LIRFS DE DE LAN GRES. quand après avoir fait leurs petites liberalités, ils retournoient, HOSPITAà elle pour avoir de quoi en faire d'autres. Le petit Benigne ON ET fur tous les autres, fe fignala fi bien dans ces pratiques de charité, que dès l'âge de cinq à fix ans, aïant un jour rencontré dans les rues quelques pauvres qui languiffoient de faim, & n'aïant rien à leur donner, il les preffa fi vivement de decoudre tous les rubans qui ornoient une robe neuve que fa mere lui venoit de faire faire à la mode de ce tems là, que la neceffité jointe à fes follicitations les aïant obligés de le faire, ils eurent de quoi acheter du pain en abondance : ce qui parut à fa mere une action fi heroïque de charité, que bien loin de lui en faire des reproches, elle augmenta pour lui fa tendreffe, loüant & beniffant Dieu de lui avoir donné un enfant qui donnoit de fi belles efperances. Après la mort de cette Dame le jeune Benigne fut envoïé à Beaune par fon pere qui confia fon éducation aux Peres de l'Oratoire. Il fit des progrès dans les Lettres qui furprirent fes maîtres, & il avança fi bien dans la pieté qu'on jugea dès lors qu'il fe confacreroit au fervice de l'Eglife. On ne voïoit point en lui ces empreffemens fi ordinaires aux jeunes gens pour le jeu & le divertiffement. Il avoit une grande folidité d'efprit, beaucoup de difcernement, une grandeur d'ame qui n'étoit pas commune, & fon inclination étoit d'obliger fes Compagnons, & leur faire plaifir autant que fon attachement à fon devoir le lui pouvoit per mettre. Il emploïa fix années à faire fes Humanités ; mais fon pere étant mort au mois de Mai de l'année 1659. fon frere aîné qui fe trouva chargé de la famille le fit revenir à Dijon. Un an après il l'envoia à Rennes, où il le mit en penfion chez les Peres Jefuites fous lefquels il fit fa Rhetorique & commença fa premiere année de Philofophie; mais quelques uns de fes amis lui àïant confeillé d'aller à Paris & d'y recommencer fa Philofophie pour fe mettre en état de prendre les grades, il les crut, & fon frere yaïant donné les mains, il se rendit à Paris au commencement du mois de Septembre de l'année 1662. Après avoir fait fes cours de Philofophie & de Theologie, il fut reçu Bachelier en 1667. & reçut le Bonnet de Docteur en 1672. après avoir été ordonné Prêtre la même année à l'âge de vingt fept ans. HOSPITA DE LIERE DE Il avoit été pourvû d'un Canonicat dès l'âge de quatorze ans dans l'Eglife Abbatiale de faint Etienne de Dijon ; mais LAN- fes études l'aïant empêché legitimement de fatisfaire aux devoirs d'un Chanoine, elles ne furent pas plûtôt finies qu'il fongea de retourner dans fa patrie pour remplir fes obligations. A peine fut-il arrivé à Dijon que Dieu éprouva sa patience par une maladie de trois mois, pendant laquelle il réfolut de fe défaire de fon Canonicat afin d'avoir la liberté d'aller de village en village pour inftruire les païfans & paffer toute la vie dans une Miffion continuelle; mais le Pere Charles Gauterot Provincial des Peres de la Doctrine Chrétienne qui avoit été fon Directeur pendant qu'il étoit à Paris & fans l'avis duquel il n'entreprenoit rien, prévoïant le fruit qu'il pouvoit faire à Dijon fa patrie, l'empêcha d'executer ce deffein, & lui confeilla de demeurer dans l'état où Dieu l'avoit mis. Monfieur Joly fuivit donc cet avis, & à peine eut-il recouvert fes forces, qu'il fe rendit fi affidu à toutes les heures de l'Office Divin de l'Eglife de faint Etienne, qu'il en préfera l'affistance à toutes les œuvres de pieté aufquelles il fe fentoit porté de lui-même & aufquelles d'autres perfonnes vouloient l'engager. M. Fiot pour lors Abbé de cette Collegiate, qui étoit autrefois un celebre Monaftere de l'Ordre de faint Au guftin, conçut tant d'eftime de fa vertu que fans avoir égard à fon âge qui n'étoit encore que de vingt-neuf ans il l'honora de la qualité de fon Grand- Vicaire pour toutes les dépendances de l'Abbaïe, & il fit la vifite de toutes les Eglifes, qui étoient de fa jurisdiction, avec le fuccès qu'on en pouvoit efperer. N'aïant pu executer le deffein qu'il avoit formé d'aller dans les Miffions pour inftruire les pauvres de la campagne il trouva les moïens de fe dédommager d'une fi fainte entreprife fans fortir de Dijon. Il y avoit dans cette villequantité de pauvresmandians élevés dans l'oifiveté & dans une pitoïable ignorance qui ne fe trouvoient dans les Eglifes que pour interrompre par leurs importunités la devotion de ceux dont ils imploroient la charité. Pour empêcher cet abus & procurer en même tems aux pauvres les fecours fpirituels & temporels dont ils avoient befoin, il fit publier par toutes les Paroiffes de Dijon,que l'on feroit une bonne aumône à tous les pau DIJON ET vres de quelqu'âge qu'ils fuffent, qui fe trouveroient les HOSPITAFêtes & les Dimanches aux Catechifines & aux exhorta- LIERES DE tions qu'il feroit dans la Chapelle de faint Vincent, & cette DE LANliberalité étant fecondée par celle de plufieurs perfonnes charitables, attira un fi grand nombre de pauvres, que la Chapelle fe trouva trop petite dans la fuite. Ce ne furent pas feulement les pauvres qui vinrent écouter ses instructions;il y eut auffi un grand nombre de personnes de tout fexe & de toutes fortes d'états qui s'y trouverent. Les perfonnes les plus accommodées de la ville crurent qu'ils devoient profiter de l'occafion pour faire mieux inftruire leurs domestiques qu'ils ne l'auroient pu faire chez eux. Il y eut même des Ecclefiaftiques d'un merite & d'une pieté diftinguée qui animés par fon exemple, s'offrirent de partager avec lui le travail. Plufieurs Prélats que les affaires de leurs Eglifes obligerent de paffer à Dijon, aïant oüi parler avantageufement du grand fruit que produifoient ces inftructions, voulurent bien eux mêmes en être les témoins, & entre les autres M. le Goux de la Berchere Archevêque de Narbonne, qui se faifoit un plaifir particulier de venir en cette Chapelle pour y autorifer par la préfence ces ex hortations. Le zele que M. Joly avoit pour le fervice de l'Eglife, lui fit auffi entreprendre de donner de pareilles inftructions aux Clercs qu'on élevoit dans le Seminaire de la Magdelaine, où il vint faire la demeure à la priere du Superieur ; ce qui n'empêchoit pas que nonobftant l'éloignement de l'Eglife de faint Etienne & les grandes occupations, il n'affiftât à Matines & aux autres Offices aufquels il se rendoit exactement dans les tems mêmes les plus fâcheux, auffi bien qu'aux asfemblées Capitulaires, & aux autres obligations de fon Benefice; mais toutes ces fatigues jointes aux grandes aufteritez qu'il pratiquoit, épuiferent tellement fes forces qu'il tomba dangereufement malade, & fut obligé d'interrompre fes Offices de charité, & de retourner à fa maifon Canoniale, après qu'on eut emploïé l'autorité de fon Directeur pour l'y faire confentir. A peine eut-il recouvert fa fanté qu'il recommença avec plus de ferveur fes instructions dans la Chapelle de faint Vincent: où comme elles attiroient un grand nombre de pauvres, il crut que pour les y engager davantage GRES. LIFRES DIJON GRIS. DE ET HOSPITA- il étoit à propos d'y établir une Confrairie dont les bons Re glemens les puffent foûtenir dans les fentimens de pieté qu'il DE LA N. leur infpiroit, & leur faire fupporter avec patience l'état de pauvreté où Dieu les avoit mis; mais plufieurs perfonnes riches & de pieté, aïant voulu être de cette Confrairie, elle s'eft trouvée dans la fuite compofée des plus considerables de la ville, fans que pour cela elle ait perdu le nom de Confrairie des pauvres, puifque c'est à eux, que tout ce que l'on y fait de bon fe rapporte. Ce faint homme ne fe contenta pas feulement d'exhorter les pecheurs à la penitence & à changer de vie, il voulut encore leur ôter les occafions du peché; c'eft ce qui lui fit entreprendre l'établissement de la Communauté du bon Pasteur, qui non feulement fert de refuge & d'azile aux filles débauchées qui ont deffein de quitter leur vie dereglée, mais encore de retraite & de lieu de Correction à celles que leurs parens, pour prevenir le deshonneur de leur famille, jugent à propos d'y renfermer, & à celles qui font condamnées à y être renfermées pour punition de leur vie scandaleuse, comme il eft porté par les Lettres Patentes que le Roi donna l'an 1687. pour l'établiffement de cette Communauté. Il établit auffi une focieté qu'on nomme la Chambre de la Divine Providence, en faveur des pauvres fervantes qui fe trouvent fans condition. Sa charité n'étoit pas moins grande pour les pauvres malades qu'il vifitoit, & confoloit par fes exhortations, par les aumônes qu'il leur faifoit, & les fervices qu'il leur rendoit,avec tant de douceur & d'affiduité que l'Evêque de Langres lui confia la direction fpirituelle du grand Hôpital de Dijon,ce qui donna lieu à l'établissement des Filles Hofpitalieres, dont il a été l'Instituteur, de la maniere fuivante. Il y avoit dans la ville de Dijon un Hôpital fort ancien, fous le nom du Saint-Efprit, qui étoit deffervi par les Religieufes de l'Ordre du Saint- Efprit de Montpellier, fous la direction d'un Commandeur & de quelques autres Religieux du même Ordre. Mais cet Hôpital ne s'étant pas trouvé fuffifan: pour le nombre des pauvres malades ou autres qui avoient befoin d'affiftance, on y joignit dans la fuite du tems THôpital de Notre-Dame de la Charité, qui par la quantité pauvres qui y ont été reçus, eft devenu l'Hôpital Géné val. Ces deux Hôpitaux furent affez long-tems administrez des par |