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MISSION- sentir la pesanteur de fon bras, par la peste qui y causoit des

NAIRES DI

LA

JOSEPH.

Con ravages si funestes, que cette grande ville, autant célébre GREGATION par fon commerce, que par le grand nombre de ses habitans, se vit en peu de jours changée en un defert, tant par la fuite de ceux qui l'abandonnerent, que par la mort d'un grand nombre de personnes. Il ne fut pas plûtôt arrivé dans cette ville, qu'il se mit chez un Maître Chirurgien, où le Demon tendit des pieges à sa pureté par le moïen d'un de ses Compagnons, qui lui découvrit que leur Maître entretenoit une fille, dont il pourroit aussi joüir quand il voudroit, lui conseillant de profiter de l'occasion. Mais le saint jeune homme s'étant apperçu de la malice de l'Esprit tentateur, fortit de cette maison, pour s'exposer au service des pestiferés : ce qui lui procura un établissement de la maniere suivante.

La peste étoit si enflammée à Lion, que presque tous les garçons Chirurgiens, qui pensoient les pestiferés, étoient morts, & la plupart des Maîtres s'étoient retirés à la campagne pour se mettre à couvert de ce fleau terrible. Les Magistrats pour obliger les garçons Chirurgiens, qui étoient encore dans la ville, à s'exposer au danger, firent publier par tout que ceux qui serviroient les pestiferés, gagneroient leur Maîtrise. M. Cretenet, qui avoit quitté son Maître pour éviter le peché, embrassa le parti que Dieu lui presentoit, & fe donna de bon cœur au service des pauvres malades abandonnés. Ce fut au mois d'Avril de l'année 1629. qu'il commença cet exercice charitable. La premiere personne qu'il traita de la peste, fut une jeune veuve, qu'il fervit avec tant d'honnêteté & d'affection, que sa mere la lui promit en mariage, s'il pouvoit la guerir, & se faire recevoir Maître Chirurgien. Dieu, qui lui avoit destiné cette veuve, benit tellement le soin qu'il prit d'elle, qu'aïant été guérie en peu de tems, on ne pensoit pensoit plus qu'à l'execution de la promesse qu'on lui avoit faite. Lorsque la peste cessa, les Maîtres Chirurgiens revinrent de la campagne, & s'opposerent à l'enterinement des Lettres que leurs Garçons avoient obtenuës des Magistrats: ce qui étant un obstacle au projet du mariage de M. Cretenet, lui fut un nouveau sujet d'adorer les dispositions de Dieu sur lui, & de redoubler ses prieres pour obtenir la grace de connoître sa volonté, & de s'y conformer

LA CON

DE SAINT

en toutes choses ; mais principalement dans ce mariage, qu'il MISSIONne souhaitoit qu'autant qu'il feroit agréable à sa divine Ma- NAIRES DE jesté, & utile au salut de son ame: ce qu'il demanda avec GREGATION une si parfaite foûmission aux ordres du Ciel, que nonob- Jour stant cet obstacle, qui paroissoit invincible, il en obtint la conclufion de fon mariage, & reçut la benediction nuptiale le 20. Novembre.

Aïant obtenu des Lettres de Maîtrise quelque tems après, il regla tellement sa maison, que l'on y vivoit comme dans un Monaftere le plus regulier, prenant lui-même le soin de conduire ses domestiques dans le chemin du falut, & de les former à la vie Chrétienne par les saintes maximes de l'Evangile qu'il leur enfeignoit. Souvent il leur faisoit des entretiens particuliers pour leur inspirer l'horreur du peché, & l'amour de la vertu. La priere se faisoit en commun le soir & le matin, & il vouloit qu'ils y assistassent, qu'ils allassent tous les jours à la Messe, qu'ils fissent des lectures spirituelles, & qu'ils frequentassent souvent les Sacremens. Non content de bannir de sa maison toutes fortes de jeux, de débauches, de juremens & de paroles libres; il fit de sages Reglemens, & les y fit observer indispensablement.

Pour ce qui est de ses enfans, il n'épargna ni son bien ni ses peines pour les élever dans la piete. Outre les instructions qu'il leur donnoit lui-même, il leur choisit des Maîtres pour veiller de plus prés à leur conduite:ce qui leur réüssit si heureusement, que les deux enfans qui lui resterent, dont l'un étoit garçon & l'autre fille, se consacrerentau service de Dieu; le garçon entra dans la Congregation des Missionnaires, dont fon pere fut dans la suite l'Instituteur, & la fille se fit Religieuse du Tiers Ordre de saint François de la plus étroite Observance dans le Monastere de Roüanes, où elle vêcut avec tant de fainteté, qu'elle fut choisie pour faire l'établissement du troisiéme Monastere de cet Ordre à Lyon.

Une conduite si sainte & fi utile au prochain, ne pouvoit être que fort agréable à Dieu, qui prévenant son Serviteur de ses benedictions, lui donna un si ardent defir d'arriver à la perfection, qu'il rechercha avec empressement la converfation des personnes capables de lui en enseigner les voïes. Il demanda à la divine Majesté par de ferventes & continuelles prieres, qu'elle voulût bien lui procurer cette grace par le

MISSION- moïen de quelques unes de ces ames choisies, qui quoique NAIRES DE dans un corps mortel, vivoient dans le monde comme fi elles GREGATION n'y étoient pas, & dont toute la conversation étoit dans le Ciel.

LA CON

DE SAINT
JOSEPH.

La Mere Madelaine de S. François, premiere Superieure du premier Monaftere du Troisieme Ordre de S. François dans la ville de Lyon, à laquelle plusieurs personnes s'addreffoient pour apprendre à faire l'oraison, & à pratiquer les autres exercices de la vie spirituelle, fut celle dont Dieu se servit pour l'accomplissement du defir de M. Cretenet, qui par les foins de cette fainte fille, fit un si grand progrès dans la pratique de toutes les vertus qui conduisent à la perfection Evangelique, que se trouvant en état de marcher seul dans les voïes les plus étroites du salut, il se resolut d'y servir de guide au prochain, en enseignant aux ignorans les obligations de la vie Chrêtienne, & en conduisant ceux qui en étoient instruits, à une vie plus parfaite, selon les Regles qu'il en avoit reçuës de cette charitable Maîtresse, que Dieu récompensa enfin, la faisant passer de cette vie à une meilleure le 23. Juin 1642.

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Après la mort de cette fainte fille, dix ou douze de ses Disciples dans la vie spirituelle se joignant à M. Cretenet, se mirent sous la conduite du Reverend Pere Dom Arnaud, pour lors Prieur des Feüillans de Lyon, dont Dieu se servit pour faire connoître le merite de son Serviteur. Car ce zelé Directeur étant fort occupé, soit dans son Couvent & dans les autres de fon Ordre, dont il étoit toûjours ou Prieur ou Provincial, soit à prêcher des Avents & des Carêmes dans la ville de Lyon & ailleurs, renvoïoit à Monfieur Cretenet, les personnes qui venoient à lui pour le confulter dans leurs besoins spirituels, comme à celui qu'il connoissoit le plus capable de les soulager dans leurs peines: ce qui établit si bien sa réputation, que tous ceux qui lui étoient ainsi envoïés, non contens de la consolation qu'ils trouvoient dans ses difcours & ses entretiens particuliers, ne manquoient pas dans la suite aux Conferences spirituelles qu'il faisoit une fois la semaine dans sa maison ou dans quelqu'autre, afin d'allumer dans le cœur de ses Auditeurs le feu de l'amour divin & un ardent defir d'arriver à la perfection. Mais dans le tems qu'il ne fongeoit qu'à continuer ces saints exercices d'une charité veritablement

NAIRIS DE

DE SAINI

chrétienne, Dieu les interrompit en lui fournissant de nou- MISSIONvelles occafions d'exercer fon zele & fon amour pour le pro-LANE chain : car la ville de Lyon aïant été affligée une seconde fois GREGATION de la peste en 1643. sa divine Majesté lui donna de fi fortes JOSEPH. inspirations de ne point abandonner les pauvres malheureux qui étoient attaqués de ce mal, qu'il se renferma avec eux pour leur administrer les remedes necessaires. 11 les confoloit par des paroles de pieté & d'édification, les encourageant à souffrir patiemment pour l'amour de Jesus-Christ: & parce que cette maladie est presque toûjours suivie de la mort, il les disposoit par des instructions chrétiennes à recevoir les Sacremens, & n'oublioit rien de tout ce qui pouvoit les préparer à bien mourir. Lorsqu'ils approchoient de ce dernier moment, il redoubloit son zele pour leur falut, les exhortant à se confier en la mifericorde de Dieu & à faire un sacrifice de leur vie à sa Justice. Il leur enseignoit à faire des actes de contrition, d'amour de Dieu, & de résignation à sa volonté. Il faifoit des prieres en particulier & en public pour eux, & engageoit ceux qui étoient presens à leur donner le même secours.

En s'appliquant de la forte au salut des moribonds, il ne negligeoit pas le soin des autres malades, qu'il catechisoit tous les jours, leur enseignant à se bien confeffer, & à manger dignement le pain des Anges : ce qui produifit un tel effet dans le cœur des pauvres malheureux, qui étoient renfermés dans ce lieu de misere, que changeant de vie ils retournoient à Dieu par une veritable & fincere penitence.

Le Pere Dom Arnaud qui, comme nous l'avons dit, dirigeoit M. Cretenet & ceux des Disciples de la Mere Magdelaine de faint François, qui avoient fait avec lui une sainte Societé, aïant été choisi dans un Chapitre de son Ordre tenu à Paris, pour aller faire un établissement à Marseille, les en avertit, afin qu'ils fissent choix d'un autre Directeur ou Superieur qui continuât à les conduire dans la voïe de la perfection. M. Cretenet qui étoit le plus zelé de cette petite troupe, pria ce Pere de recommander cette affaire à Dieu & de dire à cette intention la Messe pendant neuf jours; afin que sa Majesté divine leur fît connoître sa sainte volonté, qui leur fut enfin manifestée par la bouche de ce même

LA

CON GREGATION DE SAINT

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MISSION- Religieux, qui après avoir fini cette neuvaine, leur conseilla NAIRES DE de reiter unis ensemble & de choifir entr'eux quelqu'un capable de les gouverner ils reçurent cette réponse comme JOSIPH. venant de Dieu même ; & aïant augmenté leurs prieres, leurs jeûnes & leurs mortifications, ils te sentirent inspirés de choifir Monfieur Cretenet, qui dès lors fut regardé comme leur Maître & leur Superieur.

Ce choix d'un Laïque & même engagé dans le mariage pour conduire cette nouvelle Compagnie de ferviteurs de Dieu dans laquelle il y avoit trois Ecclesiastiques, parut fi extraordinaire, que l'on traita d'illusion, d'ambition, & de temerité l'acceptation que M. Cretenet fit de cet emploi. Mais nonobstant toutes ces contradictions, le nombre de fes Disciples augmenta par un grand nombre d'Ecoliers, qui s'étant mis sous sa conduite, devinrent la bonne odeur de Jesus Chrift & porterent par tout les fruits de sainteté & de graces que ce saint maître avoit semés dans leur cœur par ses instructions & ses bons exemples.

Le zele qu'il avoit pour la gloire de Dieu & le falut des ames étoit trop vaste pour être borné au seul avancement spirituel de ceux dont il avoit la conduite. Comme il portoit tout le monde dans fon cœur, & que sa charité s'étendoit sur tous les hommes, non seulement il prioit avec ferveur pour la conversion des Infideles, Herétiques & mauvais Chrétiens; mais dans l'impossibilité où il étoit, à raison de fon état, d'aller lui même chercher ces brebis égarées, il tâchoit d'engager ceux qui avoient choisi Jesus-Christ pour leur partage d'entreprendre un si saint exercice : ce qui lui réüffit enfin selon ses desirs. Car un jour qu'il donnoit à manger à quelques-uns de ses Disciples, la conversation tomba insenfiblement sur l'ignorance des peuples de la Campagne, & particulierement du grand besoin d'instruction qu'avoit le village de Martignat dans le Bugey, dont un Prêtre de la Compagnie, qui avoit dit sa premiere Messe le même jour, étoit natif. Ce faint homme profita de cette occafion pour leur découvrir le dessein qu'il avoit depuis plusieurs années de les engager à se dévoüer au service du prochain, & les y exhorta d'une maniere fi efficace que ne pouvant résister à la force de ses discours, ils prirent la résolution d'aller instruire les pauvres gens de ce lieu si-tôt que les vacances seroient

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