RITE. SOEURS DE mêmes rendre aux malades les services necessaires, il fut A résolu qu'il falloit établir des Servantes des pauvres qui fusfent emploïées à ce Ministere sous la conduite des Dames. Cela fut executé par les soins de M. de Paul, qui aïant propofé ce dessein à des filles dans la campagne, il s'en trouva plusieurs qui s'offrirent dese consacrer toute leur vie à cet emploi. Ces filles quoique dépendantes des Dames de la Paroisse, n'avoient aucune liaison ni aucune correspondance entr'elles : ce qui faisoit qu'elles ne pouvoient être bien instruites pour le service des pauvres, ni pour leurs exercices de piete; en forte que lorsqu'il en falloit changer quelquesunes ou en donner pour de nouveaux établissemens, on n'en trouvoit pas aisément qui fussent toutes dressées. C'est pourquoi M. Vincent de Paul crut qu'il étoit necessaire d'unir ces filles en Communauté sous la conduite d'une Superieure, afin qu'elles fussent dressées aux exercices de charité & qu'il y en eût toûjours pour en fournir au besoin : & ne trouvant personne qui fût plus digne de cet Emploi que Mademoiselle le Gras dans laquelle il avoit reconnu depuis tant d'années une prudence consommée & une pieté exemplaire, il lui mit entre les mains quelques filles pour les loger en fa Maison & pour les faire vivre en Communauté. Elle demeuroit pour lors proche saint Nicolas du Chardonnet, où elle commença cette petite Communauté le 21. Novembre de l'an 1633. Après que Mademoiselle le Gras, se fut chargée de la conduite de ces filles, elle eut tant d'amour pour cette vocation que l'année suivante le jour de l'Annonciation de la sainte Vierge, elle s'y engagea par un vœu qu'elle fit pour cet effet, renouvellant en même tems celui de viduité qu'elle avoit fait dès l'an 1623. Ce fut pour lors que cette sainte femme se voïant engagée plus étroitement avec Jesus-Christ qu'elle venoit de prendre par ces vœux pour son partage & fon héritage, rappella toute sa ferveur & ne chercha plus qu'à s'unir à lui par toutes fortes de bonnes œuvres ; mais particulierement par la sainteCommunion qu'elle lui offroit très souvent, tant pour le remercier de la grace qu'il lui avoit faite de l'appeller à cet état, que pour attirer sa benediction fur ce que son amour pour sa divine Majesté lui faifoit entreprendre pour le soulagement des pauvres. De si saintes dispositions soûtenuës d'une parfaite confiance en la Provi- SOEURS DE , ne pouvoient pas manquer de lui meriter un heu-ITE dence 3 Le premier dessein que cette Assemblée de Dames se proposa, étoit de donner quelque foulagement aux malades de 'Hôtel-Dieu. Mademoiselle le Gras & quelques autres aïant reconnu dans les visites de ces pauvres, qu'il leur manquoit beaucoup de douceurs que l'Hôpital ne leur pouvoit fournir, en communiquerentavec M. de Paul qui leur conseilla de faire des Assemblées pour chercher les moïens de pourvoir à ces besoins. La premiere se fit l'an 1634. chez Madame la Préfidente Goufssaut, où se trouverent Mesdames de Ville-Savin & de Bailleul avec Mademoiselle Polaillon Fondatrice des Filles de la Providence. La seconde fut plus grande que la premiere. Madame la Chanceliere l'honora de fa prefence avec Madame Fouquer. Elles y résolurent que l'on donneroit tous les jours aux malades de cet Hôpital des con-fitures, de la gelée, & autres douceurs par maniere de collation, qui leur feroient presentées par les Dames chacune à leur tour, accompagnant de quelque consolation spirituelle cette action de charité; & pour rendre l'Affemblée plus reglée, on y établit trois Officieres, une Superieure, une Assistante & une Trésoriere. Cela resta ainsi jusqu'à ce que M. de Paul aïant remarqué par experience qu'il étoit difficile que les mêmes personnes pussent s'occuper aux œuvres de mifericorde spirituelle & corporelle, jugea qu'il falloit choifir tous les trois mois quatorze Dames entre celles qui feroient les plus capables d'exhorter & d'instruire, lesquelles visiteroient les pauvres deux à deux chacune leur jour par LA CHA SDEURS DE semaine, & leur parleroient des choses necessaires à leur salut LA CHA d'une maniere touchante & familiere. Tous ces exercices RITE. de pieté se faifoient avec d'autant plus de ferveur que toutes ces Dames étoient animées par l'exemple de Mademoiselle le Gras qui s'y appliquoit avec tant d'ardeur que M. de Paul fut obligé de moderer fon zele. Mais pour bien executer cette œuvre de charité, il falloit avoir des Servantes qui prissent le soin d'acheter & de préparer toutes les choses necessaires, & qui aidassent les Dames dans leurs visites & dans la distribution des collations. Mademoiselle le Gras qui commençoit d'en élever pour les dévoüer à toutes les occasions où il s'agiroit de l'interêt des pauvres, en donna quelques-unes à la priere des Dames, qui les logerent près de l'Hôtel-Dieu. Dès la premiere année de l'Institution de cette Assemblée, elle fit tant de fruit dans l'Hôpital par les visites & les instructions de ces Dames; qu'outre un grand nombre de Catholiques qu'elles disposerent à une bonne mort, ou à un changement de vie dans ceux ausquels Dieu renvoïoit la santé, elles eurent la consolation de convertir plus de sept cens Herétiques & quelques Infideles qui embrasferent notre sainte foi, dont ils reconnurent la verité dans les productions d'une charité si ardente & fi étenduë: Paris n'étant pas assez grand pour la contenir, elles se chargerent dans la fuite non seulement de toutes les Provinces du Roïaume, mais encore de l'entretien de quelques Missions dans les païs des Infideles qui se sont reffentis de leurs bienfaits. Pendant que cette Assemblée Genérale de Dames de tous les differents quartiers de Paris s'appliquoit à ces œuvres de pieté dans l'Hôtel-Dieu, il se formoit dans les Faroisses de la même ville des Confrairies particulieres de charité pour assister les pauvres & les Artisans malades dans leurs maisons. M. de Paul voïant le progrès qu'elles faisoient, y mit la derniere perfection, secondé du zele de Mademoifelle le Gras. Elles étoient composées des Dames des Paroisses, & gouvernées sous la conduite des Pasteurs, par trois Officieres choifies d'entr'elles, qui étoient une Superieure qui recevoit les malades, une Trésoriere qui avoit les aumônes en dépôt, & une Garde-meuble qui avoit soin du linge & des autres meubles necessaires. Mais la plus grande partie des RITE. 2 Dames n'étant pas en état de servir elles-mêmes les malades SOEURS DE on leur donna aussi des filles de la Communauté de Made- LA CHAmoiselle le Gras engagées par leur profession à ce service charitable. Le nombre des filles qui y entroient s'augmentant tous les jours, elle acheta une maison au village de la Chapelle proche Paris, qu'elle trouva un lieu très commode *& très conforme à ses inclinations, tant pour avoir l'avantage de s'approcher de M. de Paul qui avoit obtenu l'an 1632. la Maison de saint Lazare pour les Prêtres de sa Congregation, que pour y élever sa Communauté naissante dans un esprit de Servantes des pauvres, & la former dans la vie pauvre, humble, simple & laborieuse de la campagne, fur laquelle elle régloit leur nourriture, leurs habits & leurs Emplois. Cette fainte Fondatrice y alla loger au mois de Mai 1636. & y établit un Catechisme qu'elle faisoit elle-même aux femmes & aux filles les Dimanches & les Fêtes, avec des Ecoles où ses Filles enseignoient les enfans de leur sexe : ce qu'elles continuent encore dans les lieux où elles sont établies. Mais comme les emplois de charité se multiplioient tous les jours & augmentoient la necessité d'un commerce plus frequent avec toutes les personnes qui y prenoient part, Mademoiselle le Gras résolut, par l'avis de M. de Paul, de quiter la Chapelle & de venir loger avec sa Communauté au fauxbourg saint Denis vis à vis faint Lazare où elle loüa d'abord en 1641. une maison qu'elle acheta quelque tems après. Ce fut dans cette Maison qu'elle commença d'exercer l'hospitalité, y recevant un grand nombre de filles des frontieres de Picardie, qui aïant été obligées d'abandonner leurs maisons par la crainte des ennemis qui étoient entrés dans cette Province, & qui avoient affiégé la ville de Corbie, étoient venuës se refugier à Paris. Non contente de leur fournir par charité le logement & la nourriture du corps, elle voulut y ajoûter l'aumône spirituelle, par une Mission qu'elle leur procura. Cette Maison fut aussi ouverte pour les personnes de son sexe qui y voulurent faire des retraites spirituelles, à l'exemple de celles que M. de Paul avoit établies pour les hommes dans sa Maison de saint Lazare. Ce Serviteur de Dieu aïant donné commencement à l'Hôpital des Enfans Trouvés, en donna le soin à Mademoiselle le Gras & à RITE. SOEURS DE ses filles; & l'an 1639. la ville d'Angers aïant eu recours à LA CHA elle pour obtenir aussi de ses filles pour le service des malades de fon Hôpital, elle alla elle même faire cet établissement au mois de Novembre, nonobstant ses infirmités & la rigueur de la faifon. Ce fut pendant ce voïage qu'elle apprit que la Reine Anne d'Autriche avoit aussi demandé de ses filles pour le service des malades de Fontainebleau. Cette Princesse entretenant pendant le siége de Dunkerque un Hôpital pour les Soldats malades & blessés, leur en confia encore le foin. Quoique Mademoiselle le Gras vît sa Compagnie chargée de tant d'occupations dans Paris, à la campagne, & dans les Provinces, elle ne perdit point pour cela courage au contraire, redoublant fon zele & ses soins, elle embrassa encore des emplois dans les Roïaumes étrangers, en donnant de ses filles à la Reine de Pologne, Loüife Marie de Gonzagues, qui les établit l'an 1652. à Varsovie. Cette ville étant pour lors affligée de la contagion, fut un rude apprentissage, & une dangereuse épreuve pour ces charitables filles, qui à leur arrivée se virent chargées du soin des pestiferés. Cette Princesse aïant encore fondé un Hôpital dans la même ville pour y recevoir les pauvres filles orphelines ou delaissées de leurs parens, en commit aussi le soin & la conduite à ces Servantes de Jesus-Christ. Elles furent pareillement chargées à Paris du gouvernement & de l'economie, aussi bien que du service des pauvres de l'Hôpital du nom de Jesus, que l'on fonda l'an 1643. dans cette Capitale du Roïaume, pour quarante pauvres de l'un & de l'autre sexe: ce qui a été l'ori-gine de l'Hôpital Général. Il ne restoit plus à Mademoiselle le Gras pour remplir l'étenduë de fon zele, que de se charger des pauvres alienés d'esprit, & renfermés dans l'Hôpital des petites Maisons. Elle accepta cet emploi l'an 1645. sur la priere qui lui en fut faite par l'Assemblée du grand Bureau des pauvres, si célébre dans Paris, par la qualité & le merite des personnes qui la composent ; & comme il y a dans cer Hôpital, outre les insensés, un grand nombre de vieillards, qui y font entretenus par ordre de ce Bureau, elle s'engagea encore de les faire assister dans leurs maladies. Il ne suffisoit pas à cette zelée Fondatrice d'avoir formé une Compagnie de Filles pour les emploïer au service des |