Page images
PDF
EPUB

PRETRES jeunes gens de leurs déréglemens, & les porter enfuite à la

DE L'ORA

pieté.

TOIRE DE
S PHILI-
PES DE NI-
RY,

[ocr errors]

De fi heureux commencemens l'encourageant à travailler
au falut du prochain, il prit la refolution de fonder avec
Perfiano Rofa fon Confeffeur la célébre Confrairie de la
sainte Trinité. Elle fut d'abord établie dans l'Eglife de faint
Sauveur in Campo l'an 1548. Les premiers qui furentagre-
gés à cette Confrairie, n'étoient que de pauvres gens au
nombre de quinze, qui s'affembloient dans cette Eglife tous
les premiers Dimanches de chaque mois, pour y pratiquer
les exercices de pieté, qui leur étoient prefcrits par le faint
Fondateur, & y entendre les exhortations qu'il leur faisoit
pour les exciter à l'acquifition des vertus & à la fuite des vi-
ces:ce qu'il faifoit avec tant de force & de zele,qu'il s'y trou-
voit affiduement un grand nombre de perfonnes, & même
de distinction, dont plufieurs s'eftimerent fort honorées
d'entrer dans une fi fainte focieté ce qui lui procura le
moïen d'executer le deffein qu'il avoit conçu
d'établir un
Hôpital pour les pauvres Pélerins, qui venant à Rome pour
vifiter les tombeaux des Apôtres faint Pierre & faint Paul
& les autres anciens monumens de la pieté des premiers Chrê-
tiens, étoient obligés de coucher dans les rues & fur les
portes des Eglifes, faute d'avoir un lieu où ils puffent fe
retirer: car le Saint touché de compaffion pour ces pauvres
miferables, engagea les Confreres de la Trinité à leur don-
ner l'hofpitalité, ce qu'ils firent volontiers aïant loüé pour
cet effet une maifon où ils étoient logés, & pourvus de tous
leurs befoins pendant trois jours, ce qu'ils continuerent l'ef-
pace de huit ans, jufqu'à ce qu'enfin Paul IV. édifié d'une
charité fi exemplaire donna à cette Confrairie en 1558. 'E-
glife Paroiffiale de faint Benoît, préfentement appellée la
fainte Trinité, auprès de laquelle on a bâti un Hôpital fi
confiderable que pendant l'année Sainte ou du grand Jubilé
de 1600. on y reçut quatre cens quarante quatre mille cinq
cens hommes, & vingt-cinq mille cinq cens femmes, qui y
furent défraïés pendant trois jours, felon la coûtume de cet
Hôpital.Quoique le nombre des Pelerins n'ait pas été fi grand
dans l'année fainte 1700. il a néanmoins été encore fort con-
fiderable, puifqu'on y en a reçu deux cens foixante dix naille:
cent cinquante cinq de l'un & de l'autre fexe,& quatre vint-

[ocr errors]
[ocr errors]

DE L'URA-
TOIRE DE

PFS DINE-
RY.

cinq mille quatre cent quatre-vingt quatre convalefcens,cut PRETRES
Hôpital étant auffi deftiné pour recevoir les convalefcens.
Saint Philippes de Neri s'exerça long-tems dans ces actes S. PHILI
de charité, fans vouloir fortir de l'état de Laïque: mais fon
Confeffeur perfuadé qu'il deviendroit encore plus utile au
public s'il entroit dans les Ordres facrés, l'obligea à les re-
cevoir:c'eft pourquoi l'an 1551. au mois de Mars, notre Saint
prit la tonfure, les quatre Ordres Mineurs & le Soudiaco-
nat, étant âgé de trente fix ans. Il reçut le Diaconat le Sa-
medi Saint fuivant, qui étoit le 29. du même mois, & enfin
la Prêtrise le 23. Mai de la même année. Peu de tems après
il alla demeurer à l'Eglife de faint Jerôme de la Charité dans
le deffein d'y paffer le refte de fes jours. Il y avoit déja quel-
ques autres Prêtres qui y demeuroient; fçavoir Perfiano Rofa
fon Confeffeur, Bon-Signore Caccia-Guerra, noble Flo-
rentin, François d'Arezzo, & un Espagnol nommé aussi
François ; qui, quoy qu'ils demeuraffent enfemble, vivoient
chacun à leur maniere & féparément. Sitôt que nôtre Saint
fe fut confacré au fervice de cette Eglife, il ne tarda guere
à y donner de nouvelles marques de fon amour & de fa cha-
rité pour le prochain: car il s'y emploïa à entendre les con-
feffions avec une affiduité proportionée au defir qu'il avoit
d'attirer les ames & les gagner à Jefus Chrift, en leur ins-
pirant l'amour de la vertu & l'horreur du peché. Non con-
tent d'exercer ce faint miniftere dans l'Eglife, il ouvrit sa
chambre fans diftinction d'états ni de conditions à tous ceux
qui voulurent fe mettre fous fa conduite, & commença fes
Conferences fpirituelles avec un fuccès incroïable. Il n'y
eut d'abord que fix ou fept perfonnes qui fe trouverent à
ces Conferences, qui furent Simon Garzini & Montizaz-
zera tous deux Florentins, Michel del Prato, deux Orfe-
vres & un domeftique de la Maison de Maffimi. Mais le
nombre de fes Auditeurs augmenta dans la fuite entre lef-
quels fe trouverent des perfonnes diftinguées par leur naif-
fance & par leur fcience; comme Jean-Baptifte Salviati fre-
re du Cardinal de ce nom, Coufin de Catherine de Medi-
cis Reine de France; François-Marie Tarugi qui fut en-
fuite Cardinal; Conftance Taffovi, Neveu du Cardinal
Bertrand appellé le Cardinal Defano; Jean-Baptiste Mo-
dio celebre Medecin, Antoine Succi & plufieurs autres.

DE L'ORA

PES DE NE

RY.

PRETRES Les grands fruits qu'il faifoit dans ces Conferences, ani TOIRE DE mant fon courage & excitant en lui de plus en plus le feu de S. PHILIP la charité, dont fon cœur étoit embralé, il lui vint en penfée d'aller dans les Indes avec Tarruggi, Modio, Succi,& quelques autres pour y porter la lumiere de l'Evangile aux Idolatres & aux Infideles; Mais le Prieur du Monaftere des trois Fontaines de l'Ordre de Cifteaux qu'il confulta, lui aïant fait connoître que Dieu l'avoit appellé à Rome & non pas aux Indes, & aïant été averti par une vifion qu'il eut, que ce confeil venoit du Ciel, qui se servoit de la bouche de ce faint Religieux pour lui déclarer fa volonté. 11 fe détermina à rester à Rome & d'y continuer fes Conferences dans fa chambre, qui fe trouvant trop petite pour contenir toute l'affemblée, il obtint des Députés ou Administrateurs de l'Eglife de faint Jerôme un lieu ample & fpacieux au deffus de leur Eglife; quiaïant été jufqu'alors inutile, fut accommodé en forme d'Oratoire, où les exercices furent transferés l'an 1558. que le nombre des Affiftans augmentant de jour en jour, le faint Fondateur s'affocia pour faire les Con-ferences Taruggi & Modio qui n'étoient encore que laï ques, aufquels il joignit quelque tems après Succio & Baronius Auteur celebre des Annales Ecclefiaftiques. Outre les Conferences & les autres exercices qui fe pratiquoient dans cet Oratoire, il ordonna qu'il feroit ouvert tous les soirs à fix heures en êté, & à cinq en hiver: que le Dimanche, le Mardi, le Jeudi & le Samedi, l'on feroit une demiheure d'oraifon mentale, après laquelle on reciteroit les Litanics de la fainte Vierge ; & que les autres jours de la femaine l'on prendroit la difcipline. Quelque tems après il changea la premiere methode qu'il avoit tenue. En attendant que les Confreres fuffent affemblés, il faifoit faire une lecture fpirituelle par quelques-uns de ceux qui étoient arrivés des premiers. Celui qui préfidoit interrogeoit enfuite deux ou trois des Affiftans fur la lecture qui avoit été faite. Après qu'ils avoient répondu, il faifoit une recapitulation de tout ce qui avoit été dit, & concluoit toûjours par quelques reflexions, qui portoient les auditeurs à l'amour de Dicu, au mépris du monde & à la pratique des vertus. Op s'inftruifoit auffi de l'Hiftoire Ecclefiaftique, & l'affemblée fe terminoit par des prieres & des hymnes qu'on chantoit à ia

TOIRE DES.

DNERI

la gloire de Dieu. Le faint Fondateur alloit enfuite vifiter PRETRES plufieurs Eglifes où il étoit fuivi par un grand nombre de DE L'ORAles difciples,qui y affiftoient aux Offices tant de nuit que de PHILIPPE jour, avec une pieté & une devotion,qui les rendoit la bonne odeur de Jesus Christ. Il y en avoit trente ou quarante qu'il avoit choifis entre tous les autres, & qu'il diftribua en trois bandes pour aller aux Hôpitaux de la ville affister les malades: & certains jours de l'année, principalement pendant les jours de Carnaval, il affembloit le plus de monde qu'il pouvoit pour aller vifiter les fept Eglifes, afin que ne pouvant arracher au demon toutes les conquêtes qu'il fait dans ces tems de folies & de libertinage, il en diminuât au moins le nombre en attirant à ces pratiques de devotion des gens qui peut-être fans cela n'auroient pas évité les pieges de cer efprit tentateur. Cette devotion fe pratique encore tous les ans à Rome le jour du Jeudi gras, & on y obferve le même ordre que le Saint y avoit établi. Il s'y trouve quelquefois jufques à quatre ou cinq mille perfonnes, aufquelles on donne à manger, mais avec la même frugalité dont usoit le faint Fondateur à l'égard de ceux qui l'accompagnoient dans ce faint pelerinage; car on ne leur donne à chacun qu'un pain, une tranche ou deux de fauffifon, qu'on appelle en Italien mortatella, un œuf, un morceau de fromage, & environ une chopine de vin. Ce qui se fait dans une vigne, c'est à-dire dans un grand jardin, où l'on trouve tout difpofé en forte que lorfqu'on arrive , on n'a qu'à s'affeoir fur l'herbe chacun dans fon canton, car chaque état & condition a le fien, qui eft feparé des autres par de petites barieres faites exprès, en forte que les Religieux, de quelque Ordre qu'ils foient, ont le leur, qui eft le plus proche de celui des Ĉardinaux, enfuite celui des Seculiers, & ainfi des autres. Pendant ce repas, qui dure environ une demi-heure, on donne à toute l'Affemblée le plaifir de la mufique, qui eft placée au milieu de toutes les baricades > en forte qu'on entend les voix de tous côtés, enfuite dequoi un enfant de huit à dix ans fait un petit difcours fur le sujet 'de cette devotion, après lequel tout le monde fe leve pour continuer ce Pelerinage qui ne finit que fur les quatre ou cinq heures du foir.

Un fi faint exercice ne put être à l'abri de la médisance

Tome VIII.

C

[ocr errors]

DE L'ORA

DE NERI,

PRETRES & de la calomnie. Il s'éleva de faux bruits dans la ville conTOIRE DE tre le Saint. On accufa ceux qui le fuivoient dans la vifite S. PHILIPPE des fept Eglifes, de n'y aller que pour contenter leur gourmandife, & vivre graffement des mets exquis qu'on leur donnoit en abondance: on en murmuroit hautement, & les plaintes en furent portées au Vicaire du Pape. Philippe fut déferé à fon Tribunal, comme un homme ambitieux, qui introduifoit des nouveautés, & tenoit des Affemblées dangereufes contre la foi. Ce Prélat prévenu contre lui, le fit venir en fa présence; & après l'avoir traité fort rudement, il lui interdit le Confeffional,lui défendit de prêcher fans permiffion, & le menaça de le mettre en prifon s'il menoit davantage des Compagnons avec lui, & s'il tenoit avec eux des Affemblées. Le Saint qui n'avoit rien à fe reprocher fur les accufations qu'on avoit faites contre lui,répondit en veritable enfant de l'Eglife, c'est à-dire, avec beaucoup d'humilité & de foûmiffion, à celui qui tenoit la place du Vicaire de Jefus-Christ, qu'aïant commencé cet Ouvrage par obéïffance, il le quitteroit de même ; mais qu'il n'avoit eu d'autre intention que celle de travailler pour la gloire de Dieu & le falut des ames. Le Prélat qui devoit être édifié d'une fi grande foûmiffion à fes ordres,n'en conçut au contraire que du mépris pour lui & le chaffa de fa préfence : ce qui fut pour nôtre Saint un contre-tems qui perfuada à plufieurs perfonnes, & même à des Ecclefiatiques qui demeuroient avec lui, qu'il n'étoit qu'un ambitieux, & dès ce tems-là il les eut pour adverfaires ; mais Dieu qui humilie quelquefois fes Saints pour faire paroître leur gloire avec plus d'éclat, ne laiffa pas long-tems fon Serviteur dans cette épreuve: car aïant fait connoître fa fainteté, on lui permit de continuer fes exercices : ce qui non feulement augmenta beaucoup le nombre de ses Difciples, mais le remit dans un fi haut degré de réputation, que les Florentins qui étoient habitués à Rome, aïant fait bâtir une Eglife dans cette ville, fous le titre de faint Jean- Baptiste l'an 1564. pour ceux de leur nation, le prierent de la vouloir bien deffervir. Le Saint fit difficulté d'accepter cet Emploi: ce qui obligea les Florentins d'avoir recours à l'autorité du Pape Pie IV. qui aïant ordonné à Philippe de fe charger de cette Eglife, il fit prendre les Ordres facrés à quelques uns de fes Difciples,

« PreviousContinue »