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NAIRES

Eudiftes.

détermina au Sacerdoce, feulement, par le confeil d'un fage PRETREG Directeur : & Dieu voulant en faire un faint Prêtre, & un digne Miniftre de l'Evangile, il lui donna dans la cérémonie APPELLE'S de la tonfure, qu'il reçut alors, tout le dégoût du monde, qui difpofe à la vie Apoftolique, dont il devoit faire profeffion. Etant perfuadé qu'on ne confulte & qu'on n'écoute Dieu parfaitement que dans la retraite, il regarda la Maison des Prêtres de l'Oratoire comme un lieu propre pour Le préparer au Sacerdoce, auquel il afpiroit: néanmoins il ne voulut y entrer qu'après en avoir obtenu la permiffion de fon pere, qu'il ne lui accorda qu'au bout de trois ans, qu'il emploïa à l'étude de la Theologie Scholaftique, à laquelle il fe donna tout entier. Si l'humble Serviteur de Dieu avoit fuivi le conseil de fes amis, il auroit pris fes degrés ; mais fon pere lui aïant enfin laiffé la liberté d'executer fon deffein, il aima mieux entrer dans l'Oratoire. Ce fut le 25. Mars de l'an 1623. qu'il y fut reçu à l'âge de 23 ans. Les inftructions qu'il y reçut, & les pieux exercices aufquels il s'appliqua', augmenterent encore fon zele & fa ferveur pour fon propre falut & celui du prochain.

M.le Cardinal de Berulle remarqua en lui de grands talents pour la prédication:c'eft pourquoi il lui fit faire quelques Difcours, avant même qu'il fût dans les Ordres facrés:en quoi il réüffit fi avantageufement au goût de ce digne Superieur, que pour en tirer tout le fruit qu'on en devoit attendre,aïant deffein de l'engager au miniftere de la parole, il lui fit recevoir les faints Ordres ; & enfin le Pere Eudes célébra sa premiere Meffe le jour de Noël de l'année 1626.

Dès qu'il fut revêtu du caractere augufte du Sacerdoce, il n'épargna rien pour s'acquitter dignement du miniftere de la prédication ; mais Dieu arrêta pendant quelque tems les effets de fon zele, en lui envoïant une maladie qui dura deux ans entiers, & qui lui interdit l'exercice de ce miniftere pendant ce tems là,qui ne laiffa pas de lui être utile pour l'étude de l'Ecriture- Sainte,dont il faisoit le fujet de fes meditations, & dans laquelle il trouva des fources inépuifables de fcience & de fainteté:

Il ne fut pas plûtôt rétabli de cette maladie, qu'il commença fes travaux Apoftoliques par une action heroïque de charité : car étant touché des ravages que la pefte faifoit

Tome VIII.

X

NAIRES,

APPELLE'S

Eudiftes.

ces

PRETRES dans le Diocêfe de Sées, plein de confiance en Dieu, il y MISSION- courut avec la permiffion de fes Superieurs, afin de fecourir pauvres affligés, d'autant plus à plaindre, qu'ils étoient abandonnés de leurs propres Pasteurs. Quand il y fut arrivé, il se retira chez un bon Prêtre, qui voulut être le Compagnon de les peines & de fes fatigues, lefquelles étoient très grandes & très dangereufes pour leurs propres perfonnes, puifque durant quatre mois que dura la pefte, après avoir célébré la fainte Meffe de grand matin, & confacré plufieurs hofties qu'ils portoient dans une boëte d'argent, ils alloient de maison en maison pour inftruire, exhorter, confeffer, donner le faint Viatique, & adminiftrer l'Extrême- Onction à ceux que la contagion avoit fait abandonner par les perfonnes mêmes aufquelles ils devoient être les plus chers. Les plus infectés étoient ceux que le P. Eudes recherchoit avec plus d'empreffement, & foulageoit avec plus de tendreffe.

La pefte aïant ceffé au Diocèle de Sées, il retourna à Paris, d'où il fut envoïé à Caën. Il y trouva encore une autre occafion de s'immoler pour fes freres: car le Superieur de la Maison de l'Oratoire de cette ville aïant été frappé de pefte, avec deux autres Prêtres de la même Maison, il les affifta tous trois jufqu'au dernier foupir ; mais avec tant de charité, que fes vertus jointes aux autres talents dont il étoit doüé, ne permirent pas qu'on jettât la vûë fur d'autre que fur lui pour remplir la place de ce Superieur. Ce fut alors que fe voïant chargé de ce nouvel Emploi, il redoubla fon zele pour s'en acquitter dignement, & s'appliquant à la prédication,non par le defir de plaire,mais de convertir les pecheurs; il fe mit peu en peine de flater les oreilles, pourvû qu'il touchât leurs cœurs. Il reprenoit hardiment le vice, & perfuadoit la vertu avec tant de force & d'onction, que fa réputation fe répandit dans les plus grandes villes du Roïaume, & même jufqu'à la Cour, où la Reine Regente Anne d'Autriche, Mere de Louis XIV. l'entendit plufieurs fois avec beaucoup de fatisfaction; mais il n'étoit jamais plus content que quand il annonçoit la parole de Dieu aux pauvres & aux gens de la campagne, comme il arriva en plufieurs Miffions qu'il fit, étant encore dans la Congregation de l'Oratoire. Dieu répandit de fi grandes benedictions fur celles qu'il entreprit, que les plus grands pecheurs touchés par la force

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de fes difcours fe convertiffoient, & entreprenoient les plus PRETRES aufteres pratiques de la penitence. De fi heureux fuccès at- NAIRES, tiroient un fi grand nombre de perfonnes à l'entendre, que APP LLE'S dans une Million qu'il fit dans l'Eglife de l'Abbaïe de faint Eudies, Etienne de Caën,elle fe trouva trop petite pour contenir l'affluence extraordinaire du peuple qui y accouroit de toutes parts, quoique ce Temple foit un des plus grands vaiffeaux

du Roïaume.

Ce fut alors que le Pere Eudes connut dans les Missions le grand befoin qu'on avoit de bons Pasteurs & de Prêtres zelés pour en conferver les fruits, & foutenir les peuples dans les bons fentimens qu'ils y avoient conçus. Dans cette vûë il medita l'établiffement des Seminaires pour en former; mais comme il fe défioit de fes propres lumieres, il ne crut pas devoir fe déterminer de foi même à une telle entreprise. 11 en confulta donc les perfonnes les plus diftinguées par leur science & leur pieté, qui approuverent le projet qu'il en avoit fait, & crurent qu'il devoit fe priver des douceurs qu'on trouve dans des Communautés formées, pour le livrer avec confiance à toutes les peines qui font inféparables des nouveaux établiffemens. Le Pere Eudes qui n'envisageoit que la gloire de Dicu, défera donc à leurs fentimens.

Après être forti de l'Oratoire, il travailla à l'érection d'un Seminaire dans la ville de Caën: les premieres Lettres Patentes aïant été obtenuës du Roi le 26. Mars de l'année 1643. & s'étant affocié huit Prêtres, tous remplis de l'efprit Ecclefiaftique, il jetta les fondemens de la premiere Maifon de fa Compagnie. Un de fes affociés fut M. Bloüet de Than, connu par fa grande pieté, & par le rang que fa Famille occupe dans la ville, & qui fut le Fondateur de cette Maison. Ce ne fut pas fans beaucoup de contradictions que fe fit cet établiffement; mais M. Eudes & fes affociés les furmonterent par le filence, la douceur & la patience. Flufieurs Evêques inftruits des grands fruits que faifoient ces hommes de Dieu dans le Seminaire de Caën,en voulurent avoir chacun dans leur Diocêfe; & leur Compagnic augmentant tous les jours en fujets diftingués par leur verru & leur merite, Monfieur Eudes en envoïa à Coutances, à Lifieux,à Roüen, & à Evreux ; & les Communautés qu'on érigea dans ces quatre villes,avec celle de Caën, pour élever les jeunes Clercs,

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PRITRES & faireaux peuples des Miffions, furent autorisées fous le nom MISSION- &le titre de JESUS & MARIE,par les Lettres des Prélats,les APPELLS Patentes du Roi, & les Arrêts d'enregistrement du ParleEndiftes. ment, pour être unies & aggregées ensemble, ne faire qu'un même Corps, & une même Congregation, qui étoit gouvernée par M. Eudes.

On vit en peu de tems un fi grand changement dans le Clergé de Normandie,que plufieurs Prélats l'aïant fait connoître à l'Assemblée générale du Clergé tenue en l'année 1646. elle approuva le zele de M. Eudes, l'exhorta à continuer fes travaux Apoftoliques,&à fe tenir prêt d'aller dans les autres Diocê fes,ou il pourroit être appelle parles Evêques. Quoique ce zelé Inftituteur & fes affociés s'emploïaffent avec beaucoup de ferveur à l'éducation des Clercs,ils ne négligeoient pas pour cela l'autre fin de leur Inftitut, qui eft de faire des Miffions. L'on en compte jufqu'à cent dix, où M. Eudes a travaillé lui-même, fans parler de plufieurs autres qu'on fit fous fes ordres dans les principales villes du Roïaume. Cet abregé ne permet pas d'en faire le détail, ni de rapporter le nombre infini de converfions, de reftitutions & de reconciliations que ces Miffions produifirent, principalement à Paris, où ce grand Serviteur de Dieu fit en differens tems des Miffions à faint Sulpice, aux Quinzê-vingts,à faint Germain des Prez,à Versailles & à faint Germain en Laye. Souvent ces heureux fuccès furent traversés par des contradictions; mais c'étoit pour lors que le zele & le courage de ces dignes Ouvriers s'augmentoit & s'affermiffoit davantage, n'efperant jamais plus de fruit d'une Miffion, d'une retraite, d'un Avent ou d'un Carême, que quand Dieu permettoit qu'ils fuffent rebutés.

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Monfieur Eudes croïant devoir laiffer par écrit ce que lui & fes Compagnons avoient long-tems pratiqué dans les Misfions,compofa deux Livres ; l'un, auquel il a donné le nom de Bon Confeffeur, inftruit les Miffionnaires de tout ce qui concerne le Miniftere de la Confeffion; l'autre qui eft intitulé le Prédicateur Apoftolique, marque à tous ceux qui ont l'honneur d'annoncer la parole de Dieu, les regles & les moïens de le faire utilement pour le prochain, & d'éviter ce qui faifoit le fujet de la crainte de faint Paul, c'est-à-dire, qu'après avoir précké les autres, ils ne foient eux-mêmes ré

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prouvés. Ces deux Livres font très utiles pour former des PRITRES Confeffeurs fideles, exacts & prudents, & des Prédicateurs NAIRES, Evangeliques qui doivent autant inftruire d'exemple que APPFILE'S Eudiftes. de paroles; mais principalement le premier,qui a été fi univerfellement eftimé, qu'avant la mort de fon Auteur, on en avoit fait plus de neuf éditions, & qu'un des plus illuftres Archevêques de France en ordonna la lecture à tous les Prêtres de fon Diocêse par un Statut particulier. On paffe sous filence plufieurs autres Livres que le même Auteur à compofés pour apprendre au peuple à bien prier, à s'approcher des Sacremens &c. & ceux qu'il a fait en l'honneur du cœur de Jefus & de celui de Marie, aufquels il avoit une finguliere devotion, qu'il a fi vivement exprimée dans les Offices qu'il a compofés & qu'on chante le jour de leurs Fêtes, dont il a obtenu l'établissement dans quelques Diocê fes.

Non content d'édifier l'Eglife & les Fideles en toutes ces manieres M. Eudes entreprit encore un établissement dont le fuccès fut une preuve d'une charité fans bornes & d'un zele qui l'avoit rendu capable de pourfuivre les plus hautes entreprises. C'est l'Ordre des Filles de Nôtre-Dame de Charité, qu'il commença en l'an 1645. & qui fut approuvé du faint Siége l'année 1666. nous en avons parlé dans la troifiéme Partie de cette Hiftoire. Après ce grand ouvrage ce digne Fondateur n'attendoit plus que la mort précieufe qui devoit terminer le cours de fa vie, comme il le dit lui même dans un Sermon qu'il fit à fes Religieufes. Il étoit pour lors âgé de 79. neuf ans & ufé de travaux, aïant été obligé de fe fervir d'une voiture incommode dans un voïage, & en aïant été bleffé dangereusement, les remedes qu'il fit ne fervirent qu'à aigrir fon mal en fotte que fa mort en fut accelerée. Îl vêcut néanmoins encore cinq à fix mois dans des douleurs aigues & continuelles, qu'il fupporta avec une patience admirable, en ranimant sa foi, fa constance, son esperance & fon amour pour Dieu. Il avoit eu la prévoïance de convoquer une Affemblée dans laquelle on établit en fa place au gouvernement de fa Congregation, M. Bloüet de Camilly recommandable à tout le monde par fa douceur, & cher aux fiens par le grand amour qu'il a toûjours eu pour eux, &par les fervices qu'il a rendus à fa Congregation. Il étoit oncle de M. de Camilli Evêque de Toul.

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