TIS. fieurs Dames & Demoiselles de qualité se présentoient pour MAISONS y être requës, & aucunes n'en fortoient fans en avoir tiré DE RETRAI beaucoup de fruit & de confolation. Mais comme Mademoiselle de Francheville refusoit de prendre de l'argent pour leur nourriture, elles étoient plus refervées à y entrer: ce qui étoit un inconvenient auquel on remedia en loüant une maison qu'on fit meubler, & dans laquelle on établit une Oeconome qui veilleroit à la subsistance de toutes les perfonnes du sexe qui voudroient y faire des retraites. À peine fut elle en état qu'on y accourut de divers endroits, même des Diocêses voisins, & les exercices ne s'y firent pas avec moins desuccès que dans celles des hommes. Mais une œuvre si sainte ne manqua pas d'être traversée. Quelques personnes n'approuverent pas ces assemblées de femmes, & l'un des Grands-Vicaires entrant dans leur fentiment, déclama publiquement en Chaire contre cette nouveauté, & défendit de continuer les retraites, soit dans cette maison soit ailleurs. M. de Rofmadec Evêque de Vannes, étoit alors à Paris, d'où il partit peu de tems après pour retourner dans fon Diocêse, où voulant d'une part soûtenir le procedé de fon Grand-Vicaire, & de l'autre favoriser le zele de Mademoiselle de Francheville, il proposa au Pere Daran son Directeur un expedient pour contenter tout le monde, qui fut de bâtir un appartement dans quelque maison Religieufe, où il sembloit que les exercices de retraites se pouvoient faire avec plus de facilité & avec plus d'édification. Cette proposition fut acceptée, & l'on choisit pour cet effet la maison des Ursulines. Mais avant que de commencer le bâtiment, Mademoiselle de Francheville voulut avoir l'agrément de ce Prélat qui étoit retourné à Paris, d'où il envoïa fon consentement à M.de Kerlivio son Grand-Vicaire qui lui avoit écrit à ce sujet. Après avoir obtenu cette permission, Mademoiselle de Francheville envoïa en secret une somme d'argent à la Superieure, qui du consentement de sa Communauté, fit jetter les fondemens de cette maison, dont la premiere pierre fut posée le 20. Mars 1671. par M. de Kerlivio, qui en avoit dessiné le plan avec tant de justesse, qu'encore que le bâtiment fût situé dans l'enclos du Monastere, il n'y avoit ni commerce, ni vûë, ni entrée pour les personnes qui y venoient en retraite, & on y travailla si diligemment qu'il fur Tome VIII. Ee MAISONS achevé & meublé, & qu'on y commença les exercices dès le DE RETRAI- mois d'Avril de l'année suivante. TES. Pendant que l'on travailloit à cet édifice, Mademoiselle de Francheville ne laissoit pas de s'occuper utilement au falut des ames: car pour ne pas perdre ce tems, qui quoique fort court, sembloit bien long à fon zele pour l'avancement spirituel du prochain, elle pria l'Evêque de permettre qu'elle assemblât au Pargo (Maison de campagne aux environs de Vannes) plusieurs personnes de son sexe qui defiroient y faire une retraite: ce qu'elle obtint, avec la permission d'y faire dire la Messe, & d'y faire faire deux Exhortations par jour : ce qui y attira tant de monde, qu'il s'y trouva jusqu'à quarante- fix personnes, qui en fortirent toutes remplies de ferveur, & fi enflammées de l'amour de Dieu, que quelquesunes qui n'avoient pû se determiner jusqu'alors à quitter le monde, eurent le courage de prendre le parti de la Religion. Un tel succès redoubla le zele de Mademoiselle de Francheville, & l'excita à faire de pareilles Assemblées en divers endroits des Diocêses voisins. Il s'en fit une à Ploërmel, composée de quarante cinq personnes, du nombre desquelles il en eut plusieurs qui se consacrerent à Dieu, les unes chez les Ursulines, & les autres chez les Carmelites. Comme d'autres villes souhaitoient joüir du même bonheur, on en fit deux autres en differens tems à Quimperlé & autant au Quilio Paroisse du Diocêse de Quimper, & tout le monde y accouroit avec tant d'affluence qu'on ne sçavoit où les loger. Telles furent les occupations de Mademoiselle de Francheville jusqu'à ce qu'on eut achevé le bâtiment des Urfulines, dans lequel on commença pour lors à faire les retraites sous la conduite de ces Religieuses, qui concoururent de tout leur pouvoir à la sanctification des personnes de leur sexe, avec les Ministres de Jesus-Christ. Mais ce qui réjoüissoit le Ciel, allarma l'enfer, & les Démons exciterent une horrible tempête pour détruire cet ouvrage. La calomnie publia mille faussetés, & l'envie noircit les choses les plus innocentes & les plus saintes : ce qui arriva dans des circonstances d'autant plus fâcheuses que M. de Rosmadec aïant été transferé à l'Archevêché de Tours, le Pere Daran étant mort, M. de Kerlivio étant disgracié, le Pere Huby n'étant pas ecouté du nouvel Evêque qui TAS. étoit prévenu par ceux qui l'approchoient, il ne se trouva per- MAISONS sonne qui ofât se déclarer en faveur de la retraite des fem-DERETRAImes, qui fut enfin interdite dans le tems qu'elle commençoit à donner des marques de la plus belle esperance; & Mademoiselle de Francheville eut encore une fois le déplaisir de voir ses bons desseins traversés par ceux qui les devoient soutenir & de qui elle devoit attendre plus de fecours. Ce coup lui fut si sensible qu'elle ne put s'empêcher de verser des larmes & de déclarer ce qu'elle avoit caché jusqu'alors, que le logement que l'on avoit bâti chez les Urfulines s'étoit fait à ses dépens : ce qui aïant également surpris & touché ceux qu'elle fit les confidens de sa peine, on lui conseilla de leur demander, qu'elles obtinssent la permiffion de continuer les retraites, ou qu'elles lui remboursassent l'argent emploïé à cet usage. Les Religieuses lui accorderent sa demande, & après avoir fait de vaines tentatives auprès de l'Evêque, non seulement elles rendirent les deniers qu'on avoit avancés ; mais encore les meubles, les Reglemens & generalement tout ce qu'on avoit fait à l'usage des retraites. Cette bourasque ne dura néanmoins qu'un tems. L'esprit du Prélat se calma, & il confentit enfin à la priere de Mademoiselle d'Argouges, dont on avoit interpofé le credit, au rétablissement des retraites pour les femmes, & il en donna la direction tant pour le spirituel que pour le temporel à M. de Kerlivio, qui sans perdre de tems chercha une maison qui fût propre pour cela; mais n'en aïant point trouvé d'assez grande, Mademoiselle de Francheville profita de l'offre qu'on lui fit de lui loüer pour quelques années la maison du Seminaire, qui venant d'être achevée étoit inhabitée faute d'argent pour la meubler, à condition néanmoins qu'elle la mettroit en état d'y pouvoir loger. C'est pourquoi comme elle connoiffoit l'intelligence & le zele de M. de Kerlivio, elle le chargea du soin de cet ouvrage en lui mettant d'abord deux mille écus entre les mains, avec lesquels il fit travailler avec tant de diligence, qu'en peu de mois la maison fut difposée pour les retraites. La premiere vûë de Mademoiselle de Francheville étoit seulement de contribuer à ces retraites de fon bien & non pas de sa personne, soit qu'elle crût n'avoir pas les talens necefsaires pour cet emploi, ou qu'elle craignît que cela ne la dé MAISONS tournât de sa solitude; mais lorsqu'on lui eut fait entendre DERETRAI- que Dieu demandoit aussi sa personne, elle s'engagea mal TES. gré ses répugnances au travail des retraites, mettant toute sa confiance en Dieu, qui benit tellement sa soûmission à sa sainte volonté par les grands talens qu'il lui donna pour la conduite des ames, que plusieurs personnes ontavoié que ses entretiens familiers & ses exhortations les touchoient davantage que les Sermons des plus habiles Prédicateurs. La premiere retraite se fit dans la maison du Seminaire le quatre Decembre 1674. le nombrene fut d'abord que de douze personnes ; mais il augmenta de telle forte dans la suite qu'on y en compta jusqu'à trois cens. Pendant que l'on étoit ainsi occupé à ces retraites, on ne negligea rien pour leur donner un lieu fixe & indépendant, après que le terme de cinq années, qu'elles devoient se faire dans le Seminaire que Mademoiselle de Franchevilleavoit loüé pour cet effet, seroit expiré. C'est pourquoi on choisit proche l'Eglise de faint Salomon un terrein fort avantageux fur lequelon bâtit une maison, qui étant achevée en 1679. fut habitée l'année suivante, que l'on commença à y faire la premiere retraite le 5. Mai, dans laquelle il se trouva quatre cens douze personnes; dont le nombre fut encore plus grand aux Fêtes de Pâques ; d'où l'on peut juger du grand fruit que cette pieuse Fondatrice a fait dans cette Maison pendant quatorze ans qu'elle l'a gouvernée. Après la mort de M. de Kerlivio, qui arriva le 21. Mars 1685. dans le tems qu'il avoit déja commencé à agrandir d'un nouveau corps de logis la maison de retraite des hommes, Mademoiselle de Francheville se fit une espece de Religion, de remplir les dernieres volontés de ce saint homme en faisant achever l'ouvrage qu'il laissoit imparfait ; & cela en reconnoiffance de ce qu'il avoit cooperé au succés de ses desseins, qui enfin après lui avoir attiré l'estime des hommes, lui merita la grace de mourir de la mort des Justes le 23. Mars 1689. âgée de soixante neuf ans, aïant eu la confolation de voir de son vivant dans la Bretagne quatre établisfemens semblables au sien, l'un à Rennes, un autre à saint Malo, le troifiéme à Quimper & le quatrième à saint Paul de Leon. Comme ces maisons destinées aussi pour des retraites ont été fondées en partie par ses soins & qu'elles suivent les Reglemens de la maison de Vannes, elles reconnoiffent MATSONS pareillement Mademoiselle de Francheville pour Institu-DERETRAItrice. Le Pere Hubi qui a eu tant de part à l'établissement de ces Maisons de retraites, étoit aussi originaire de Bretagne. Il nâquit à Hennebont le 15. Mai 1608. & reçut le nom de Vincent fur les Fonts de Baptême. Il fit ses Humanités au College des Jefuites de Rennes, & fon pere aïant appris le dessein qu'il avoit d'entrer parmi eux, l'envoïa à Paris pour y faire fon cours de Philofophie dans un des Colleges de l'Université; mais le changement de lieu ne changea rien dans son dessein. Il en poursuivit l'accomplissement avec tant d'ardeur, que le Pere Cotton se crut obligé de le recevoir dans la Compagnie le 25. Decembre 1625. dans la dix huitiéme année de fon âge. Au fortir du Noviciat il fit une année de Rhetorique à Rennes, felon la coûtume de ce tems-là, trois ans de Philofophie à la Fleche, trois ans de Regence à Vannes, & quatre ans de Theologie à Paris. Il retourna ensuite à Vannes où il enseigna la Rhetorique pendant un an, & fut Préfet des Classes pendant une autre année. Après avoir fait sa troisiéme année de Noviciat, il fut envoïé à Orleans, où il fit sa profession solemnelle le 18. Septembre 1648. Les huit années suivantes les Superieurs voulant menager sa fanté , qui étoit foible & delicate, ne l'occupoient qu'à la Préfecture des Classes & à enseigner la Theologie Morale à Orleans, puis à Vannes, ce qui n'empêchoit pas qu'il ne s'emploïât au salut des ames pour lequel il avoit un si grand zele qu'il s'offritau Pere Rigoleu pour l'accompagner dans ses Missions. Quoique ce fût l'emploi pour lequel il avoit plus de talent & d'inclination, cependant on l'en retira pour l'appliquer au gouvernement en le faisant Recteur de Quimper; mais Dieu aïant fait connoître par les difpofitions de sa Providence que le Ministere Apoftolique étoit son partage, on l'y remit & il vint à Vannes rejoindre le Pere Rigoleu, après la mort duquel il passa ses trente dernieres années avec un zele infatigable à l'avancement des retraites des hommes & des femmes, & mourut en odeur de sainteté le 22. Mars 1693. âgé de 85. ans, dont il en avoit paffé soixantehuit dans la Compagnie de Jesus. Son corps fut exposé pendant deux jours pour contenter le peuple qui accouroit en TES. |