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Eliam extendimus principium noftrum. C'eft dans une lettre qu'il écrivit de l'Hôpital d'Antiquera à fon general en Espagne, au mois d'Octobre 1696. rapportée par le pere Papebroch de la Compagnie de Jefus dans. La reponse au pere Sebastien de faint Paul, exprovincial des Carmes de Flandre, qui avoit accufé ce fçavant Jefuite d'avoir avancé deux mille erreurs dans les vies des SS. dont il étoit auteur, & qui fe trouvent dans la continuation des actes des SS.du P.Bollandus.

dit

Ce Religieux hofpitalier faifant le plan d'une hiftoire Patriarchale qu'il avoit deffein de donner au public pour opposer à l'hiftoire Prophetique des Carmes que fon Ordre a eu pour fondateur le Patriarche Abraham, & que faint Jean de Dieu l'a transporté de la vallée de Mambré dans la ville de Grenade en Efpagne. Il compte au nombre des generaux de cet Ordre, après le Patriarche Abraham, Lot, Laban, Tobie, &c. Les Maisons de ces Patriarches, auffi-bien que celles de la veuve de Sarepta, de la Sunamite, & même de la Pifcine Probatique de Jerusalem, étoient felon lui, les couvents de cet Ordre; il en met même jufques dans les Limbes, car il dit que le patriarche Abraham y établit un Hôpital pour y recevoir les bid. n. 9. enfans qui meurent fans Baptême.

Quid nift

byeroglyphicum fecit Hofpitalitatis, per omnia fæcula propagande, ad ufque Limbum? Nam & hic hofpitalem domum excitavit primus Pater Generalis totius noftri Ordinis Abraham, qua reciperetur innocentia parvulorum, fine originalis peccati remedio morientium.

Le frere Paul de faint Sebastien, s'applaudiffant ensuite de fa nouvelle découverte qu'il a faite du fondateur & premier general de fon Ordre, & tout glo

rieux de fe pouvoir dire avec fes confreres, les enfans des Patriarches, défie le pere Papebroch & le pere Sebastien de faint Paul, d'aller contre de telles pretentions, & de trouver depuis tant de fiécles un auteur qui leur ait difputé leur genealogie. Il nomme des Jefuites, des Dominicains, des Carmes de l'Obfervance, des Carmes Dechauffés, des Trinitaires, & d'autres, qui difent que le Patriarche Abraham a fondé l'hofpitalité, & qu'il a fait de fa propre maison un hôpital. Il apporte entr'autres le temoignage d'un pere Thomas de Salas, qui affure que l'Ange faint Raphaël dit à faint Jean de Dieu qu'ils étoient tous du même Ordre, parce que, dit le frere Sebastien de S. Paul, cet Ange étoit l'un des trois qui affifterent à la fondation de l'Ordre dans la vallée de Mambré: Et Pater Thomas de Salas referens dictum Angeli Raphaelis ad Sanctum Joannem de Deo, omnes fumus unius Ordinis, nam & ifte cum duobus aliis Angelis, fuit præfens in Mambre. lly a d'autres auteurs qu'il ne nomme point, & qu'il referve à citer dans fon tems; mais en attendant il feroit bien aife de fçavoir, files peres Papebroch & Sebaftien de faint Paul pourroient lui alleguer des bulles & des conciles contraires à ce qu'il a avancé.

Quoique les Religieux Croifiers ou Porte-Croix, foient aufli hofpitaliers, ils ont été plus moderés que le frere Paul de faint Sebastien. Bien loin d'aller chercher un fondateur dans l'Ancien Teftament & de remonter jufqu'au Patriarche Abraham, ils n'ont pas même voulu, comme les autres hofpitaliers, reconnoître fainte Marthe pour leur fondatrice, & se sont contentés par modeftie, de faire remonter leur Origine jufqu'au pape faint Clet qu'ils appellent leur Pe

re, & qui fucceda au Souverain Pontificat l'an foixante & dix huit, après la mort de faint Lin. Les Chanoines Reguliers de l'Ordre du faint Sepulcre, pretendent que l'Apôtre faint Jacques le Mineur, premier Evêque de Jerufalem, a été leur instituteur; & il y a d'autres Chanoines Reguliers, qui ne regardent faint Auguftin que comme le reftaurateur de leur Ordre, qui a commencé au tems des Apôtres, qui étoient, felon quelques uns de leurs écrivains, Chanoines Reguliers, & avoient pour abbé Jefus-Christ.

Enfin fi l'on vouloit examiner tous les Ordres en particulier, il y en a peu qui ne pretendent quelque prerogative au deffus des autres, & qui ne veuillent s'attribuer des hommes illuftres, ou qui n'ont jama s été Religieux, ou qu'ils font fortir d'un autre Ordre pour les faire entrer dans le leur ; quoique quelque fois il fe trouve que ces perfonnes foient mortes avant la naiffance des Ordres où on les veut faire entrer; & même les Carmes mettent au nombre de leurs confreres des Janning, Payens & des idolatres, témoins les thefes qui furent pratim. pro foutenues dans leur couvent de Beziers l'an 1682. dans apud Bol. un chapitre provincial en prefence de M. Armand Jean Land. T. 1. de Rotundis de Bifcaras, Evêque de cette ville, par Papebroch pere Philippes Teffier Religieux de cet Ordre, qui Reffonf, ad voulut prouver qu'il étoit probable que Pythagore & S. Paulo. fes difciples étoient Religieux profez de l'Ordre du Mont Carmel, aufli bien que les anciens Druides des Et Delle, Gaules: mais ces thefes furent cenfurées à Rome par nast. T. 4. un decret du 25. Janvier 1684.

Apolog.

A&t. SS.

Funii.

I.

P. Sebaft. à

art. 16 n.

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Antiq.Mo

Chap. 1.

le

Comme ils mettent aufli au nombre de leurs Religieux, Bafilides qui étoit un des devins de l'empereur Vefpafien, le frere Paul de faint Sebaftien qui ne

veut ceder en rien aux Carmes, a cru que puifque ces Bafilides & Pythagore ont été Religieux du MontCarmel, il pouvoit bien mettre au nombre des Religieux de fon Ordre, la veuve de Sarepta. quoiqu'elle fût du pays des Sidoniens qui étoient Gentils; & comme il y a un Ordre militaire du Mont Carmel, il en met un auffi de l'Ordre de faint Jean de Dieu, difant que Jofeph Gouverneur de l'Egypte étoit Chevalier de cet Ordre : Ipfe autem Joseph numquid non fuit Religiofus Militaris noftri Ordinis?

Sice Religieux hofpitalier s'étoit contenté de faire remonter l'origine de fon Ordre jufqu'au tems du Patriarche Abraham, parce qu'il avoit exercé l'Hofpitalité; l'on ne s'en étonneroit pas, il auroit en cela imité les Carmes, qui font remonter l'origine de leur Ordre jufqu'au tems du Prophete Elie,parce qu'il a demeuré fur le Mont-Carmel ; & files Alexiens, dont le principal inftitut eft d'enfevelir les morts, s'avifoient un jour de prendre pour fondateur le faint homme Tobie de la tribu de Nephtali, parce qu'il exerçoit la charité envers les morts en leur donnant la fepulture, l'on diroit que leurs pretentions feroient auffi-bien fondées que celles des Carmes & du frere Paul de faint Sebastien, puisque les Carmes n'ont pour titre de leur antiquité que la demeure d'Elie fur le Mont-Carmel, & que le frère Paul de faint Sebastien n'en a point aussi d'autres, que l'hofpitalité exercee par Abraham envers trois Anges qui s'apparurent à lui fous la figure de trois jeunes hommes. Mais lorfque le frere Paul de S. Sebaftien regarde la Piscine Probatique, les maisons de Lot de Laban & de Tobie, pour des hôpitaux de fon Ordre, & qu'il dit qu'Abraham en fonda aufli un

dans les Limbes, pour y recevoir les enfans qui meurent fans Baptême; on a de la peine à concevoir comment de telles pensées ont pû entrer dans l'efprit d'un homme de bon fens. J'aurois volontiers regardé la let tre de ce Religieux, comme fuppofée; ou, felon le jugement qu'en a porté le pere Papebroch, comme une fable inventée par quelque efprit boufon, qui apparemment ayant pris le nom d'un Religieux de l'Ordre de faint Jean de Dieu, auroit fait remonter l'origine de cetOrdre jufqu'au Patriarche Abraham pour se moquer du procès que les Carmes intenterent aux continuateurs des actes des Saints du pere Bollandus, parce qu'ils ne les avoient pas fait defcendre d'Elie. Mais lorfque je fais reflexion que plufieurs hiftoires & plufieurs annales de certains Ordres font remplies de quantité de fables, qui ne font pas moins divertissantes que la lettre du frere Paul de faint Sebastien, je n'ai pas de peine à croire que cette lettre ne foit veritable, & que l'auteur n'ait en effet conçu le deffein de travailler à une hiftoire Patriarchale, pour oppofer à l'hiftoire Prophetique des Carmes, en fuivant la même methode que quelques hiftoriens de cetOrdre ont fuivie ; c'est-à-dire, en y mêlant quantité de fables & de penfées ingenieufes plus propres à divertir le lecteur qu'à l'édifier.

Car qui pourroit tenir fon ferieux en voyant l'estampe qui eft au commencement de la vie du Prophete Elie, inferée par le pere Daniel de la Vierge Marie, dans fon miroir du Carmel imprimé à Anvers l'an 1680. où l'on voit une troupe de Prophetes habillés en Carmes, & même avec le Scapulaire; qui dans des differentes attitudes, font de prcfondes reverences au

petit

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