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PRETRES Enfin M. Eudes mourut à Caën, cù il fut regretté gene MISSION- ralement de tout le monde. Ce fut le dix-neuviéme Août

NAIRES,

AP LLE'S 1680. Dès qu'on en eut appris la nouvelle dans la ville, le

Eudistes.

concours du peuple à venir voir ce fidele ferviteur de Dieu fut fi grand, qu'on eut beaucoup de peine d'avoir la liberté de l'enterrer. L'empressement de tout le monde à lui rendre les derniers devoirs, les loüanges qu'on lui donnoit & qui retentissoient de toutes parts, firent assez voir que Dieu honore dans le Ciel celui à qui tant de monde rendoit par avance tant d'honneur sur la terre.

C'étoit un homme doüé de toutes les vertus chrétiennes & Ecclefiaftiques. Sa foi étoit si pure, si vive & fi ferme, qu'il demandoit souvent à Dieu la grace de la sceller de fon fang. Il avoit une telle experience de la Providence de Dieu fur lui qu'il esperoit dans les chofes mêmes où il sembloit qu'il y eût moins à esperer. Son amour pour Dieu étoit fi ardent, que fon cœur poussoit des aspirations continuelles vers le Ciel. Deux vertus qui lui furent fingulieres le faifoient aimer de Dieu & des hommes, son humilité & sa fimplicité. Tout prêchoit en lui, sa modestie dans le public, fon recuëillement à la priere & à l'Autel, lui attiroient une veneration profonde de ceux qui le voïoient. Quoiqu'il prêchât avec tant de force que les plus grands libertins se sentoient portés à quiter leurs vices par la crainte qu'il imprimoit dans leurs cœurs : néanmoins au Tribunal, il avoit beaucoup de douceur, sur tout envers ceux qu'il trouvoit disposés à profiter des grandes verités qu'il leur avoit annoncées. Il se conduifoit en cela felon l'esprit de Dieu qui sçait mortifier & vivifier à propos. Perfonne ne lui a jamais reproché une douceur mondaine & complaisante. Il conservoit en toutes occafions la fermeté Evangelique, & souvent plein de charité pour les pauvres pecheurs qui s'adressoient à lui, il fe punissoit lui même pour obtenir de Dieu les graces dont ils avoient besoin. Tous ceux qui l'ont connu ont été les témoins de fa mortification & de ses austerités : enfin comme son principal soin avoit été de former les Prêtres qui étoient de fa Compagnie, il y avoit emploïé tous les moïens que fon zele lui avoit suggerés, & il y réüffit si bien, qu'il les laissa remplis de son esprit & heritiers de ses

vertus.

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NAIRES,

Voila en peu de mots le caractere de M. Eudes Instituteur PRETRES des Prêtres qui portent fon nom & qu'on appelle communé- MISSIONment Eudiftes. M. Bloüet de Camii, Grand-Vicairede Cou- APPELLE'S tances son successeur, a fuivi son dessein & fesexemples, juf. Endistes. qu'à ce que son grand âge & fes infirmités l'obligerent à convoquer une Affemblée en l'année 1711. en laquelle fut élu en la place,un peu avant sa mort, M. de Fontaines de Neüilli Grand Vicaire de Baïeux, qui est presentement Superieur de cette Congregation.

Les Eudistes ne font aucun vœu. La charité est le seul lien qui les unit ensemble; & presque tous ceux qui sontincorporés dans la Congregation y restent toute leur vie, quoique chacun ait toûjours la liberté d'en fortir, & qu'on puifle aussi les renvoïer s'ils tomboient dans quelque deréglement. Leur habit n'est point diftingué de celui des autres Prêtres, & comme ils font membres du Clergé, ils font profession de suivre les regles qui sont prescrites par les Saints Canons. Ils ont pour maxime d'emploïer le revenu de leurs patrimoines & des Benefices qu'ils peuvent avoir en œuvres pieuses: & plusieurs ont beaucoup contribué à fonder & bâtir leurs Maisons & à y fournir les choses necessaires. Ils ont pour principe que lorsqu'ils demeurent dans la Congregation ils font obligés d'obéïr au Superieur, & ils s'acquittent de ce devoir avec la même fidelité que s'ils en avoient fait vœu. Ils enseignent ordinairement la Theologie dans chacune de leurs Maisons & la Philosophie en plusieurs; & on fait prendre à grand nombre d'entr'eux les Degrés de Docteurs & de Bacheliers. Les fins de leur Institut font de former les Clercs aux fonctions de la Clericature, & de travailler à faire des Missions dans les villes & à la campagne. Ils en font par tout où ils font appellés, & Dieu répand de si grandes benedictions sur leurs travaux qu'il est aisé de juger combien ils font agréables à sa divine Majesté.

Le Superieur de cette Congregation est chargé de mettre de tems en tems un nouveau Superieur particulier dans chaque Maison, qui soit agréé par l'Evêque Diocêsain, & ils regardent ce changement comme une Regle fondamentale de leur Societé. Ils font des Assemblées pour y traiter des moïens de perfectionner leur Institut & retrancher tous les abus qui pourroient s'y glisser.

CONGREGATION DE

BRIEL.

Monfieur Eudes avoit encore établi sa Congregation SAINT GA- Rennes avant sa mort, & depuis M. Bloüet a aussi envoïé de fes Affociés en d'autres Diocêses, & toutes ces Maisons & Communautés ont été unies & aggregées aux premieres sous le même nom & le même titre de Jefus & Marie par les Lettres d'établissemens des Evêques des lieux, les Parentes du Roi & les Arrêts d'enregistrement des Parlemens de leur reffort: enforte que toutes ces Maisons & Communautés for ment une espece de Congregation, par rapport à l'Eglife & à l'Etat. Elle a un Superieur qui la gouverne: il est élu dans une Affemblée générale à la pluralité des voix. Le Gouvernement Canonique en est fondé sur les pouvoirs accordés par chaque Evêque des Diocêses où elle est établie, qui ont été autorifés & confirmés par les Patentes du Roi. C'est pourquoi les Evêques font les Protecteurs de cette Congregation; & on s'y fait un devoir essentiel d'être entierement fous leur Jurifdiction.

L'Histoire des Ordres Religieux de M. Hermant parle des Eudistes.

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CHAPITRE XΧΙΙ.

De la Congrégation de faint Gabriel, avec la Vie du Venerable Serviteur de Dieu Cefar Bianchetti, Senateur de Boulogne, Fondateur de cette Congrégation.

L

A Congrégation de S. Gabriel reconnoît pour Fonda teur Cefar Bianchetti, issu de la Famille de ce nom,qui prétend tirer son origine de Robert Blanchet, neveu du grand Theodoric, dit le Saxon, Duc de Bourgogne, lequel étant venu s'établir à Boulogne vers l'an 804. y eut pour fils Cunibert Bianchetti, & y donna ainsi commencement à cette illuftre & ancienne Famille, de laquelle sont sortis de grands hommes, qui par leurs écrits & la force des armes, ont pris la deffence de l'Eglise Romaine. Cesar Bianchetti eut pour pere Marc Antoine Bianchetti Senateur de Boulogne & Chevalier de Calatrava, & pour mere Alessandra de Carminati d'une famille distinguée de Milan. Ces deux illuftres perfonnes vivoient dans une si parfaite union, que leur bonheus

GATION DE

heur eut été parfait sans le chagrin qu'ils avoient de voir CONGREqu'aucun de leurs enfans mâles ne pouvoit parvenir au neu- SAINT GAviéme mois, ni survivre à l'enfantement malgré toutes les BRIEL précautions humaines qu'ils prenoient pour empêcher cette difgrace. Dans cette peine ils eurent recours à l'interceffion de sainte Catherine de Boulogne, pour obtenir par fon moïen un heritier qui empêchât l'extinction d'une famille fr ancienne. Leurs prieres eurent un plus heureux succès que tous les autres moïens dont ils s'étoient fervis jusqu'alors.Car aïant été exaucées, ils eurent le 8. Mai 1585. cet enfant de bénédiction, qui fut nommé Cefar fur les Fonts de Baptême. Il fit paroître dès sa jeunesse de grandes dispositions à la pieté & aux sciences, & apprit en très peu de tems, outre la langue Latine, les langues Espagnole, Allemande & Efclavone. Le Cardinal Laurent Bianchetti son oncle, charmé du recit qu'on lui avoit fait de ses bonnes qualitez, & fur tout de sa pieté, voulut l'avoir auprés de lui, & le fit venir à Rome, où il connut par lui-même la justice qu'on avoit rendue à son neveu, ne pouvant assez admirer sa sagesse & fa conduite. Car dans un âge où on ne respire que les plaifirs, il faisoit paroître tant d'éloignement pour les divertissemens de la jeunesse, & une si grande aversion pour le jeu, qu'il fit vœu de ne jamais joüer, ce qu'il a inviolablement observé jusqu'à la fin de ses jours.

De justes raisons l'aïant obligé de retourner chez fon pere après avoir paffé quelques années dans Rome auprès du Cardinal son oncle, il lui donna en le quittant une nouvelle preuve de cet esprit de pieté & de Religion qui animoit toutes ses actions; car cette Eminencelaïant fait entrer dans une gallerie pleine de raretez & de piéces curieuses de très grand prix, le pressa avec de grandes instances de choisir ce qui lui agréoit le plus; mais le jeune Bianchetti regardant toutes ces raretez & ces bijoux comme des bagatelles, les méprisa toutes, à la reserve d'un Crucifix de simple stuc, qu'il prit, quoiqu'à regarder la matiere & le travail,il n'eût rien de confiderable. Un choix si peu attendu surprit & édifia extrémement tous ceux qui étoient présens, & le Cardinal en particulier à qui le jeune Cefar dit qu'il le vouloit garder pour l'amour de lui. 11 tint sa promesse, & le conserva toûjours précieusement, 1e s'en étant défait qu'en faveur de la ConTome VIII.

CONGRE- grégation de saint Gabriel où on le garde encore aujourd'hui SAINT GA. en memoire de cet illustre Fondateur.

GATION DE

BRIEL.

Il n'avoit pas encore vingt ans lorsque ses parens fongerent à le marier. Ce ne fut que par une soumission aveugle à leurs volontés qu'il confentit à prendre cet état tout à fait opposé à son inclination, qui l'avoit porté à recevoir la Tonsure & les quatres Mineurs après ses études, afin de se consacrer au service de Dieu dans l'Etat Ecclesiastique. Il épousa donc en 1602. Ermeline de Gambalunga d'une ancienne Famille de Rimini, dont il eut neuf enfans, trois garçons & fix filles, cinq desquelles embrasserent l'état Religieux, & la derniere fut mariée à Scipion Butrigeri, d'une Famille illustre de Boulogne. L'aîné des garçons fut le Comte Georges-Loüis, en faveur de qui son pere se demit de sa dignité de Senateur, & qui épousa Anne Marie de Lorenzo Ratta. Le second fut le Comte Julles, Colonel d'un Regiment du Pape, qui fut marié trois fois, & eut de sa derniere femme Marine Diplovatasi, le Comte Cefar Senateur de Boulogne qui vit encore, & qui a herité des biens de la maison de GambaLunga qui est éteinte. Le troisiéme nommé Jean prit le parti de l'Eglife, & fut Abbé de Monte Armato & de faint Gaudonne de Rimini, Protonotaire Apoftolique & Prélat de la sacrée Consulte.

Outre les biens de la fortune & de la naissance que ces trois enfans (dont les deux premiers eurent une nombreuse posterité) reçurent de leur pere, ils eurent l'avantage de recevoir celui d'une sainte éducation, les faisant souvent resouvenir de ce que dit saint Jerôme qu'il faut s'appliquer ici bas à des sciences qui puissent passer avec nous dans le Ciel, & ne les laissant jamais sortir de la maison sans leur dire auparavant quelque mot d'instruction qui pût leur infpirer la haine & l'éloignement du peché, ce qu'il faisoit avec tant de zele, & tant de tendresse, qu'ils en sortoient toûjours extremément touchez, & avec une resolution vive d'éviter toute occafion d'offenser Dieu.

Il y avoit dix ans qu'il étoit marié, lorsqu'il apprit la mort du Cardinal Bianchetti son oncle, que son merite encore plus que sa naissance avoit fait parvenir à cette éminente dignité, & qui se vit deux fois sur le point d'être élu Pape. Ce grand personnage avoit pris les degrès de Docteur en

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