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638.

Tom. 8.

fi grande utilité au public, & des monumens éternels à là po fterité de leur profonde érudition. S'il s'y rencontre quelques matieres qui n'ayent pas été traitées avec toute l'exactitude poffible, ce font des fautes legeres, qu'on doit pardonner à ces grands hommes, dont les ouvrages font d'une trop vaste étendue pour ne s'y être pas gliffé quelques fautes.

PARAGRAPH E VITI

Que fainte Syncletique a fondé les premiers Monafteres

T

de Filles.

Ous les Ecrivains ne demeurent pas d'accord que Herman, fainte Syncletique ait fondé les premiers monafteres Vie de faint Athanafe, de Filles. Les uns le croyent certainement,les autresen doutom 2. pag: tent, quelques-uns le nient, & toutes ces differentes opinions De Tillem. roulent fur celle que l'on doit avoir de l'auteur de la vie de mem. pour cette Sainte: Nicephore Caliste a été le premier qui l'a attrihist. Eccl. buée à faint Athanafe,étant autorifé de quelques manufcrits pag. 711. qui portent fon nom; & cette opinion, felon M. Herman & M. de Tillemont, a été embraffée comme certaine, par des. Arnaud perfonnes les plus habiles & les plus judicieuses de notre fiedes PP..2.cle, qui pour ce fujet ont appellé cette Sainte la mere des Religieufes, & la premiere fondatrice des monafteres de Filles, comme faint Antoine a fondé les premiers monasteres parfaits de Solitaires...

d'And.vies

Ils ont fans doute prétendu mettre de ce nombre M. Ar naud d'Andilli, qui dans fa préface de la vie de cette Sainte, qu'il a traduite en notre langue, dit auffi, en fuivant l'opinion de Nicephore, qu'il n'y a point de Vierge, après celles qui ont été honorées de la couronne du martyre, plus illufire, ni plus fameufe qu'elle; parce que Dieu s'en est servi pour fonder les premiers monafteres de filles, comme de faint Antoine pour fonder les premiers monafteres de Solitaires & l'a rendue la, mere des Religieufes, comme ce Saint le pere des Religieux: qu'enfin, Dieu a permis que ces deux Saints,qui devoient fervir d'exemple aux perfonnes confa crées à Dieu par la profeffion monaftique, cuffent pour Ecri vain de leur vie le Grand faint Athanafe; & il ajoûte qu'il se.trouve un manufcrit dans la bibliotheque de l'Efcurialtraduit

tyr. Rom. 5.

S.Jan.

traduit par Colville Ecoffois, qui eft indubitablement la vraie Baro. Anvie originale de cette fainte écrite par S. Athanafe. Le cardi. not.inMarnal de Baronius a auffi fuivi cette opinion, & a feulement re-an. greté la perte de cet original dont il n'avoit point de con- Bolland. noiffance: Bollandus a été de même avis. M. Čotelier a jugé Cotel. Moque cet ouvrage n'avoit rien d'indigne de la pieté & de la doc- num. Eccl. trine de ce faint. M. Herman n'a point fait difficulté de le re Grac. T. 1. connoître pour l'auteur de cette vie, & le pere Alexandre dit Herm. Vie que c'est le fentiment des fçavans.

pag. 754.

de S. Atha. Tom. 2. P.

S92.

8.

Cependant il fe trouve d'autres manuscrits, ou fans nom d'auteurs, ou fous celui d'un Polycarpe Afcete, ou fous ce, Natal. Alelui d'Arfene de Pegades. C'eft ce qui fait que quelques écri- xand. Hift. Eccl. facul. vains en ont tiré des confequences, pour prouver que cette 46.6. art. vie n'étoit point de faint Athanafe, ou du moins ils en ont douté. Il a semblé aux uns que cette histoire n'étoit pas aussi naturelle que celle de faint Antoine; & que ne contenant pas assez de faits historiques, elle ne pouvoit appartenir à saint Athanafe. Les autres ont cru qu'on ne devoit pas le recon. noître pour l'auteur de cette vie, à caufe que les comparaitons y étoient beaucoup plus frequentes que dans les autres ouvrages de ce faint ; & enfin il y en a qui fe font imaginés que ces comparaisons étoient trop pueriles; & par confequent qu'elles ne convenoient pas à ce pere de l'Eglife, mais plûtôt à un

Moine.

M. de Tillemont a de la peine à fe refoudre en faveur de qui il doit opiner. Il ne veut pas avouer qu'elle foit de faint Athanase, il ne le nie pas non plus abfolument; mais il dit qu'il y a fujet de croire qu'elle n'eft pas de S. Athanafe, à caufe que le ftile eft different du fien:c'eft pourquoi dans le denombrement qu'il a fait des ouvrages de ce faint, il l'a placée, non pas entre les ouvrages fuppofés, mais entre les douteux & contestés.

Mais ne pourroit-on pas répondre à cet illuftre hiftorien ce qu'il dit à ceux qui ont eu la même opinion que lui touchant l'auteur de cette vie, à cause qu'il leur a femblé que l'histoire n'en étoit pas auffi naturelle que celle de faint Antoine, & qu'elle ne contient pas affez de faits hiftoriques. Car il leur a répondu, que ce n'étoit pas une raifon pour croire qu'elle ne fût pas de faint Athanafe. Erafme aïant auffi douté que le traité de la virginité qu'on attribue à ce faint fût de lui, à cause que le stile lui a paru assez bas; M. de Tillemønt a répondų

Tome I.

G

que cette raifon n'étoit pas confiderable. On pourroit done dire avec raifon la même chose à M. de Tillemont, & à tous ceux qui rejettent des ouvrages fur la difference du ftile. C'est Fleuri. ce que M. l'Abbé Fleuri appelle un excès de critique. C'est Pref. du 3. vouloir tout fçavoir, dit-il, & vouloir tout deviner. PourT. de l'hift. Eccl. quoi ne veut-on pas que ce qui arrive tous les jours dans la plupart des écrivains de ce tems, dont le stile n'est pas toujours égal, ne foit arrivé dans ceux des premiers fiecles? & ne voïons-nous pas tous les jours, que les difcours des plus habiles Orateurs, foit de la chaire ou du barreau, ne font pas toujours également fleuris & élegans.

M. Du Pin eft celui qui a trouvé dans la vie de fainte Syncletique des comparaifons qui lui ont femblé pueriles, & qui conviennent mieux à un Moine qu'à faint Athanafe; c'est ce qu'on lifoit dans la premiere édition du quatrième fiecle de fa bibliotheque des auteurs ecclefiaftiques qu'il donna en 1687. & on étoit furpris de ce que dans la feconde édition qui parut en 1689. il y avoit encore laiffé ce qu'il avoit dit dans la premiere, de ces comparaifons pueriles qui convenoient mieux à un Moine qu'à S. Athanafe. Il fembloit que cela dût être retranché pour rendre cette feconde édition plus correcte; mais il l'a fait enfin dans la troisième qu'il a donnée en 1709. & il a bien vû que c'étoit faire injure à tant d'illuftres écrivains, qui ont compofé dans la folitude du cloître de fi beaux ouvrages qui ont merité à quelques-uns avec juftice le titre de pere & de docteur de l'églife. Il y en a même qui ont prétendu que faint Athanafe a été lui-même Afcete, c'est-àdire Moine, & même difciple de faint Antoine. C'eft le fentiBaron. ad ment de Baronius & des Benedictins de la congregation de 4.3 11.9. faint Maur, qui affurent: que dans toutes les anciennes édiAthan. tions & les manufcrits de la traduction d'Evagre, on lit ces Opera edit paroles de faint Athanafe dans la vie de faint Antoine : FreT. 1. part. quenter eum vifitavi, & quæ ab eo didici, qui ad præbendam ci 2. p. 794.aquam, non paululum temporis cum eo feci &c.

63.

PP. Bened.

Si M. Du Pin, pour prouver que la vie de faint Antoine eft veritablement de faint Athanafe, dit qu'il a proportionné fon ftile dans cette vie, & à la matiere & à la capacité des Moines pour qui il l'écrivoit; y a-t-il plus d'inconvenient de dire la même chofe à l'égard de la vie de fainte Syncletique; puifqu'il l'écrivoit pour des filles qui avoient moins de capacité

que des hommes ? & s'il avoue qu'il y a un manufcrit qui porte le nom de faint Athanafe; Nicephore n'a-t-il pas pu avec raison lui attribuer cette vie? & doit-on conclure qu'elle n'est pas de lui, parce que perfonne n'en a point parlé avant Nicephore, comme prétend encore M. Du Pin?

fe

Baillet.Vie

M. de Tillemont n'a pas voulu, felon les apparences, appuïer les preuves de M. Du Pin, puifqu'il ne le cite pas, contentant de marquer Oudin, les continuateurs de Bollandus, & les Benedictins, qui ont douté ou nié abfolument que cette vie fût de faint Athanafe; & comme il y a beaucoup plus d'auteurs pour l'affirmative, je croi qu'on peut d'autant plus embraffer leur fentiment, que felon M. Herman & M. de Tillemont, comme nous avons dit, ce font des perfon nes les plus habiles & les plus judicieufes de notre fiecle; & je ne croi pas que M. Baillet ait voulu leur refufer la qualité de fçavans; quoique dans fes vies des Saints il ait dit que les fçavans ne croïoient pas que celle de fainte Syncletique eût été écrite par S. Athanafe. Il a mieux aimé cependant opiner pour ceux qui font ce faint auteur de cette vie, en disant : qu'elle étoit née dans le fiécle où Dieu fit paroître S. Antoine, des SS. Jaw afin que les deux fexes euffent chacun leur modelle à fuivre ar. dans le renoncement que l'on doit faire au monde. Car quoiqu'il dife que c'eft fans aucune certitude qu'il a avancé fainte Syncletique étoit née dans ce tems-là, & que cette opinion n'est appuïée que fur le fentiment de ceux qui ont fait faint Athanafe auteur de fa vie ; il eft certain qu'il a préferé cette opinion à celle des fçavans dont il a voulu parler, & il devoit nous dire ce qu'ils penfoient du temps où elle a vêcu. Mais que ce foit faint Athanafe, ou Polycarpe, ou Arfene, ou quelques autres qui aïent écrit fa vie; M. Herman mettant la mort à la fin du troifiéme fiecle, le cardinal Baronius l'an 310. M.Bulteau l'an 358. M. deTillemont difant qu'on ne doit pas la mettre beaucoup plus tard que l'an 365. & tous les auteurs demeurans d'accord qu'elle a vêcu quatre-vingtquatre ans ou environ, & qu'elle s'eft retirée fort jeune dans la folitude; il fera toujours vrai de dire qu'elle vivoit au tems de faint Antoine, & qu'elle a pu fonder les premiers Monaf tères de filles, comme faint Antoine a fondé les premiers Monafteres parfaits de Solitaires.

que

M. Bulteau prétend que c'eft fainte Bafiliffe qui a formé la

Bulteau. Hift. Mo

naft. d'o- premiere communauté de filles; mais les circonftances de la rient. pag. vie de cette fainte paroiffent bien apocryphes, & on a de la Ibid. p. 28. peine à croire ce que dit M. Bulteau, que l'orage de la perfe

69.

cution de Diocletien s'étant élevé dans l'églife, fainte Bafiliffe & S. Julien fon mari offrirent d'ardentes prieres à Dieu pour le falut de ceux qu'ils avoient convertis : que Dieu exauça fainte Bafiliffe en la retirant du monde, après avoir accordé la même grace à près de mille religieufes qu'elle avoit formée à la vertu : que faint Julien lui furvêquit: qu'il repandit fon fang pour la foi dans la même perfecution; & qu'il étoit pere de dix mille religieux. Il n'y a pas d'apparence qu'avant que la paix eut été rendue à l'églife, il y ait eu un fi grand nom bre de religieux fous la conduite de faint Julien, & ce qui regarde fainte Bafiliffe auroit été plus croïable, fi les mille vierges ou religieufes, dont elle étoit la fuperieure, avoient plutot fouffert le martyre, que d'être mortes toutes avant fainte Bafiliffe, & cela prefque dans le même tems.

PP.

PARAGRAPH E IX.

Du grand progrès de l'état Monastique, tant en Orient qu'en Occident.

C

OMME la vie de faint Pofthume qui fe trouve parmi celles des peres du defert, eft regardée par de fçavans critiques comme fauffe & fuppofée, je ne m'arrête pas auffi à ce que dit l'auteur de cette vie, que faint Macaire avoit le foin & la conduite de cinquante mille moines que S. Antoine lui avoit laiffés en mourant. Je veux même croire qu'il s'eft gliffé quelque erreur dans le texte de la préface que faint Jerome a mife vit pp. à la tête de la regle de faint Pachome qu'il a traduite,où il dit, pudRofv. que les difciples de ce faint s'affembloient tous les ans à pareil P. 235. nombre nombre, pour celebrer la fête de la paffion & de la refurrection de notre Seigneur ; & il se peut faire que Pallade ne s'eft point trompé, lorfqu'il n'a mis que fept mille Moines de cet Ordre. Mais au moins faut-il avouer, qu'après la mort de faint Antoine & de faint Pachome, le nombre des Moines & Ruf-vit. des folitaires étoit infini, puifque Rufin qui fit le voïage d'OPatr. apud rient en 373. c'eft-à-dire environ dix-fept ans après la mort de Rofy: pag. faint Antoine, nous affure, comme témoin oculaire, qu'il y

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