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Frere Cordonnier.

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de Poilly f

CORDON-
NIERS

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travaux l'an 1655. & le foixante-dixiéme de fon âge, laissant FRERES après lui une grande reputation de fainteté, autorisée depuis par des miracles. Sa vie a été donnée au Public par M. Del- TAILLEURS. frate, Docteur en l'un & l'autre Droit, & Chanoine de l'Eglife Cathedrale de faint Petronne de Boulogne & imprimée en cette même ville l'an 1704.

Carlo Antonio Delfrate, Vita del Venereb. fervo di Dio Cefare Bianchetti Fondator. della Congreg. di S. Gabriele. Herman, Hift. des Ordres Religieux Tom. IV. & les Memoires de Trevoux Juillet 1709.

CHAPITRE XXI I I.

Des Freres Cordonniers & Tailleurs,avec la Vie d'HenriMichel Buch, appellé communément le bon Henri, leur Inftituteur & premier Superieur.

I

L feroit à fouhaiter que dans tous les Corps de Métiers, il y eut plufieurs Communautés pareilles à celles des Freres Cordonniers & Tailleurs,où ceux de chacun de ces Métiers qui voudroient fervir Dieu fans s'engager à la vie Religieufe,puffent fe retirer pour éviter les débauches,l'avarice& l'ambition (qui font la perte de tant de bons artifans, & y apprendre à fe fanctifier par les bons exemples que leur donne

roient leurs Confreres. Les Communautés des Freres Cordonniers & Tailleurs établies dans plufieurs villes de France, prirent naiffance à Paris par le moïen de Michel Buch Maître Cordonnier, qui en eft reconnu pour Fondateur. Ses parens étoient de pauvres artisans, & demeuroient à Erlon, ville du Duché de Luxembourg,dans le Diocêfe de Tréves. Dès fon enfance on reconnut en lui une inclination particuliere à la pieté, avec une folidité & une vivacité d'esprit fi extraordinaires, que l'on jugea que ces qualités le diftingueroient un jour du commun.

Etant un peu plus avancé en âge, il apprit le mêtier de Cordonnier, & uniffant la pieté avec le travail, il fatisfit aux devoirs de fon apprentiffage à l'égard de fon Maître, & aux obligations du Chriftianisme à l'égard de Dieu, auquel il tâchoit de fe rendre agreable, par la pratique des vertus, dont il faisoit son étude principale. Tout fon plaifir les Fê

FRIRES tes & les Dimanches étoit de vifiter les Eglifes, d'affifter au ferCORDON vice divin, & d'entendre la prédication & le Catechisme. Il TAILLE RS. aimoit la priere,s'appliquoit à la connoiffance de foi même,à

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mortifier la chair, & à la foumettre à l'efprit : de forte qu'en peu de tems il arriva à une haute perfection. Il acquit tant de réputation, qu'on lui donna le nom de bon Henri, qui lui eft toûjours demeuré,n'aïant jamais dégeneré de fa premiere ferveur.

Comme il étoit jeune, & qu'il avoit befoin de quelque exemple fur lequel il pût regler fes actions, tant à l'égard de Dieu qu'à l'égard de fon prochain, il choisit pour modele faintCrefpin & S. Crefpinien, Patrons des Cordonniers. Le premier honneur qu'il leur rendit, fut de les imiter, en détachant comme eux fon affection des biens de la terre, en re nonçant à foi même, & allant de ville en ville, afin de gagner des ames à Dieu par le moïen de fon travail, à l'exemple de ces deux grands Saints, qui étant nobles, s'abbaisserent à faire le mêtier de Cordonnier, pour convertir plus facilement les Païens à la faveur de ce mêtier, qui étant affez incompatible avec la fcience, ôtoit aux ennemis de Jefus-Chrift les foupçons de ce qu'ils entreprenoient pour la gloire de fon faint nom, qu'ils prêchoient à ceux qui les recherchoient pour leurs ouvrages. Des modeles fi accomplis de l'amour de Dieu, & de la charité du prochain, firent dans Henri tout l'effet qu'on pouvoit en attendre: car il s'appliqua avec courage à procurer les befoins fpirituels & temporels aux Garçons & Compagnons Cordonniers, dont la plûpart, quoique Chrêtiens, avoient befoin qu'on leur annonçât les verités du falut. Il les alloit chercher dans les cabarets, dans les berlans, dans les boutiques, & dans les chambres ; & s'infinuant dans leurs efprits avec douceur, il les entretenoit de faints discours, fe fervant de paroles fienflammées du feu de l'amour divin, qu'elles pénetroient dur même feu les cœurs de ceux qui l'écoutoient. S'il s'en trouvoit qui fuffent dans un mauvais état,il ne les quittoit point qu'ils ne lui euffent promis de faire une Confeffion générale;& les conduifoit au Confeffeur; il les inftruifoit, les portoit à fuir les mauvaises compagnies & les occafions du peché, à s'approcher des Sacremens, à s'appliquer à l'oraifon, & à fe rendre affidus à l'Office divin, & à la prédication les Dimanches

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Dimanches & les Fêtes,à chercher les compagnies des gens FRERES de bien, à lire les bons Livres, & principalement à ne man- CORDONquer jamais de faire à genoux quelques prieres, & à s'exa- TAILLEURS. miner soir & matin, en s'efforçant de produire des actes de contrition, d'actions de graces, & autres, leur en apprenant la maniere. Ainfi dans les païs voisins de l'Allemagne, où il étoit pour lors, & où tout étoit rempli d'Heretiques & de Catholiques groffiers, prefque abandonnés de leurs propres Pasteurs, Dieu fe fervoit d'un fimple Artifan pour les éclairer & les mettre dans la voïe du falut, pour les confoler dans leurs peines, les retirer de leurs vices, & les faire entrer dans la pratique des vertus Chrêtiennes.

Dieu avoit fi abondamment répandu dans le cœur de ce bon Artisan fon efprit & fa charité, qu'il fembloit qu'il l'eût établi dans le monde comme un pere au milieu de fa famille, pour écouter les plaintes, examiner les miferes, & foulager les peines de tous les pauvres & de tous les affligés. Il donnoit fouvent fes habits, & même jufqu'à fa chemife, pour les revêtir, & il étoit quelquefois fi mal habillé, qu'il faisoit compaffion à ceux qui le voïoient. Il retranchoit tout ce qui lui paroiffoit fuperflu; & il fe contentoit de pain & d'eau, afin d'épargner de quoi foulager fon prochain. Mais fes épargnes étant trop petites pour égaler la grandeur & l'étenduë de sa charité, quoiqu'elles fuffent affez confiderables, parce qu'il faifoit lui feul autant de befogne que deux autres; il refolut d'ajoûter la nuit au jour,afin de trouver par un travail continuel de quoi les mieux afsister ; & quand il fe voïoit hors d'état de leur rien donner, il perfuadoit à de jeunes Cordonniers fes Compagnons, de fuppléer à son impuissance.

Le zele qu'il avoit pour la gloire de Dieu & pour le falut de fon prochain, ne pouvant le borner dans les Provinces de Luxembourg & du païs Meffin, la Providence,qui le destinoit à de plus grandes chofes, le conduifit à Paris ; aïant trouvé de quoi exercer fa charité, il y continua ce qu'il avoit commencé dans le lieu de fa naiffance & dans les villes voifines, & s'y appliqua à connoître les garçons Cordonniers, pour les inftruire & les porter à la vertu. Il y avoit près de quarante cinq ans qu'il vivoit dans la baffeffe & l'obfcurité, ne fçachant ce que c'étoit de frequenter les riches & les no

Tome VIII.

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FREYES bles. Mais Dieu, pour l'execution des deffeins de fa fageffe CORDON infinie, permit qu'il eût la connoiffance de quelques perTAILLEURS. fonnes de qualité. Le Baron de Renti,qui s'eft rendu encore plus illuftre par la fainteté de fa vie que par fa nobleffe,fut le premier qui lui donna fon amitié. Ce Seigneur aïant entendu parler du bon Henri & de fa conduite, voulut le voir, & il fut fi charméde fa conversation qu'il le traita depuis cette premiere entrevue comme fon propre frere, n'aïant point plus de joïe & de confolation que lorfqu'il l'avoit pour Compagnon de fes bonnes oeuvres,nonobftant l'inégalité de leurs conditions. Elle tenoit le bon Henri dans un fi grand refpect pour ce faint Gentilhomme, qu'il ne pouvoit diffimuler la confufion où le mettoit l'honneur de cette amitié & de cette union, qui fut fi agréable à Dieu, qu'il la combla de ses benedictions.

Ces deux faints perfonnages fe regardoient reciproquement comme des inftrumens dont Dieu vouloit fe fervir pour l'execution des ouvrages de fa Toute puiffance, l'un par rapport à fes richeffes, & au credit que lui donnoient fes illuftres alliances, l'autre par rapport aux infpirations qu'il recevoit du Ciel: en forte qu'ils ne fe cachoient rien de ce ce qui fe paffoit dans leur cœur : mais principalement M. de Renty,qui trouvant dans le bon Henri un fond de lumieres pour le difcernement des chofes les plus faintes & les plus interieures, & une force capable d'encourager à l'execution les plus timides, n'avoit rien de refervé pour lui.

Il est marqué dans la Vie de M. de Renty, que ce fut lui qui touché de l'ignorance de la plupart des pauvres paffans, qui font reçus pendant trois nuits dans l'Hôpital de faint Gervais à Paris, & dont on négligeoit les befoins fpirituels, fous prétexte qu'ils y arrivent le foir & en fortent de grand matin, entreprit le premier de nourrir leur ame de la parole de Dieu, en leur faifant de petites exhortations, & en leur enseignant leur Catechifme. Cette fainte pratique fut continuée par plufieurs Ecclefiaftiques, & autres perfonnes de pieté, qui à fon exemple s'y rendoient avec exactitude;mais principalement le bon Henri, qui voïant les fruits qu'il y avoit à faire dans cet Hôpital, où venoient des enfans prodigues, des foldats, & des gens d'une vie scandaleuse, s'y trouvoit le foir à l'arrivée des pauvres, particulierement les

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