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SEMINAI

SULPICE.

Le fauxbourg faint Germain où eft fituée la Paroiffe de RES DE S faint Sulpice l'une des plus grandes & des plus confiderables de Paris, fervoit pour lors de retraite à tous les libertins & à tous ceux qui vivoient dans l'impureté & dans le defordre. Pour remedier à ces maux & ramener ces brebis égarées dans le bercail de Jefus-Christ, ce nouveau & zelé Pasteur se propofa d'y emploïer plû-tôt les bons exemples que les reproches & les pourfuites violentes ; c'eft pourquoi il fe réfolut de mener la vie la plus fainte qu'il lui feroit poffible & ilen fit vœu dans l'Eglife Metropolitaine de Nôtre Dame, promettant à Dieu de faire le refte de fes jours ce qu'il croiroit être le plus parfait & le plus agréable à sa divineMajesté, le fuppliant en même tems de lui donner des ouvriers capables de l'aider dans fon entreprise. Dieu qui lui avoit confié la conduite de ces mauvais paroiffiens & qui lui en avoit refervé la converfion, exauça fa priere: car il lui en envoïa plufieurs qu'il logea avec quelques-uns des Prêtres qu'il avoit ame nés du Seminaire de Vaugirard, & avec lefquels il vivoit d'une maniere fi édifiante qu'il ne fe diftinguoit d'eux que par la grandeur de fon zele & par fon humilité profonde. Il n'omettoit rien de tout ce qui pouvoit fervir à les établir folidement dans la vertu ; c'eft pourquoi étant perfuadé que la cupidité & l'amour défordonné des biens de la terre y un obstacle invincible, il leur recommanda trés particulierement de ne rien exiger pour l'administration du faint Viatique, & de refuser abfolument tout ce qu'on leur presenteroit pour.le Sacrement de Penitence. Il voulut que toutes les retributions qu'ils recevoient des peuples, pour les autres services,fuffent mifes en commun, & que chaque particulier se contentât felon le defir de l'Apôtre, d'avoir fa nourriture & dequoi se vêtir : ce qui s'eft toûjours obfervé depuis ce tems-là. Ainfi il forma une Communauté qui fans être fondée s'eft toûjours foutenue, & qui depuis fon établiffement n'a jamais manqué de fujets & de Prêtres pour deffervir cette grande Paroiffe, quoiqu'ils n'y foient attirés par aucun interêt, ni retenus par aucun engagement.

font

de tems

Cette Communauté aïant été remplie en très peu de plufieurs ouvriers évangeliques, il travailla à la Réforme de fes Paroiffiens, commençant d'abord par la converfion des Herétiques qui y étoient en très grand nombre. Il entre

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prit en même tems l'inftruction des Catholiques par les pré- SEMINAIdications frequentes & par les Catechifmes qu'il faifoit faire RS DE S. dans fon Eghte, ou il rétablit la Majetté des divins Offices & le culte du très faint Sacrement qui y avoient été un peu negligés. Les duels étoient fi frequens dans fa Paroiffe qu'on y compta jufqu'à dix fept personnes en une mê ne femaine peries dans ces malheureux combats. Pour remedier à ces defordres il perfuada à plufieurs Seigneurs de faire enfemble une proteftation folemnelle de n'accepter aucun appel & de ne fervir aucun ami qui voulût se battre : ce qu'ils obferverent fidellement, & leur exemple fut suivi par un grand nombre de perfonnes avant même que l'autorité du Roi eût arrêté le cours de ce defordre jufqu'alors fi commun. Il abolit auffi plufieurs deréglemens fuperftitieux qui s'étoient répandus dans certains corps de metiers, & établit plufieurs Confrairies pour les difpofer à celebrer devotement toutes les Fêtes. Il purgea prefque tout le fauxbourg des mauvais lieux qui y étoient, & l'on ne peut s'imaginer les foins qu'il prit pour retirer du déréglement les pauvres creatures qui habitoient ces lieux infames, & les dépenfes qu'il fit pour les placer dans des retraites de pieté.

Pendant que Monfieur Olier étoit ainfi occupé au fervice de sa Paroiffe, il ne laiffoit pas de veiller à la conduite de fa Communauté & de travailler à obtenir des Lettres Patentes du Roi pour l'érection de fon Seminaire, qui après quelques oppofitions, qu'il fut obligé de lever, & après en avoir obtenu le confentement de l'Archevêque de Paris, fut enfin établi à Paris dans la ruë du Colombier. Il ne tarda gueres સે être rempli de plufieurs faints Ecclefiaftiques que ce zelé Superieur prenoit la peine de former lui même pour les Millions, fans parler de ceux qu'il y préparoit à recevoir dignement les Ordres ; mais dans le tems qu'il commençoit à joüir du fruit de fes travaux, Dieu, aux yeux duquel il étoit agreable, voulant éprouver fa conftance & fa fidelité, permit que l'ancien Curé, follicité par quelques perfonnes mal intentionnées, fit quelques démarches pour rentrer dans fa Cure, prétendant que le Benefice qu'on lui avoit donné à la place n'étoit pas de la qualité ni du revenu qu'on lui avoit fait croire. Il n'en fallut pas davantage: quelques efprits turbulans ennemis de la paix & du bon ordre,foit par vengeance

RES DE S. SULPICE.

SEMINAL- de la guerre que ce faint homme faifoit à leurs vices, foit par quelques raifons d'interêt,aïant repandu ce bruit parmi la populace, & s'étant écriés que l'on faifoit injustice à leur ancien Pasteur, une troupe de miserables s'étant armés de tout ce qu'ils trouverent fous leurs mains, vinrent en foule à la chambre de cet homme Apoftolique, l'en tirerent avec violence, le chargerent de plufieurs coups, & lui tenant le pistolet fous la gorge, le traînerent honteufement au milieu de la rue, où ils ne le laifferent en vie que pour aller profiter du pillage que les compagnons de leur audace faifoient dans la maison Presbiterale, pendant que quelques-uns de fes amis pour le mettre en feureté l'obligerent de se retirer au Palais d'Orleans. L'affaire aïant été portée au Parlement il fut auffi tôt rétabli dans fa Cure ; mais le même jour qu'il retourna dans fon Prefbitere ces malheureux recommencerent leurs violences, s'efforcerent d'en rompre la porte & d'y mettre le feu: ce qu'ils auroient enfin executé fi leur fureur n'eût été arrêtée par quelques compagnies du regiment des Gardes, que la Reine eut la bonté d'y envoïer. Enfin au bout de quarante jours cette perfecution étant ceffée, il profita de la paix & de la confiance qu'avoient en lui les perfonnes les plus confiderables de fa Paroiffe pour y affermir le bon ordre qu'il y avoit déja établi avant cette difgrace. Les guerres civiles qui arriverent en France dans les années 1649. & 1652. lui donnerent lieu d'augmenter sa charité non seulement à l'égard de ses Paroiffiens, mais encore à l'égard de ceux qui venoient de la campagne se refugier à Paris dans le fauxbourg faint Germain. Il pourveut à la subsistance d'un grand nombre de Religieufes de differens Ordres qu'il fit vivre en Communauté autant que la diverfité de leurs Inftituts le pouvoit permettre, pour empêcher que le commerce du monde ne leur fît perdre l'efprit de leur vocation, & il prit auffi soin de plufieurs Anglois & Irlandois qui s'étoient refugiés en France pour y vivre dans la foi Catholique & éviter la perfecution des Herétiques.

Après avoir fervi fa Paroiffe environ pendant dix ans, il fut attaqué la même année 1652. d'une violente maladie, dont croïant qu'il ne releveroit pas, il fe fit adminiftrer les derniers Sacremens de l'Eglife, & fe demit de fa Cure entre les mains de l'Abbé de S.Germain des Prez,& celui-ci la con

SULPICE.

fera à M. de Bretonvilliers, qui en prit poffeffion au mois SEMINALde Juin. Mais fa derniere heure n'étant pas encore venue, & RES DE S. la fiévre l'aïant quitté, il fe trouva en état au mois d'Août d'aller à la campagne. Ce voïage qu'il n'entreprit que pour le rétablissement de fa fanté, lui fut une occafion de faire plufieurs chofes importantes à la gloire de Dieu. Car outre les Seminaires qu'il avoit établis à Paris, à Nantes & à Viviers, il en établit encore un quatriéme au Puy en Velay, à la priere de l'Evêque & de fon Chapitre, & procura une Miffion générale au Vivarets, qui en avoit un extrême befoin, aïant fait venir pour cela des Missionnaires de divers endroits, qu'il envoïa en tous les quartiers de cette Province pour y prêcher l'Evangile, & par ce moïen il rétablit en divers lieux, & fur tout à Privas, l'exercice de la Religion Catholique, qui en étoit bannie depuis plufieurs années. Etant de retour à Paris, il travailla fans relâche à perfectionner les ames que Dieu avoit confiées à fa conduite, jufqu'à ce qu'en l'année fuivante étant tombé en apoplexie, & devenu paralytique de la moitié du corps, il fut obligé de ceffer ces fonctions de charité. Mais aïant reçu l'an 1654. quelque foulagement à fes maux, il ne manqua pas d'emploïer au service de l'Eglife le peu de forces qu'il avoit recouvré, envoïant de fes Ecclefiaftiques à Clermont en Auvergne, pour y établir un cinquiéme Seminaire ; & en donnant d'autres auffi pour aider une Colonie de François qui alloit habiter l'ifle de Mont-Real dans la nouvelle France, & pour travailler en même tems à la Converfion des Sauvages. Enfin après avoir rendu de grands fervices à l'Eglife, il mourut le 2. Avril de l'an 1657. n'étant âgé que de 48. ans, 6. mois & 11. jours.

Depuis la mort l'on a encore fondé d'autres Seminaires, à Lion, à Bourges, à Avignon,en d'autres villes confiderables, & même jufques dans le Canada. Ily en a environ dix ou douze qui dépendent du Superieur de celui de S.Sulpice à Paris, qui eft comme Général de tous ces Seminaires. Tous les ans à certain jour,après la Meffe, qui ordinairement est célébrée dans le Seminaire de Parispar un Archevêque ou un Evêque,tous les Seminaristes,chacun à fon rang,s'approchent de l'Autel & se mettent à genoux devant l'Evêque: ils renouvellent les promeffes qu'ils ont faites à Dieu de le prendre pour leur he

SEMINAT ritage en entrant dans la Clericature, & pronocent ces paroles: Dominus pars hæreditatis mea, & Calicis mei, tu es qui reftitues hæreditatem meam miki.

RES DE S.
SULPICE.

Giry, Vie de M. Olier; & Hermant, Hift. des Ord. Relig.

Tom. IV.

Outre le Seminaire de faint Sulpice établi à Paris, il y a encore celui de faint Nicolas du Chardonnet, qui eft auffi fort célébre. M. Bourdoife, que faint François de Sales. nomma le faint Piétre, n'étant encore que Clerc, raffembla en 1612. plufieurs de fes amis au College de Reims, dans la penfée de travailler enfemble à leur perfection, fans faire de vœux, ni fe lier, que par les liens communs d'une ardente charité. L'an 1620. leur petite Societé s'étant augmentée,ils. vinrent s'établir auprès de l'Eglife de faint Nicolas du Chardonnet. M. Froger Curé de cette Paroiffe, les admit dans fon Eglife, où ils s'aquitterent dignement de toutes les fontions Ecclefiaftiques, jufqu'en l'an 1631. qu'ils furent érigés en Communauté par Jean-François de Gondy, premier Archevêque de Paris ; & en 1644. ils furent érigés en Seminaire, destiné & appliqué particulierement à élever des Prêtres, & les former à toutes les fonctions de leur état, pour les envoïer enfuite dans les Provinces fervir de Curés ou de Vicaires dans les Paroiffes ; & l'on donna le nom de Bourfe Clericale aux fommes qu'on affembloit pour ce deffein. Plufieurs Dames charitables voulurent avoir part à cette œuvrede pieté: elles s'affembloient tous les trois mois dans une falle du Seminaire, où celle qui avoit été éluë Tréforiere rendoit compte des fommes qu'elle avoit reçuës. Madame de Miramion, qui s'étoit jointe à ces Dames, voïant que cet établisfement n'étoit fondé que fur des charités journalieres, que la Communauté de ce Seminaire n'étoit que dans une maifon d'emprunt, dont elle n'avoit la joüiffance que pendant la vie de celui à qui elle appartenoit, & que les Lettres Patentes n'avoient été accordées à ce Seminaire qu'à condition de ne recevoir aucun legs ni fondation, à moins que le Fondateur ne s'en reservât l'ufufruit; jugea bien que toutes ces circonftances étoient autant d'obftacles à fa durée. C'est pourquoi elle travailla à les faire lever, y emploïant le credit de Monfieur le Prince de Conty, qui à fa perfuafion leur donna trente-fix mille livres pour acheter la Maison du Se

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