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NEVIEVE.

l'autre de ces Communautés, (excepté quelques uns dont FILLES DE l'experience avoit fait connoître beaucoup de difficulté dans SAINTEGE l'execution,) étoient remplies de faintes pratiques capables d'entretenir le bon ordre dans la maison, & le bon exemple au dehors. Ces Conftitutions furent approuvées par M. de Harlay de Chanvalon Archevêque de Paris, au mois de Février 1674. on les prefenta enfuite au Roi, qui par de nouvelles Lettres Patentes qui furent enregistrées au Parlement la même année, autorifa l'union qui avoit été faite de ces deux Communautés, & les changemens qui avoient été faits aux premiers Reglemens. Madame de Miramion qui avoit été élue Superieure, & qui encourageoit les filles de Ste Geneviève par fon exemple à la pratique exacte de leurs Regles, leur fit acheter l'an 1670. la maifon où elles font préfentement fur le Quay de la Tournelle, & leur donna encore dix mille livres. Jufques là elle avoit fait toute la dépense de la maison ; mais voïant que les filles par leur acconomie & par la reception de celles qui avoient embraffé l'Inftitut étoient en état de fubfifter par elles mêmes ; elle ne leur donna plus que quinze cens livres par an pour fa penfion, qu'elle leur a toûjours païée jusqu'à fa mort, vivant comme les autres focurs, & ne voulant point de diftinction, quoique fa fanté fût fort foible & fujette à de grandes infirmités, & elle leur déclara qu'elle vouloit executer les Conftitutions en fe démettant de la Superiorité perpetuelle. Mais ces filles perfuadées qu'elle leur étoit encore néceffaire, curent recours à M. Feret leur Superieur, & enfin à l'Archevêque de Paris, qui lui ordonna de n'abandonner la Superiorité qu'avec la vie.

La reputation de ces filles aïant paffé dans les Provinces, une Communauté établie depuis long-tems à Amiens députa l'an 1670. deux filles à Madame de Miramion pour lui demander fes confeils. Elle les retira chéz elle pendant un mois, &les renvoïa charmées de ce qu'elles avoient vû. Il en revint d'autres qui lui demanderent l'union de leur Communauté, avec celle de fes filles, leur habit & leurs Constitutions, ce qui étant appuïé de la recommandation de M. l'Evêque d'Amiens & de M. Chauvelin, Intendant de Picardie, elles obtinrent ce qu'elles fouhaitoient; l union fut faite dans les formes, & Madame de Miramion alla à Amiens, où elle

SAINTEGE

FILLES DE laiffa deux filles de fa Communauté, qui firent faire le NoNEVIEVE. Viciat, & reçurent à l'inftitut celles qui avoient demandé. l'union. Une autre Communauté établie à la Ferté fous Joüare aïant auffi demandé en 1695. l'union avec les filles de fainte Geneviève, Madame de Miramion les fit toutes venir à Paris l'une après l'autre pour les inftruire, & alla enfuite à la Ferté fous Joüare les établir en préfence de l'Evêque de Meaux M. Benigne Boffuet, qui prêcha fur ce fujet avec beaucoup d'éloquence.

Les troupes qui pafferent ou féjournerent à Melun l'an 1673. y aïant caufe des maladies contagieufes, perfonne n'ofoit foulager les malades qui y mouroient au nombre de plus de cent par jour, & la plupart dans les ruës abandonnés de tout le monde, & privés de tout fecours humain. Madame de Miramion en fut fi touchée qu'elle y alla elle-même accompagnée de Chirurgiens & des Sœurs de la Charité, ranima par fon exemple, ceux qui par leur condition, devoient affifter les malades, engagea les Magiftrats de donner un lieu pour faire un Hôpital, dans lequel elle fit porter les meubles de fa Terre de Rubelle, qui n'étoit pas éloignée de cette Ville, y établit des Sœurs de la Charité, & y fit tranfporter les malades qu'elle penfoit elle même, les exhortant à fouffrir patiemment leurs maux, & à recevoir la mort avec foûmiffion aux ordres de la Divine Providence, qu'elle les forçoit en quelque façon d'adorer par les charitables foins qu'elle avoit d'eux, & par les fecours qu'ils recevoient de fes liberalités. L'Hôpital Général n'en reffentit pas moins les effets dans quelques années de difette, auffi bien que les pauvres, pour lefquels elle ranima fon zele dans le tems de la famine, dont la France fut affligé en 1694. Car fans parler de ceux aufquels elle donnoit l'aumône, elle s'appliqua avec une charité heroïque à foulager ceux qui étoient malades à l'Hôtel-Dieu, dont le nombre fe montant à fix mille. avoit obligé les Religieufes de cet Hôpital à en mettre plufieurs dans un même lit, qui étant attaqués de differentes maladies, qu'ils fe communiquoient, étoient dans un état si déplorable, que cette fainte femme penetrée de compaffion pour eux, confeilla aux Administrateurs de cette maison des pauvres, d'ouvrir l'Hôpital de faint Loüis; ce qui aïant été approuvé, & le foin lui aïant été donné de préparer tout

SAINTIGE
NEVIEVE.

ce qui étoit néceslaire pour les y recevoir, on recevoir, on y en tranf- FILLES DE porta une partie, qui en laiffant plus de place à ceux qui reftoient à l'Hôtel Dieu, s'en trouverent eux-mêmes beaucoup foulagés & moins en danger de perdre la vie, comme l'experience le fit connoître par le grand nombre de ceux qui en rechapoient. Elle n'oublioit pas pour cela les pauvres honteux de la Paroiffe, & faifoit faire chez elle de deux jours l'un du potage pour eux, emploïant utilement les charitez du Roi, dont Sa Majesté l'avoit chargée après la mort de Mademoiselle de Lamoignon qui avoit eu auffi le même emploi. L'année fuivante l'Hôpital Général ne pouvant foûtenir fes dépenfes, les Directeurs voulurent renvoïer la plus grande partie des pauvres : mais Madame de Miramion trouva des refources pour l'empêcher, auffi bien que pour maintenir l'Hôpital des Enfans trouvez, qui fe trouvoit fort embarraffé de pourvoir à la subsistance de ces pauvres In

nocens.

Sa maison avoit toûjours été ouverte aux perfonnes de fon fexe qui s'y préfentoient pour s'y retirer à deffein d'y faire chacune en particulier les exercices fpirituels ; mais aïant entendu parler du fruit que faifoient en Bretagne les maifons de Retraite, dont nous avons parlé dans le Chapitre précédent, & qui s'établissoient aufli pour les hommes au Noviciat des Jefuites de Paris, elle entreprit d'exercer la même charité pour les femmes ; elle en obtint l'agrément du Roi, quoique ce Prince l'eût refufée quelques années auparavant à des perfonnes de pieté qui avoient eu le même deffein, Sa Majefté voulut même y contribuer, en lui envoïant fix mille livres. L'Archevêque de Paris approuva auffi ce deffein, nomma des Confeffeurs pour les Retraites, & voulut qu'à l'avenir la maifon de Madame de Miramion fût honorée de la préfence perpetuelle du Saint Sacrement, & qu'on l'exposât tous les foirs pendant le falut, tant que dureroient les Retraites. Comme pour ces exercices publics, il falloit agrandir la maifon, on en acheta une voifine, qui couta foixante-quinze mille livres, dont Madame de Miramion en donna quinze, Madame de Guise fix, Madame Voisin & Madame Duhouffet autant, & plufieurs perfonnes inconnuës envoïerent auffi des fommes confiderables. La maison fut reparée, & divifée en cinquante chambres ou cellules fé

NIVILVE.

FILLES DI parées. On y fit un Refectoire, une falle d'exercices & auSAINT GE tres lieux Réguliers, & cela avec tant de propreté, que ces reparations monterent encore à plus de vingt milles livres. Deux ans s'écoulerent avant que cette maifon se trouvât prête. Madame de Miramion en regla le fpirituel & le temporel, & ordonna que les retraites des Dames dureroient Tept jours, pendant lefquels elles coucheroient toutes dans la maifon où l'on pourroit en loger cinquante, & que les Retraites des pauvres ou des femmes & filles de mediocre condition ne dureroient que cinq jours: qu'on en pourroit recevoir jufqu'à fix vingt chaque fois : mais qu'on ne retiendroit à coucher que celles qui viennent de la campagne : qu'à l'égard de celles de Paris, elles retourneroient tous les foirs chez elles & reviendroient les matins, & qu'on les nourriroit

toutes.

Madame de Miramion païa toute feule les premieres Retraites des pauvres, & quelques perfonnes de pieté y contribuerent dans la fuite. Il n'y a encore qu'une des quatre,qui fe font par an, qui foit fondée; mais en attendant qu'elles le foient, le Roi y pourvoit par fes liberalitez. Les Peres Jefuites & les Prêtres du Seminaire des Miffions Etrangeres font à l'alternative les Retraites des Dames deux fois l'année, & celles des pauvres quatre fois. Le profond refpect que Madame de Miramion eut toûjours pour les Prêtres, lui fit former le deffein de travailler à l'établissement de diverfes maisons Ecclefiaftiques, l'une pour renfermer ceux qui ne feroient pas reglez, une autre pour ceux qui font obligez de venir à Paris folliciter des affaires, & une troifiéme pour fervir de retraite à ceux que l'âge & le travail ont mis hors d'état de fervir l'Eglife. Mais le tems & les moïens lui aïant manqué, M. le Cardinal de Noailles Archevêque de Paris y fuppléa, en établissant la Communauté de faint François de Sales, qui pour cet effet joüit du Prieuré de faint Denis de la Charte à Paris.

Enfin Madame de Miramion epuifée de forces & fuccombant pour ainfi dire fous le poids de fes mortifications, tomba malade le 19. Mars 1696. fes vomiflemens continuels l'empêcherent d'abord de recevoir le faint Viatique ; mais en aïant été délivrée par une grace fpeciale de celui qu'elle avoit aimé & fervi avec tant de fidelité, elle le reçut enfin &

NEVIEVE.

mourut le 14. Mars, aïant ordonné Mars, aïant ordonné par fon testament qu'on FILLES DE l'enterreroit comme une fimple fille de fainte Genevieve. Six SAINTS GEpauvres porterent fon corps à la Paroiffe, cù il fut enterré dans le Cimetiere & fon cœur fut mis dans la Chapelle de fa Communauté, où toutes les bonnes œuvres que l'on y faifoit de fon vivant, ont été depuis continuées & même augmentées par le zele & la ferveur de fes filles, qui faisant leur poffible pour imiter fon amour pour Dieu & fa charité pour le prochain, fe font toûjours confervé jufqu'à préfent l'eftime de tout le monde & la bonne odeur de Jefus Chrift par la fidelité avec laquelle elles s'acquitent de toutes leurs obligations & pratiques de pieté, & par la charité qu'elles exercent envers le prochain,enfeignant à lire,écrire & travailler,aux petites filles, qu'elles élevent en même tems à la connoiffance des Myfteres de nôtre fainte Religion & aux pratiques d'une veritable pieté, en recevant dans leurs maisons les maîtreffes d'Ecole, qui defirent éprouver leur vocation & se former à cet emploi, en allant en campagne, lorfque les Evêques & les Curés le demandent, pour établir & dreifer des maîtreffes, en faifant dans leurs maifons, pour l'inftruction des perfonnes de leur fexe, une lecture ou Conference familiere fur les chofes neceffaires au falut, fur les vertus & fur les obligations de leur état pour paffer la vie faintement, en admettant chez elles celles qui defirent faire les exercices fpirituels, en affistant spirituellement & corporellement les pauvres malades & les bleffés des Paroiffes où elles font établies, qu'elles faignent, & penfent, & aufquels elles fournissent autant qu'elles en ont le moïen, les onguens & autres remedes qu'elles jugent neceffaires pour leur gue

rifon.

Les Sœurs ne font reçuës à la Communauté qu'à vingt ans accomplis & après deux ans d'épreuve. Elles ne font point de vœux ; mais foit que la prétendante apporte quelque chofe en fonds ou en argent, ou une rente viagere, foit qu'elle n'apporte rien, on paffe un Contrat entr'elle & la Superieure avec fes Confeilleres, par lequel il eft porté qu'outre les autres claufes dont on eft convenu, la prétendante aïant lu & bien entendu les Conftitutions, elle s'y foùmet & s'oblige de les obferver, & que la Communauté s'eblige à la nourrir & entretenir, tant en fanté que maladie

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