BEGUINIS. que fainte Begghe mourut àl fin du septiéme fiécle, & Lambert le Begue vers la fin douziéme. Il y a des Auteurs (du nombre desquels le Pere Thomassin) qui ont regardé ces Beguines comm des especes de Chanoinesses ou Beneficieres, & quelqu Ecrivains ont prétendu qu'elles avoient eu pour Fondatri fainte Begghe, & que Lambert le Begue n'a été que les staurateur de ces fortes de Communautés; mais Coëns, Chanoine de la Cathedrale d'Anvers dans une Differrion qu'il donna l'an 1629. sur l'origine de ces Beguines porte plusieurs raisons pour prouver qu'elles n'ont point fainte Begghe pour Fondatrice; & que bien loin de porroir être regardées comme Chanoineffes, elles ont des plervances toutes opposées à la vie Canoniale. Quoique Rikedans son Histoire des Beguinages de Flandre, semble êu du sentiment de ceux qui en attribuent la fondation à faite Begghe, il ne veut pas neanmoins assurer que ce soit elle qui leur ait prescrit la manierede vie qu'elles gardent à prent ; & il ne fait point de difficulté d'avoüer que Lamberle Begue est le premier, qui par fon exemple & ses parole leur a fait connoître l'avantage & l'excellence de la chaftté, & que le nom de Beguines leur a été donné par raport à lui, à cause qu'il beguaioit : Lambertus le Beguemia balbus erat de Sancto Christophoro dicebatur à cujus cognomine mulieres & puella qua caste vivere proponunt Beguins gallice cognominantur, quia primus extitit qui eis pramim caftitatis verbo & exemplo prædicavit. Ce qui n'est pas, elon lui, une preuve qu'il ait été leur Fondateur, puifqu'ily avoit long-tems avant lui de ces fortes de beguinages/ ce qu'il prouve par un acte de la Maîtreffe & de toute la Communauté de Silfort de l'an 1065. scellé d'un sceau oval, representant l'image de la sainte Vierge, tenant fon Fils entre ses bras au milieu de deux tours hautes & pointuës; & par le peu de lettres que l'antiquité a conservées autour de ce sceau, il paroît qu'il y avoit en écrit, Sigillum Curia B. Maria fusta Filfort : ce qui lui paroît une époque plus que suffisante pour attribuer leur origine à sainte Begghe. , Thomas de Cantipré parlant aussi des Beguines, dit qu'au tems qu'il écrivoit, qui étoit en 1263. il y en avoit plusieurs qui se resouvenoient encore qu'elles avoient pris naissance à Ni- BEGUINES. velle; mais selon Coëns, cesentiment n'est pas vrai semblable: car cet Auteur dit positivement, que les troubles & les guerres, dont la ville de Liége fut agitée depuis l'an 1191. après la mort de l'Evêque Radulphe jusqu'en l'an 1214. empêcherent les Beguines de Liège de faire plusieurs établissemens, qu'elles firent néanmoins celui de Nivelle l'an 1207. & que c'est de là d'où est sorti ce grand nombre de Beguinages qui se sont repandus par toute la Flandre, & qui ont paffé en France & en Allemagne, d'où il est facile de conclure qu'elles n'ont pas pris naissance à Nivelle; puisqu'elles étoient déja établies auparavant à Liége où elles ont commencé par les liberalités de Lambertle Begue, qui selon Aubert le Mire, étant riche, fondadans cette Ville deux Communautés, l'une d'hommes l'an 1150. ausquels, apparemment par raillerie, le peuple donnale nom de Coquins; & l'autre de Beguines l'an 1173. ce qui est confirmé par Coëns, qui ajoute qu'il donna à ces Coquins, une maison & un fonds : Iidem Leodienfes pios viros, quibus Lambertus nofter domum & fundum concefferat Coquims appellarunt. Ce fut ce saint homme que Dieu suscitapour reprendre fortement le vice de fimonie, qui regnoit dans le Diocêse de Liége du tems de l'Evêque Rodulphe ou Raoul de Lorraine, qui par avarice vendoit publiquement les Bénéfices, se servant pour cet effet d'un méchant homme, appellé Udelin, qui tenoit un bureau dans le marché public, ou ceux qui vouloient acheter des Bénéfices s'adressoient. Lambert touché d'une sainte indignation d'un tel abus, &animé du zele de la gloire de Dieu, prêcha publiquement contre un commerce fi indigne, & contre d'autres désordres qui regnoient dans la Ville. Il se trouva à ses Sermons une grande foulle d'auditeurs, dont la pluspart vivement touchez par la force de ses paroles se convertissoient à Dieu, & faifoient penitence de leur vie passée ; mais les Ecclesiastiques qui se sentoient coupables du crime de simonie, & desautres vices contre lesquels il invectivoit avec tant de force & de zele, indignés contre lui l'accuserent auprès de Radulphe de prêcher fans en avoir permiffion. Ce Prélat qui se trouvoit interessé dans cette affaire plus que personne, par rapport au profit qu'il faisoit dans la vente inique de ces BIGUINES. Bénéfices, envoïa des Archers qui se saisirent de ce saine homme dans l'Eglise de saintLambert, où aussi tôt plusieurs Prêtres & Clercs, fans fpecter le lieu où ils étoient, se jetterent fur lui, & lui firentsille outrages, le piquantavec les poinçons dont ils se servoent pour écrire sur leurs tablettes, jusqu'à ce qu'on l'eût rairé de leurs mains pour le conduire au château de Rivoque, où l'on prétend que pendant sa prison, il traduisit en Fançois les Actes des Apôtres, & que faint Paul, pour leque il avoit toûjours eu beaucoup de devotion, s'apparut à lui. Après avoir été un tems confiderable enfermé dans ce lieu, soit qu'il eût demandé d'être envoïé à Rome pour se justifier des accusations qu'on avoit formées contre lui, ou que le Pape eût reçu des plaintes des mauvais traitemens qu'on lui faisoit, & qu'il est ordonné de le faire venir devant luis Radulphe l'envoïa Rome, afin que le Pape le punît de sa prétendue imprudace & temerité. Mais le Pape n'eut pas pour Lambert les mêmes sentimens que l'Evêque de Liège avoit: car reconpissant que l'envie seule lui avoit procuré les mauvais traiemens qu'il avoit reçus, il en eut compafsion & le renvola en son païs pleinement justifié, avec tout pouvoir pour anoncer la parole de Dieu; mais il n'eut pas la confolationde voir sa Patrie: car il mourut en chemin l'an 1177. C'est tout ce que l'on sçait de la vie de ce saint Fondateur des Beguines, qui dans la suite se multiplierent fi fort qu'au rapport de Thomas de Cantipré, un Gentilhomme nommé Philippes de Montmirail en assembla jusqu'à cinq mille en divers Beguinages. Saint Louis en établit aussi a Paris & en d'autres Villes de son Roïaume. Mais l'on a confondu plusieurs Communautés de Filles Séculieres du Tiers Ordrede faint François avec ces Beguines, comme celles qui demeuroient à Paris où est préfentement le Monaftere de l'Ave Maria, qui quoiqu'on les appellat Beguines & qu'il y eût proche de leur maison une porte qui portoit le même nom,étoient néanmoins des Sœurs du Tiers Ordre de saint François, ainsi qu'il paroît par la Bulle du Pape Innocent VIII. de l'an 1485. qui permit à ces filles de suivre la Regle de fainte Claire. Quelques-unes de ces Beguines, qui s'étoient établies en |