais comme dans ce Ministere la science est necessaire, il se mit à l'étude de la Philofophie & de la Theologie à l'âge de trente quatre ans & y emploïa cinq ans, après lesquels ne pouvant plus retenir le zele & la ferveur dont il étoit animé & qui le portoit au mépris de foi même,à la fuite du monde & aux œuvres de pieté, il voulut recevoir les Ordres Sacrés. Pour s'y préparer il se retira pendant un mois chez les Peres Jefuites qui lui firent faire les exercices de saint Ignace, & aïant obtenu l'an 1599. un Bref du Pape Clement VIII. qui lui permettoit de recevoir tous les Ordres Sacrés en trois jours de Fêtes consecutives, il les reçut les Fêtes de Noël de la même année & celébra sa premiere Messe le premier jour de l'an 1600. Ce fut pour lors que se voïant plus OUVRIERS uni à Jesus-Christ par le caractere du Sacerdoce, il crut PIEUX. qu'il étoit de son devoir de se conformer à la vie humble & crucifiée de ce divin modele des vrais Ecclesiastiques. C'est pourquoi il se contenta d'un seul domestique. Son habillement n'étoit qu'une étoffe vile & groffiere, il ne portoit que des chemises de laine avec de rudes cilices & des chaînes de fer dont il se serroit si fort le corps qu'à peine le pouvoit il plier. Son lit ordinaire n'étoit que la terre & il n'avoit pour chevet qu'une pierre. Son jeûne étoit presque continuel, & fi austere que fon corps sembloit un squelete vivant. Le plus souvent il faifoit servir sa table splendidement, & fortant ensuite de sa maison, il alloit chercher les pauvres pour les faire manger, se contentant de leurs restes. Les pauvres honteux ne ressentoient pas moins les effets de sa charité ; car il alloit les trouver dans leurs maisons où il leur donnoit abondamment tout ce qu'ils avoient besoin. Non content de ces œuvres de mifericorde à l'égard des nécessiteux, sa compaffion pour les affligés l'obligea à quitter sa propre maison pour aller demeurer auprès de l'Hôpital des Incurables, afin d'être plus à portée de les foulager dans leurs peines: souvent il y passoit les jours & les nuits à assister les malades, les fervant, faisant leurs lits, balaïant leurs chambres, leur donnant tous les secours dont ils avoient besoin & aidant les moribonds à faire une bonne mort : ce qu'il faisoit avec tant d'amour & de charité que plusieurs personnes (excitées autant par son exemple que par ses exhortations) aïant entrepris les mêmes œuvres de misericorde, il en institua dans le même Hôpital une Congregation sous le titre de saint François, à laquelle il donna quelques Réglemens, obligeant les Confreres de cette même Congregation d'entretenir douze lits à leurs dépens : ce qui s'observe encore aujourd'hui. Son zele s'étendant sur toutes fortes de personnes, il alloit dans les places publiques deNaples, où rassemblant beaucoup de monde il leur enseignoit les verités de la Religion, la maniere de se bien confesser, & les invitoit par ses exhortations à la fuite du peché & à la pratique des vertus, pour prévenir les suites funestes d'une méchante mort, qu'il ne craignoit pas moins pour les autres que pour lui-même, & c'est ce PIEUX. OUVRIERS qui l'obligea de se faire inscrire dans la Compagnie des Blancs qui est une Congregation ou Confrairie établie à Naples pour assister à la mort ceux qui y sont condamnés par la Justice, afin de pouvoir aider ces pauvres miferables dans ce dernier & très important passage. Pendant que cet homme de Dieu s'appliquoit ainsi au salut des ames, deux Prêtres de sa connoissance s'estimant fort heureux de joüir de sa compagnie & de former avec lui une sainte societé, l'inviterent d'aller dans un Oratoire appellé du Saint Sepulchre hors la ville où ils s'assembloient de tems en tems pour y faire Oraison; quoique Caraffa se sentît porté à ne point abandonner les pauvres, il fut néanmoins inspiré de Dieu d'accepter leur offre & d'y aller avec eux. C'étoit un Ermitage situé au pied d'une montagne de roc dans lequel on avoit taillé deux chambres qui étoient accompagnées d'une Chapelle. Caraffa s'y retira donc pour obéir à la voix du Seigneur, bien résolu d'y continuer ses pénitences & de ne point abandonner pour cela le salut des ames. C'est pourquoi il en fortoit le matin & alloit dans la ville au quartier des Courtisanes pour les exhorter à quitter leur vie infame. Ce qui lui aïant réüssi à l'égard de plusieurs, qui touchées par la force de ses discours & poussées par un secret mouvement de l'Esprit saint, venoient le trouver à son Ermitage pour se confesser de leurs pechés & apprendre de lui le veritable chemin du salut: il leur assigna certains jours ausquels il leur prêchoit dans sa petite Chapelle avec tant d'éfficace que le nombre de celles qu'il convertit fut si grand, qu'outre celles qu'il maria, il en remplit quatre Monasteres & leur procura de quoi subsister: enfin sa charité étoit si grande qu'il alloit encore dans les villages annoncer la parole de Dieu aux pauvres païfans, dont plusieurs quitterent leur vie deréglée pour retourner à Dieu par une veritable & fincere converfion. Le Cardinal Giesualdo Archevêque de Naples voïant les grands fruits que Caraffa faisoit dans la vigne du Seigneur, vou ut avoir auprès de lui un si bon ouvrier, & lui ordonna de quitter son Ermitage pour venir demeurer à l'Eglise de sainte Marie de tous Biens, qui étoit dans la ville. Plusieurs Ecclesiastiques qu'il dirigeoit, se joignirent à lui pour l'aider dans ses fonctions apoftoliques; quelques uns même voulu rent rent être de ses Disciples, & abandonnerent leurs propres OUVRIERS maisons pour vivre avec lui sous sa conduite. Caraffa crut PILUX. que c'étoit une occafion favorable pour mieux entreprendre les Miffions. Il en parla à l'Archevêque qui lui permit de vivre en commun avec ceux qui vouloient être ses Disciples, & de recevoir sous sa direction les Prêtres & les Laïcs qui se présenteroient. Quoique son intention ne fût pas pour lors de fonder une Congregation de Prêtres, mais seulement de servir le prochain par le moïen des Missions qu'il esperoit faire avec le secours de ceux qui se joignoient à lui;il ne laissa pas d'être le Fondateur d'un Institut particulier, qui par une protection visible du Très Haut, qui l'avoit ainsi déterminé, subsista & fut authorifé & approuvé par le saint Siége, malgré toutes les contradictions qu'il reçut,comme on le verra dans la suite. Caraffa qui depuis un mois qu'il étoit forti de son Ermitage avoit toûjours été occupé à accommoder l'Eglise de fainte Marie de tous Biens, l'ouvrit enfin le troisiéme Dimanche après Pâques de l'an 1601. & commença, avec huit Prêtres qui s'étoient joints à lui, à y travailler au salut du prochain, soit par les exercices de pieté qu'il y établit, soit par les frequentes exhortations qui s'y faifoient, & cela avec tant de zele & un si heureux succès, qu'outre un grand nombre de pecheurs qui changerent de vie, il y eut encore tant de Courtisanes qui voulurent faire pénitence de leur vie passée, que le Pere Caraffa fut obligé de fonder deux Monasteres pour les renfermer, l'un sous le titre de sainte Illuminée, qui s'appelle aujourd'hui le Secours ; & l'autre fous celui des Pénitentes, ceux où il en avoit déja mis ne suffisant pas pour les contenir toutes. Les Missions se faisant rarement, non seulement dans la ville, mais dans tout le Roïaume, principalement à la campagne, le Pere Caraffa perfuadé du fruit que l'on pouvoir retirer en les faisant frequemment, crut qu'un Institut particulier qui s'emploieroit à les faire feroit fort utile à l'Eglife. Il en parla à ses Confreres, qui consentirent à faire ces fortes de Miffions; & après en avoir obtenu la permiffion de l'Archevêque de Naples, il alla à Rome pour en avoir la confirmation du Pape Clement VIII. qui l'exhorta à ne point se desister de cette entreprise, & lui ordonna de dresser Tome VIII. G |