FILLES DU CE: mais la commodité de celle qu'elle avoit embrassée par BON PAS- les mauvais traitemens de ses parens, & les compagnies mondaines qu'elle aimoit, & où elle étoit bien reçuë, l'empêcherent de songer férieusement à sa converfion, jusqu'à ce qu'en fin après avoir negligé pendant deux ans les graces du Ciel, se sentant un jour follicitée par cette même grace à fortir du funeste état où elle s'étoit malheureusement engagée, elle " s'écria: Que voulez-vous, Seigneur ? vous sçavez que je " n'ai pas assez d'esprit pour faire le difcernement de la verita"ble Keligion. Si je m'adresse à un Calviniste, il me dit qu'il enseigne vôtre Doctrine dans sa pureté. Le Lutherien me veut entraîner dans son parti ; le Catholique me soûtient qu'il n'y a point de salut pour moi hors l'Eglise Romaine. "Ah! je ne veux pas me damner; mais que puis-je faire dans دو دو دو دو دو cette incertitude, sinon de m'addresser à vous ? Eclairez" moi, conduisez-moi, vous êtes mon Dieu. Sentant augmenter son agitation & fon trouble, elle se jetta aux pieds de fon lit fondant en larmes ; & là redoublant sa priere, elle disoit avec la naïveté d'un enfant (car c'étoit son caractere) Quoi, vous ne me parlerez pas, mon Dieu? il y a fi longtems que je crie & vous ne faites pas semblant de m'entendre? Je veux me fauver, & vous ne le voulez pas ? Je vous cherche, ce me semble de fi bon cœur, & vous ne voulez point de moi? Montrez moi vôtre voïe, faites-moi connoître la veritable Religion, mon Seigneur & mon Dieu: je vous rends responsable de mon salut. Après avoir paffé une partie de la nuit à prier & à pleurer, épuisée & accablée de tristesse, elle se jetta sur son lit toute habillée & s'endormit. دو رو 30 Soit que fon imagination encore échauffée retraçât les mêmes idées que venoient de faire en elle de si vives impreffions, ou que ce fût un de ces fonges que Dieu envoïe, felon le Prophete Joël, aux enfans de la nouvelle alliance Madame de Combé demandant à Dieu avec de nouvelles inftances, toute endormie qu'elle étoit, qu'il ne la laissât pas dans le sommeil de la mort, elle s'éveilla en sursaut, entendant ou croïant entendre une voix qui lui disoit : Levezvous, & allez à la fenétre, vous y connoîtrez la veritable Religion. Frappée de cette voix, elle y courut aussi tôt, & vit passer un Prêtre qui portoit le saint Viatique: alors fe prosternant en terre, & adorant le très saint Sacrement, elle s'écria: Je vous connois, ô mon Dieu! me voici Catholique ; foïez beni à jamais, je ne veux plus fervir que vous seul. Son beau-frere ne fut pas long-tems sans s'appercevoir qu'elle étoit converties parce que craignant que Jesus-Christ ne la renonçât devant fon Pere, si elle rougissoit de lui devant les hommes, elle ne s'en fit point un mystere. Le faux zele du Calviniste, joint à un esprit dur, hautain & emporté, fit entrer ce Gentilhomme dans un tel excès de colere, qu'il la menaça de la perte de ses biens qu'elle avoit en Hollande, & la chargea d'injures & de reproches outrageans. Ces mauvais traitemens ne servirent qu'à affermir & purifier la foi de la nouvelle Catholique, qui quoique d'une humeur douce & patiente, ne laissa pas de tomber malade, par la violence qu'elle se fit pour ne rien répondre à des invectives, qu'elle avoit si peu meritées. Cette maladie qui d'abord n'étoit pas fort confiderable, ne laissa pas de la reduire à l'extremité, par la malice ou l'ignorance de ceux qui lui donnerent une medecine, dont l'effet fut si violent, qu'elle perdit ses dents, & que son temperamment en fut alteré le reste de ses jours. L'état funeste où elle se vit reduite lui faisant craindre que sa mort ne prévînt sa reconciliation avec l'Eglife, elle envoïa sa femme de chambre (qui étoit Catholique) à faint Sulpice, afin qu'on lui envoïât un Prêtre pour recevoir fon abjuration: ce qui ne se fit pas sans difficuté: car le Vicaire de cette Paroisse lui aïant été envoïé pour cet effet, il ne put lui parler; jusqu'à ce que l'aïant obtenu par autorité de la justice, qui lui fit ouvrir la porte de la maison de son beaufrere, qui étoit fermée aux Catholiques, il reçut son abjuration, & lui administra les Sacremens de la Penitence, de l'Euchariftie & de l'Extrême Onction. Elle les reçut avec tous les sentimens d'une veritable converfion à Dieu, qu'elle commença dès lors à regarder comme son seul & unique bien & comme fon partage, prévoïant bien que s'il lui renvoïoit la santé, elle n'avoit rien à esperer de ses parens; en quoi elle ne se trompoit pas: car irrités plus que jamais de l'action qu'elle venoit de faire, ils n'oublierent rien pour s'en venger, en lui ôtant la Garde, dont elle ne pouvoit se passer, & lui refusant même jusqu'à la nourriture necessaire; mais Dieu nela laissa pas fans confolation: car M. de la Barmondier BON PAS TEUR. FILLS DU Curé de saint Sulpice, prit d'elle un soin particulier, la fir transporter dans une Communauté de Filles vertueuses, se chargea de son instruction & de sa subsistance, obtint pour elle deux cens livres de pension sur l'Oeconomat de l'Abbaïe de saint Germain des Prez, & se chargea de ce qu'il faloit de plus pour fon honnête entretien. Ša santé étant un peu rétablie, & aïant témoigné un grand defir pour la retraite,on la mena à la campagne dans un Couvent, dont la Superieure éclairée & pleine de charité, servit infiniment à la confirmer dans la foi & dans la pratique des bonnes œüvres : elle revint ensuite à Paris, où elle voulut demeurer dans la même Paroisse où elle avoit reçu tant de graces. Le Prêtre du quartier l'étant allé voir à la priere d'une pieuse Demoiselle qui la logeoit, fut surpris du fond de Religion qu'il trouva dans cette Néophyte, qui de son côté fut fi édifiée de la sage conduite de cet Ecclesiastique, qu'elle le prit ensuite pour fon Directeur. Le desir qu'elle avoit de s'avancer dans le chemin de la perfection, lui fit prendre la resolution de s'associer avec une pauvre fille, qui passoit pour vertueuse, afin qu'étant en sa compagnie, elle pût profiter de sa conversation, & être soûtenuë dans la pratique de la pieté; mais au lieu de recevoir quelque soulagement de cette fille, avec laquelle elle partageoit fa petite pension, elle n'en reçut au contraire que des mortifications & des ingratitudes, qu'elle supporta avec une patience heroïque, s'estimant trop heureuse d'être estimée digne de souffrir des injures & des mépris pour la gloire de Jesus Christ, qu'elle préferoit à toutes les confolations & vanités du monde. C'est pourquoi afin de l'imiter plus parfaitement, elle vendit fes habits de foïe pour en diftribuer le prix aux pauvres, & fe fit un habit de bure, si singulier, qu'il lui attira les risées de plusieurs personnes, & l'indignation de son Confesseur, quiaïant fait fon possible pour l'empêcher de prendre un habit si penitent, & voïant que nonobstant ses avis elle avoit executé ce defsein, la renvoïa fort rudement, lorsqu'elle se présenta à confesse: ce qui joint à quelques remontrances qu'il lui fit, lui aïant donné quelque fcrupule, que ce ne fût plûtôt un effet de fon amour propre qui l'eût portée à cela, que de la volonté de Dieu, qui fe déclaroit par la bouche de fon Con feffeur; elle se mit d'une maniere qui n'aïant plus rien de singulier, BON PAS gulier, conservoit la pauvreté & la modestie. Elle se retira FILLES DU ensuite dans la ruë du Pot de Fer, où elle loüa une petite chambre, dont elle se fit un oratoire. Elle n'en fortoit que le matin pour aller à la Messe, après laquelle elle se renfermoit pour vaquer le reste de la journée à ses exercices de pieté. L'oraison, la recitation de l'Office de la fainte Vierge, le chant des Cantiques de l'Eglife, & le travail des mains, l'occupoient successivement & la consoloient. Nonobstant fes infirmités elle embrassoit tout ce que le jeûne & les autres exercices de la penitence ont de plus rigoureux. Car outre qu'elle se contentoit d'un peu de pain, de fromage & de lait pour sa nourriture, elle couchoit sur une paillasse piquée avec une simple couverture, la charité lui aïant ôté fon matelas pour le donner aux pauvres. La haire, le cilice, les disciplines étoient pour elle d'un usage frequent ; & tous les Vendredis elle portoit une ceinture de fer à trois rangs de pointes, afin de mieux imprimer dans son esprit les douleurs de la Paffion de Jesus-Christ par celles que lui causoit cet instrument. La vie que menoit Madame de Combé aïant donné une grande idée de sa vertu & de sa sainteté au Maître de la maison, dont elle occupoit une chambre; cet homme la vint prier un jour de parler à sa femme qui n'étoit nullement devote, & étoit fort attachée à la terre, la suppliant de la recommander à Dieu, & de l'exhorter à la pieté & à l'amour des biens celeftes: ce que cette sainte femme entreprit avec tant de zele, & executa si heureusement, que cette femme, toute mondaine changea de vie, & mourut peu de tems après, avec toutes les marques d'une ame prédestinée: Dieu voulant par cet heureux succès difpofer & encourager sa Servante aux grands desseins qu'il avoit sur elle, & qu'il lui fit connoître quelque tems après, se servant pour cet effet d'une pauvre femme fort âgée, qui aïant rencontré Madame de Combé dans la ruë, & l'aïant regardée fixement, la suivit ensuite jusques dans sa chambre, où elle demeura pour la regarder avec plus d'attention, jusqu'à ce qu'aïant été interrogée sur ce qu'elle defiroit, elle se mit à pleurer de joïe, fit la reverence & se retira. Madame de Combé furprise d'une action qui lui paroissoit toute extraordinaire, la suivit aussi à son tour, & l'aïant pressée de parler, elle lui raconta avec Tome VII. Ii 「FILLES » fimplicité ce qu'elle croïoit que Dieu lui avoit fait connoître. DU BON Un jour que j'étois en oraison, lui dit-elle, il me sembla que PASTEUR. D » je voïois Nôtre-Seigneur Jesus Christ qui formoit un nou>> veau monde, où la justice alloit habiter. Une troupe de filles >> penitentes qui fortoient de differens endroits venoient à lui, » & se profternoient à ses pieds. La premiere qui se presenta, » c'étoit vous, Madame; vous présentiez toutes les autres à » Jesus-Christ. Oüi, c'est vous-même, je vous reconnois par» faitement. Vous me voïez demi morte de vieillesse & d'infirmités, je suis sur le point de comparoître au Tribunal de » mon Dieu, & je le prens à témoin que je dis vrai. دو Madame de Combé encore plus surprise de ce qu'elle entendoit, alla aussi tôt exposer le fait à fon Confesseur, qui pour éviter toute illusion, voulut voir lui-même la personne, afin d'examiner son esprit & s'informer de sa conduite. Il la chercha & la trouva enfin dans une petite salle basse où elle se tenoit presque toûjours enfermée & cachée aux yeux des hommes, n'y aïant qu'une Dame pieuse & fon Directeur qui scussent le lieu de sa retraite. Le Confesseur de Madame de Combé l'aïant priée de lui repeter ce qu'elle avoir dit à cette Dame, elle le fit d'une maniere simple, & touchante, lui marquant plusieurs particularités de la maison & Communauté future du bon Pasteur, à laquelle on ne pensoit pas encore pour lors : ce qui se verifia après son établissement, qui fut l'année suivante 1686. à l'occasion d'une fille qui aïant été touchée par la force & l'éloquence d'un Sermon qu'un célébre Prédicateur fit dans l'Eglise de saint Sulpice contre le vice d'impureté, alla se jetter aux pieds de ce même Prédicateur, fondant en larmes, lui avoüant l'état miferable où elle étoit, & l'inspiration que Dieu lui donnoit d'en fortir. Ce serviteur de Dieu la reçut avec toute la charité que meritoit une disposition si avantageuse, la mena à M. de la Barmondiere Curé de cette paroisse qui la mit à l'instant sous la direction du Confesseur de Madamede Combé, que ce sage Ecclefiaftique chargea de cette nouvelle penitente qu'elle reçut avec joïe dans sa retraite, où peu de tems après elle forma une petite Communauté de Filles qui renonçant aux faux plaisirs du siécle, dont elles avoient suivi les maximes se retirerent auprès d'elle pour embrasser sous sa conduite une vie penitente & mortifiée, à laquelle cette fainte |