Après que ces bonnes filles eurent ainsi renouvellé leur LA PROVI- union, Dieu benit si promptement & si sensiblement cette FILLES DE DENCE DE DIEU. nouvelle Societé, que Madame Polaillon se trouva bien tôt à la tête d'un grand nombre de Sœurs, 'toutes très capables d'établir & de conduire des Communautés. L'Archevêque de Paris fatisfait & édifié de cette Societé naissante, par les témoignages avantageux qu'une infinité de personnes de merite lui en rendoient, après avoir confirmé tout ce qui s'étoit fait dans ces commencemens, se declara le Protecteur de cette Maison; & pour marquer l'estime qu'il faisoit de cet Institut, il voulut en avoir plusieurs Communautés à Paris, dont les premieres furent celle de saint Loüis dans l'ifle Nôtre-Dame, & l'Hospice de la Paroisse de saint Germain de l'Auxerois, qui furent suivies peu de tems après par celles du fauxbourg saint Germain, & de la Ville-Neuve. Plusieurs Prélats, à l'exemple de l'Archevêque de Paris, defirant avoir dans leurs Diocêses quelques-unes de ces vertueuses filles, pour y établir des Couvens du même Institut, les villes de Mets & de Sedan furent les premieres où elles allerent faire des établissemens ; dans lesquels outre les instructions qu'elles donnoient à la Jeunesse, elles s'emploïerent avec beaucoup de zele à la conversion des personnes de leur sexe, engagées dans le Judaïsme, dont le nombre est fort grand dans la premiere de ces villes, & à faire rentrer dans le sein de l'Eglise celles que l'Hérésie en avoit separées, qui étoient de même en grand nombre dans la seconde.Madame Polaillon établit aussi les Nouvelles Catholiques à Paris. Elle avoit fait le projet de l'établissement d'un Seminaire de failles & de veuves vertueuses, pour donner dans toutes les Provinces, & même dans les païs étrangers, s'il se pouvoit, des Sujets capables de contribuer à la conversion & à l'instruction des filles & femmes nouvellement converties; mais cette pieuse Institutrice n'eut pas la satisfaction de voir l'execution de son dessein, qui, comme nous le dirons dans le Chapitre suivant, ne réüssit qu'après sa mort qui arriva en 1657. Les filles, qui après deux ans d'épreuve, sont aggregées dans la Communauté de la Maison de la Providence à Paris, font à l'âge de vingt ans des vœux simples de chasteté, d'obéissance, de servir le prochain, selon les Constitutions de DENCE DE Institut, & enfin de stabilité perpetuelle dans la Maison ; FILLES DE dans laquelle on reçoit aussi, moïennant une penfion raifon- LA PROVInable, les filles vertueuses, qui sans engagement à la Com- DIEU. munauté, veulent passfer tranquillement leurs jours dans ce Seminaire de vertus, où l'on n'admet jamais aucune fille qui ait fait faute contre son honneur. A l'égard de celles qui y sont reçuës pour y être instruites, elles ne doivent pas avoir plus de dix ans, doivent être tellement pauvres, qu'elles foient destituées de tout secours humain. Comme cette Maison a été établie par les liberalités de plusieurs Dames, dont la Providence divine s'est servi pour cela, il étoit bien juste qu'elles eussent quelque part dans le gouvernement de cette Communauté : c'est pourquoi outre la Superieure, qui est éluë tous les trois ans, & le Superieur désigné par l'Archevêque de Paris, il y a encore deux Dames de pieté & de vertu, qui font presentées par le Superieur & la Communauté à l'Archevêque, pour être admises en qualité de Bienfaictrices & Administratrices de cet Hôpital de la Providence. Ces Dames doivent se trouver aux Assemblées avec le Superieur, la Superieure, & les Conseilleres ou Assistantes, pour les affaires importantes, & aux Assemblées de toutes les Sœurs Vocales, lorsqu'on en convoque pour les affaires de la Maison; comme pour la reception des filles de la Communauté, ou l'élection des Officieres, sans néanmoins y avoir voix ; & elles examinent tous les trois mois les comptes de la Depositaire; & les arrêtent à la fin de chaque année. Outre les Sœurs du Seminaire, il y a encore des Sœurs Données, destinées pour les gros ouvrages de la Maison. Celles du Seminaire sons habillées de noir & leur habit est fait comme celui des Seculieres: les Sœurs Données sont habillées de gris. Leurs Constitutions furent d'abord imprimées à Paris l'an 1657 & M. de Noailles Archevêque de Paris, ensuite Cardinal, leur donna d'autres Reglemens, en explication des premieres Constitutions, qui ont été aussi imprimées à Paris l'an 1700. & qu'on peut confulter. TOILES DE I'UNION CHRETIEN RE. СНАРІTRE HAPITRE X X. Des Filles & Veuves des Seminaires de l'Union Chrêtienne, avec la Vie de M. le Vachet Prêtre, leuw Instituteur. N Ous avons vu dans le Chapitre précedent que Madame de Polaillon non contente d'avoir fondé la Communauté des Filles de la Providence de Dieu, & d'avoir donné naissance à plusieurs autres Communautés, tant dans Paris qu'en differentes Provinces, avoit aussi voulu former un Seminaire de veuves & de filles vertueuses, pour donner dans toutes les Provinces du Roïaume, & même dans les païs étrangers, des Sujets capables de contribuer à leur conversion & à l'instruction des personnes de leur sexe nouvellement converties, mais que la mort l'avoit empêché d'executer ce projet. La gloire de cet établissement étoit refervée à M. Vachet, qui avoit beaucoup assisté de ses conseils Madame de Polaillon dans ceux qu'elle avoit entrepris. Il vint au monde au commencement du dernier fiécle, dans la ville de Romans en Dauphiné, & reçut au Batême le nom de JeanAntoine. Son pere Gabriel Vachet, & fa mere Alix Cot, alliés aux Familles les plus confiderables de la Province,n'épargnerent rien pour son éducation;& dès ses premieres années on remarqua en lui de fi fortes inclinations pour le bien, qu'on ne douta point qu'il ne fit de grands progrès dans la vertu. Il fut envoïé à Grenoble pour y étudier chez les Peres Jefuites; & après y avoir achevé sa Philofophie,il eut dessein de se retirer dans quelque solitude; mais aïant confulté plusieurs Religieux, ils l'en détournerent, l'assurant que Dieu le destinoit pour un autre état. Un oncle qu'il avoit à Grenoble le regardant comme son heritier, parce qu'il n'avoit point d'enfans, voulut lui donner une Charge de Conseiller; mais ne se sentant point d'attrait ni aucune disposition à suivre le Barreau, il le pria de le difpenfer de cet Emploi; & craignant de ne pouvoir resister aux pressanves sollicitations qu'il lui pourroit faire dans la suite, il prie le parti de retourner à Romans, où ses parens le demandoient. CHRETIEN Monfieur Vachet ne fut pas plûtôt de retour à la maison FILLES DE de son pere, que la mort lui aïant enlevé une sœur, qui le UNION laissa seul heritier de tous les biens de sa Famille, ses parens NE. voulurent l'engager dans le mariage, & lui proposerent un parti avantageux. D'un côté la soumission qu'il avoit à leurs volontés le portoit à les suivre aveuglément; & de l'autre il appréhendoit de déplaire à Dieu, en s'engageant dans un état où il ne se sentoit point appellé. Cela lui donna des inquiétudes qui le réduisirent dans une langueur dont on craignoit les suites ; mais aïant confulté le Seigneur sur le choix qu'il devoit faire, il se sentit si fortement inspiré de se consacrer à son service, que renonçant à toutes les vanités du monde, il laissa la pompe & l'appareil de ses nôces, abandonnant ses parens, ses biens & son païs, comme autant d'obstacles au sacrifice qu'il vouloit faire à Dieu de son cœur & de sa volonté. A peine fut il forti de la maison de son pere, qu'il donna son habit à un pauvre qu'il rencontra dans son chemin; & s'étant revêtu de la dépoüille, il s'embarqua pour Avignon, où étant arrivé, il se vit reduit à mandier fon pain. Il alla ensuite à Nôtre Dame de Laurette, où les vieux haillons dont il étoit couvert le firent d'abord traiter fort indignement; mais on reconnut dans la suite quelque chose de si extraordinaire en lui, qu'on lui fit une glorieuse reparation du mépris qu'on avoit eu pour sa personne. Ce fut dans cette fainte Chapelle, que prévenu des benedi&ions du Ciel, il se consacra au service de Dieu par les trois vœux qu'il fir, de chasteté, de pauvreté & d'obéissance. Etant de retour en France, il acheva ses études à Dijon, où il vivoit d'aumônes, & pratiquoit des mortifications si extraordinaires, que peu s'en fallut qu'il n'y succombât. Sa mere étant devenuë veuve, & aïant sçu comme par miracle le lieu où il étoit,lui écrivit de la venir trouver pour être sa consolation dans sa viduité. Ce fut pour lui un nouveau sujet d'inquiétude, par la crainte qu'il avoit de se laisser vaincre à la tendresse d'une mere dont il n'avoit que sujet de se loüer. Mais par une admirable disposition de la divine Providence, qui avoit ses desseins, la chose réüssit tout autrement. Car au lieu d'être obligé de reprendre les maximes du monde, ce qu'il craignoit, il eut au contraire le bonheur de perfuader à sa mere de se faire Religieuse. Elle le fit avec beaucoup de courage, FILLES DE S'enfermant chez les Filles de la Présentation de Nôtre Dame CHRETIEN à l'âge de 55. ans. L'UN ON Nc. Monfieur Vachet se voïant pour lors libre & maître de ses biens, les vendit & en donna l'argent aux pauvres, ne se reservant que ce qu'il lui falloit pour se faire un titre dans le dessein qu'il avoit d'entrer dans le Sacerdoce. Il quitta son païs & vint à Paris, où s'étant fait Prêtre il travailla avec un zele infatigable & une charité ardente au salut des ames, dans les Missions, où il s'emploïa pendant vingt-cinq ans. Sa plus grande occupation étoit d'instruire les pauvres dans les Hôpitaux, & de diriger plusieurs Communautés celebres, & tout cela avec un si grand desinteressement que fi on le forçoit quelquefois à recevoir quelque récompense, c'étoit toûjours pour en faire des aumônes aux pauvres, & aux prisonniers qu'il alloit souvent visiter, tâchant de les gagner à Dieu par ces secours & de les engager à faire des Confeffions generales. Enfin il n'y eut point de faintes entreprises de fon tems ausquelles il n'eût quelque part. Il a vû naître - & former les Communautés Seculieres dont nous avons parlé dans les Chapitres précedents & a beaucoup contribué à leur établissement par ses soins & par ses conseils. Mais ce qui lui est le plus glorieux, c'est d'avoir été l'Instituteur du Seminaire des filles & veuves de l'Union Chrétienne, que Madame Polaillon avoit projetté comme nous l'avons dit. L'estime que la Sœur Renée des Bordes s'étoit aquise dans l'établissement des Filles de la Propagation de la foi à Metz, aïant engagé ce saint Ecclesiastique à choisir cette servante de Jesus-Christ pour jetter les fondemens du Seminaire de l'Union Chrétienne, il la fit revenir à Paris & la joignit à la Sœur Anne de Croze jeune Demoiselle, qui pour vaquer plus librement aux exercices de pieté s'étoit retirée au village de Charonne près Paris dans une maison qui lui appartenoit, où la premiere Communauté de l'Union Chrétienne fut commencée en 1661. par deux des sept premieres filles qui s'étoient jointes à Madame Polaillon, dont l'une étoit la Sœur des Bordes; lesquelles fous la conduite de M. Vachet & aidées de la Sœur de Croze qui leur donna sa maison, furent en peu de tems suivies de plusieurs filles de pieté qui se presenterent pour embrasser le même Institut. Elles firent leur Noviciat avectant de regularité & de fes |