CHAPITRE LXV I. Des Chevaliers de l'Ordre du Cordon jaune en France. D ORDRE DU JAUNE EN FRANCE. ANS le tems qu'Henri IV. Roi de France & de Navarre fongeoit à établir l'Ordre de Nôtre Dame de Mont Carmel & de faint Lazare,il travailloit encore à abolir celui du Cordon jaune que le Duc de Nevers venoit d'inftituer, & dont il étoit Chef & General (comme il fe qualifioit.) C'étoit une Compagnie de Chevaliers Catholiques & Héretiques, qu'on recevoit néanmoins dans l'Eglife, en présence des Curés. Pour cette cérémonie on prenoit un Dimanche, & après avoir oui la Meffe, on fonnoit une cloche, & tous les Chevaliers de l'une & l'autre Religion s'approchoient de l'Autel, prenant leurs places fur des bancs, fans garder de rang. Le Général ou celui auquel il en avoit donné commiffion, faifoit un discours à celui qui demandoit le Cordon jaune, touchant l'Ordre qu'il alloit recevoir ; & le difcours étant fini, le Greffier lui lifoit les Statuts, après quoi le Prêtre, qui avoit célebré la Meffe, ouvroit le Livre des Evangiles, & le prétendant, un genoüil en terre & fans épée, mettant les mains deffus,promettoit avec ferment d'ob. ferver les Statuts dont on lui venoit de faire lecture. Le Gé-· néral ou celui auquel il en avoit donné commiffion, prenant enfuite une épée qu'on tenoit toute prête, la lui mettoit au côté, & le Cordon jaune au cou, puis l'embraffoit. Ils étoient tous obligés par leurs Statuts de fçavoir le jeu de la Mourre. Leur équipage étoit un cheval gris, deux piftolets,deux fourreaux de cuir rouge,& le harnois de même, autrement il ne leur étoit pas permis de venir au Chapitre. Comme ils étoient de differentes Religions, il n'y avoit rien de plus extravagant que l'article concernant leurs femmes. Il devoit y avoir entr'eux une fi grande union, qu'elle s'étendoit jufqu'à la communauté de biens : en forte que Chevalier le trouvoit en peine, ou que la neceffité le prefsât, il devoit y avoir un fonds prêt pour l'affifter. Bien davantage, ceux qui n'avoient point de chevaux,pouvoient en aller prendre librement dans l'écurie de leurs compagnons, même en leur absence, pourvu qu'ils leur en laiffaffent un. fi un ORDRE DU Si quelqu'un manquoit d'argent, il lui étoit auffi perCORDON mis d'aller prendre à un autre Chevalier jufqu'à cent FRANCE. écus, fans qu'il osât les redemander, ni s'en offenfer,à peine JAUNE EN pour la premiere fois d'une rude reprimende ; & en cas de liers affemblés. Henri IV. aïant eu avis de l'inftitution de cet Ordre,qui étoit ridicule, voulut remedier à un tel abus : c'est pourquoi fa Majefté écrivit au fieur d'Inteville, Lieutenant Général de Champagne & de Brie, pour qu'il s'informât des particularités de cet Ordre, fur tout des Curés qui avoient assisté à la création de ces Chevaliers, pour en dreffer un état tel que l'affaire le meritoit, afin que puniffant ceux qui faifoient de pareilles entreprises, leur exemple retint les autres,& les empêchât de tomber dans de pareils inconveniens : voici la Lettre de ce Prince. M. d'Inteville,je defire que vous mandiez quelques-uns des Curez qui ont affifté à la création d'aucun de ces prétendus Chevaliers du Cordon jaune, & ont tenu le Livre des Evangiles, fur lequel ils ont fait le ferment contenu au memoire que vous m'avez envoyé,& appreniez par ce moyen la verité de leurs Statuts & ceremonies, & Bref de tout ce qui s'est fait à ladite création, pour m'en donner avis: car encore que certainement il foit à croire que ce font chofes ridicules, & qu'il femble qu'elles accufent les efprits qui s'y laissent aller, plûtôt de legereté & inconfideration, que de méchanceté & mauvais deffein: il eft neanmoins à propos de les fçavoir,pour en faire l'état qu'elles meritent, & en donnant à connoitre à ceux qui commettent telles fautes, ce qui leur en arrive, à leur honte & defavantage, faire qu'ils Je repentent, & empêcher les autres de tomber à l'avenir en femblables inconveniens,à quoi il CORDON Sera à propos que vous travailliez de votre part, témoignant ORDRE DU combien fe font fait de tort ceux qui fe font trouvez embroüillez en cette affaire, & combien il en prend toujours à ceux FRANCE. ·qui font de telles parties. De Fontainebleau le 20. Novembre 1606. Signé Henri, & plus bas Potier. Le Roi écrivit une feconde fois à ce Lieutenant Général pour le même fujet: en voici la Lettre. cedé M. d'Inteville, le Capitaine de faint Aubin m'a fait entendre qu'il avoit charge de me dire de votre part, & m'a rapporté fort particulierement ce qu'il a appris de mon neveu le Duc de Nevers en quoi je connois mondit neveu fort éloigné de fon devoir, voulant cacher par artifice ce qu'il devroit ingenuement avoir confeffé auffi-tôt qu'il a fçu que j'avois mecontentement de fes actions. Feuffes bien reçu toutes fes rairons, & euffes pris en bonne part fes excufes, s'il eut pro en cela comme il devoit : mais confidirant combien il s'eft oublié, & que les voïages qu'il a faits à prefent, & fes deportemens confirment fon deffein, ou bien qu'il devoit par fes actions témoigner le contraire, je ne puis que je n'aye beaucoup de mécontentement de lui, ce qu'il ne peut reparer qu'en faisant ce qui eft de fon devoir. Cependant je defire que vous veilliez fes actions, & que le fieur Dandelot fe tienne près de lui le plus long-tems qu'il pourra, pour après me venir trouver, & me rendre compte de ce qu'il aura appris, & principalement pour le regard de ceux qui ont pris le Cordon jaune, qui l'auront vifité pendant fon voyage, defquels je defire que vous m'envoyez le Rolle, & s'il fe fait aucune chofe par enfuite du prétendu Ordre du Cordon, en faire informer. De Fontainebleau le premier Decembre 1606. Signé, Henri, & plus bas Potier. Memoires communiqués par M. de Clerambaut. Ggg iij ORDRE DE IN FRANCE L CHAPITRE LX VI I. Des Chevaliers de l'Ordre de faint Louis en France: E Roi de France Louis XIV.qui par les actions glorieuses & éclatantes s'eft acquis avec justice le furnom de Grand, ne croïant pas que les recompenfes ordinaires, fuffent fuffifantes pour témoigner fa reconnoiffance envers les Officiers de fes armées qui s'étoient fignalez dans les victoires & les conquêtes, dont il avoit plu à Dieu benir la juftice: de fes armes ; chercha de nouveaux moïens pour recompenfer leur zele & leur fidelité; & dans cette veuë, ce qui lui parut le plus convenable pour cela, fut l'inftitution qu'il fit en 1693. d'un Ordre Militaire fous le nom de faint Louis; auquel outre les marques d'honneur exterieures qui y font attachées, il assura en faveur de ceux qui y feroient admis des revenus & des penfions qui augmenteroient à proportion: qu'ils s'en rendroient dignes par leur conduite, voulant qu'on ne reçut dans cet Ordre que des Officiers de fes troupes & quela vertu, le merite, & les fervices rendus avec diftin.) Aion dans fes armées, fuffent les feuls titres pour y entrer. Par l'Edit de l'inftitution de cet Ordre, le Roi s'en déclara Chef, Souverain & Grand Maître, voulant que la Grande Maitrise fût pour toûjours unie & incorporée à la Couronne. Il doit être compofé de la perfonne de fa Majefté & de fes fucceffeurs en qualité de Grands-Maîtres, du Dauphin de France, ou du Prince heritier préfomptif de la Couronne, de huit Grands Croix, de vingt-quatre Commandeurs, du nombre de Chevaliers qu'il plaira au Roi & à fes fucceffeurs d'y admettre, & de trois Officiers qui font le Tréforier, le Greffier & l'Huiffier. Tous ceux qui compofent cet Ordre portent une croix d'or, fur laquelle il y a I'Image de faint Louis; les Grands Croix la portent attachée à un ruban large de quatre doigts de couleur de feu, qu'ils mettent en écharpe, & ont encore une croix en broderie d'or fur le juft-au-corps & fur le manteau. Les Commandeurs portent feulement le ruban en écharpe avec la croix qui eft attachée, & les fimples Chevaliers ne peuvent porter le ruban en écharpe, mais feulement la croix d'or attachée fur Y |