BON PAS. gulier , conservoit la pauvreté & la modestie. Elle se retira Filles DO ensuite dans la ruë du Pot de Fer , où elle loüa une petite som. A se chambre, dont elle se fit un oratoire. Elle n'en sortoit que le matin pour aller à la Mesle, après laquelle elle se renfermoit pour vaquer le reste de la journée à ses exercices de pieté. L'oraison, la recitation de l'Office de la sainte Vierge, le chant des Cantiques de l'Eglise, & le travail des mains, l'occupoient successivement & la consoloient. Nonobstant ses infirmités elle embrassoit tout ce que le jeûne & les autres exercices de la penitence ont de plus rigoureux. Car outre qu'elle se contentoit d'un peu de pain, de fromage & de lait pour la nourriture , elle couchoit sur une paillasse piquée avec une simple couverture, la charité lui aiant ôté fon matelas pour le donner aux pauvres. La haire , le cilice , les disciplines écoient pour elle d'un ulage frequent ; & tous les Vendredis elle portoit une ceinture de fer à trois rangs de pointes , afin de mieux imprimer dans son esprit les douleurs de la Passion de Jesus-Christ par celles que lui causoit cet instrument. La vie que menoit Madame de Combé aïant donné une grande idée de fa vertu & de la sainteté au Maître de la maison , dont elle occupoit une chambre; cet homme la vino prier un jour de parler à sa femme qui n'étoit nullement devore , & étoit fort attachée à la terre, la suppliant de la recommander à Dieu , & de l'exhorter à la pieté & à l'amour des biens celestes: ce que cette sainte femme entreprit avec tant de zele , & executa si heureusement, que cette femme, toute mondaine changea de vie,& mourut peu de tems après, avec toutes les marques d'une ame prédestinée: Dieu voulant par cet heureux luccès difpofer & encourager sa Servante aux grands desseins qu'il avoit sur elle, & qu'il lui fit connoître quelque tems après , se servant pour cet effet d'une pauvre femme fort âgée, qui aïant rencontré Madame de Combé dans la ruë, & l'aïant regardée fixement, la suivit ensuite jusques dans sa chambre, où elle demeura pour la regarder avec plus d'attention , jusqu'à ce qu'aïant été interrogée sur ce qu'elle defiroit , elle se mit à pleurer de joïe, fit la reverence & se retira. Madame de Combé furprise d'une adion qui lui paroissoit toute extraordinaire , la suivit ausle à son tour, & l'aïant pressée de parler , elle lui raconta avec Tome VIU. li Filles „ simplicité ce qu'elle croïoit que Dieu lui avoit fait connoître. D! BON Un jour que j'étois en oraison, lui dit-elle, il me sembla que * „ je voïois Nôtre-Seigneur Jesus Christ qui formoit un nou„veau monde , où la justice alloit habiter. Une troupe de filles „ penitentes qui fortoient de differens endroits venoient à lui, „& se prosternoient à ses pieds. La premiere qui le presenta, „ c'étoic vous, Madame ; vous prélentiez toutes les autres à „ Jesus Christ. Oüi, c'est vous-même, je vous reconnois par„ faitement. Vous me voïez demi morte de vieillesle & d'in„ firmités, je suis sur le point de comparoître au Tribunal de » mon Dieu, & je le prens à témoin que je dis vrai. Madame de Combé encore plus surprise de ce qu'elle entendoit , alla aussi-tôt exposer le fait à son Confecteur , qui pour éviter toute illusion, voulut voir lui-même la personne, afin d'examiner son esprit & s'informer de la conduite. Illa chercha & la trouva enfin dans une petite salle basse où elle se tenoit presque toûjours enfermée & cachée aux yeux des hommes, n'y asant qu'une Dame pieuse & fon Directeur qui fçussent le lieu de la retraite. Le Confesseur de Madame de Combé l'aïant priée de lui reperer ce qu'elle avoir dit à cette Dame , elle le fit d'une maniere simple , & touchante , lui marquant plusieurs particularités de la maison & Communauté future du bon Pasteur , à laquelle on ne pensoit pas encore pour lors : ce qui se verifia après son établissement, qui fut l'année suivante 1686. à l'occasion d'une fille qui asant été touchée par la force & l'éloquence d'un Sermon qu'un célébre Prédicateur fit dans l'Eglile de saint Sulpice contre le vice d'impureté, alla se jetter aux pieds de ce même Prédicateur , fondant en larmes, lui avoüant l'état miserable où elle étoit , & l'inspiration que Dieu lui donnoit d'en sortir. Ce serviteur de Dieu la reçut avec toute la charité que meritoit une disposition si avantageuse , la mena à M. de la Barmondiere Curé de cette paroisse qui la mit à l'instant sous la direction du Confesseur de Madame de Combé, que ce sage Ecclesiastique chargea de cette nouvelle penitente qu'elle reçut avec joïe dans la retraite , où peu de tems après elle forma une petite Communauté de Filles qui renonçant aux faux plaisirs du Giécle , dont elles avoient suivi les maximes se recirerent auprès d'elle pour embrasser sous sa con. duite une vie penitente & mortifiée , à laquelle cet:e saint: TEUR. femme tâchoit d'engager toutes celles dont on lui donnoit filles DU connoissance : ce qui lui réüslit principalement à l'égard BON. Pasd'une jeune fille , qui aïant quelque dellein de se retirer du désordre y trouvoit toûjours des obstacles qui lui paroissoient insurmontables. Car cette nouvelle Propagatrice de la penitence en aïant été avertie,alla coucher chez une de ses amies dans le quartier de cette pauvre malheureuse , qu'elle alla trouver de grand matin, & elle la persuada si bien de la necessité de la penitence , qu'elle abandonna tout & la suivit sans differer davantage l'heureux moment de la converfion. Le nombre de ces nouvelles Disciples de la penitence augmentoit fi considerablement tous les jours, qu'il auroit été impossible sans un miracle qu'une étrangere dénuée de biens comme étoit Madame de Combé les eût pu entretenir de tous les besoins de la vie ; mais la confiance en Dieu lui tenant lieu de rentes & de possessions elle n'en refusoit aucune: ce qui lui merita des secours encore plus extraordinaires que ceux qu'elle avoit reçus jusqu'alors. Car comme elle n'avoit plus de place pour les pauvres filles qui s'adressoient à elle , une Dame la vint voir & s'engagea à fournir deux cens livres par an pour loüer une maison un peu plus grande qu'elle trouva dans la ruë du cherche midi , où furent jettés les fondemens de la Communauté du Bon Pasteur , dont les filles gagnoient leur vie du travail de leurs mains , qui ne suffisant pas quelquefois, obligeoit Madame de Combé à aller de porte en porte demander de quoi les faire subfifter. Mais un jour que tout lui manquoit , voïant fort bien qu'il i n'y avoit que Dieu leul qui pút lui donner ce qui lui étoit nécessaire, elle courut à faint Sulpice où prosternée au pied de l'Autel & priant le Seigneur de ne point abandonner son troupeau , un homme inconnu lui mit en main une bourse, où il y avoit cinquante écus d'or , la priant d'agréer cetie petite aumône. Un évencment fi miraculeux augmenta la confiance jus. qu'à un tel point que les accidens les plus fâcheux n'étoient pas capables de l'ébranler. Tel fut celui de la Dame qui aïant retiré la parole qu'elle avoit donnée de païer deux cens livres pour le louage de la Maison du Bon Pasteur, mettoit cette Communauté en danger de ne pouvoir subfifter TŁUR. Filles du long-tems : car la sainte Fondatrice au lieu de le chagriner nouvelle confiance par un longe dans lequel il lui sembloid BON PASA · La Chapelle & la Maison se trouverent bien-tôt trop pe- Filles DU tires pour les filles dont le nombre augmenta jusqu'à soixante TEUR.^^ & dix, & en moins d'un an il y en eut encore davantage , qui toutes pénétrées des sentimens d'une tendre & sincere penitence s'y étoient retirées pour reparer les outrages qu'elles avoient faits à la Majesté de Dieu, par les déréglemens de leur vie passée. Mais le Demon jaloux de ces progrès & irrité de ce qu'on lui enlevoit ainsi tant d'ames , qu'il avoit déja soûmises à son empire, mit tout en usage pour faire échouer un si faint établissement , en rendant Madame de Combé suspecte aux puissances & aux gens de bien , dans l'esprit desquels il la voulut faire passer pour une hypocrite, qui se traitoit aussi délicatement qu'elle traitoit rudement ses pauvres filles, & qui après avoir fait sa bourse en France, retourneroit en Hollande , où elle emporteroit cinquante mille écus qu'on l'accusoit d'avoir dans un coffre fort, ce qui ne laissa pas de faire impression sur quelques esprits credu es , qui par leurs plaintes réïterées furent cause qu’on la cita devant les Magistrats , & que l'Official alla visiter sa maison de la part de l'Archevêque. Mais le Lieutenant Général de Police prit haurement la défense de cette sainte Fondatrice, & le Roi informé des intrigues que la malice & la credulité formoient contre la Communauié, se déclara plus ouvertement que jamais pour elle, en ordonnant au Marquis de Seignelay d'écrire à l'Archevêque de la part pour lui recommander cette Communauté persecutée , qu'il prenoit sous sa protection Roïale. Ce qui obligea l'Archevêque d'envoïer sur le champ à Madame de Combé pour l'assurer qu'il la protegeroit contre tous ceux qui l'inquièteroient. Après que cet orage eut écé disipé, la Maison du Bon Pasteur fut en si grande estime , qu'on y vint de plusieurs Provinces de la France pour en prendre l'esprit & les Regles. Orleans, Angers, Troyes , Toulouse, & Amiens demanderent à Madame de Combé des. Sæurs & des Filles Penitentes , pour former de pareils établissemens, qui réüslirent fort heureusement par la capacité des sujets qu'elle leur envoïa pour cet effet ; Dieu lui aïant donné un discernement fi juste, qu'elle ne se trompoit presque jamais dans les jugemens qu'elle faisoit de l'esprit de ses filles , de leur dispo. fition & des emplois qui leur convenoient. Quoique son In |