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qu'après le soleil couché. Quelques-uns demeuroient jusqu'á trois jours sans manger ; il s'en trouvoit même qui passoient jusqu'à fix jours sans prendre aucune nourriture. Contens d'un peu de pain qu'ils afraisonnoient de sel, ils croyoient que le comble de la delicatelle étoit d'y ajouter de l'hysope, & le septiéme jour ils s'assembloient dans une grande semnée pour yallister aux conferences & participer aux laints mysteres

. Ces observances , ces austerités,& le reste de la vie des Therapeu. tes, conformes à ce que les moines en ont ensuite pratique, ont fait que non seulement Eusebe, Sozomene & Callien,comme nous avons dit ; mais aufli un très grand nombre de cele. bres historiens, ont rapporté l'institution de la vie monasti. que à ces Therapeutes. Comme saint Epiphane a donné à ces Therapeutes le nom d'Efféens ou Jefféens, prenant cette signification du nom de Jesus , qui veut dire Sauveur , & qui en langue hebraïque est hered. 29

Epiphan. la même chose que Therapeutes ; il a été luivi par quelques écrivains modernes, entr'autres par le cardinal Baronius, & par M.Godeau évêque de Vence, qui parlent aussi des Thera. Baron, ana peutes sous le nom d'Efféens ou Jefféens: mais ils font voir en 74. même tems la difference qu'il y avoit entrečux & les verita-Godean bles Efféens qui avoient des maximes & des manieres de vivre litt ann: tout à fait opposéesà celles des Therapeutes ;&ne se font point 64. écartés du sentiment de la plus grande partie des Ecrivains, tant anciens que modernes, qui ont reconnu avec Eusebe & S. Jerôme que les Therapeutes ou Jesséens étoient Chrétiens.

Les Protestans ont été les premiers à combattre ce lentiment, & ont été suivis par un petit nombre de Catholiques. Mais cette question, s'il est vrai que ces Therapeutes ayent écé Chrétiens, & ayent fait profession de la vie inonastique , dont ils ayent donné les premiers l'exemple , n'a jamais été traitée d'une maniere ni plus methodique , ni plus recherchée, qu'elle l'a éré depuis quatre ans par deux illustres içavans , qui ne se sont pas neanmoins accordés , ni sur le Christianisme , ni sur le monachisme des Therapeutes, & qui ont été au contraire de sentimensi pposés. Le premier est le P. dom Bernard de Montfaucon , religieux Benedictin de la congregation de saint Maur , qui donna l'an 1709. une traduction françoise du livre de Philon, de la vie contemplative, à laquelle il joignit des observations pleines d'érudi,

nal.ad an. 64

. Ecclef.

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102,

tion, où il fit voir que les Therapeutes dont parle cet histo. rien Juif, étoient Chrétiens. Maisen même tems, il donne à connoître qu'il n'éroit pas du sentiment de ceux qui croyent que les Therapeutes fussent des moines, n'y ayant point, ditil , d'apparence qu'on en connût alors le nom,

ni la profelsion. Une des raisons qui l'obligent à croire qu'ils n'étoient point moines;c'est qu'il se trouvoit dans leurs assemblées des femmes , avec lesquelles ils mangeoient en même table ; au

lieu qu’on a toûjours regardé comme un devoir essentiel aux Pag. 111.

moines, de ne point 'vivre avec des femmes , & d'éviter sur toutes choses leur conversation. Il ne laisse pas neanmoins de dire dans la suite que les moines d'Egypte, dont parle Caf

sien,éroient les successeurs de ces anciens solitaires TherapeuPage 114. tes , qu'ils avoient habité dans les mêmes lieux, & qu'ils

avoient même gardé plusieurs de leurs maximes. Il étoit deja convenu que dans l'antiquité l'on appelloit indifferemment

les solitaires Chrétiens, Ascetes, ou Therapeutes ; & il avoit Pag. 81. & avoué que , comme Pbilon donne également des noms de

Monastere & deSemnée à la demeure des Therapeutes cette
conformité de noms est une preuve bien forte , que les mo-
nasteres des solitaires Therapeutes étoient les mêmes que
ceux des Chrétiens, qui, selon saint Athanase, se trouvoient
en Egypte l'an 271.
Un magistrat également connu par sa probité par

fa

profonde érudition , & qui occupe une des premieres places dans un celebre parlement de France , peu satisfait des raisons que le P.de Montfaucon avoit alleguées pour prouver le Christianisme des Therapeutes & pour nier leur monachisine; lui

& écrivit au mois de Fevrier 1710. & lui marqua qu'il voyoit bien qu'il avoit un grand penchant à croire que les Therapeutes étoient des moines ; & qu'en effet du moment qu'on les

& croit Chrétiens,il ne voit pas qu'on puisse s'empêcher de soutenir qu'ils étoient moines. Car soit, dic.il, que l'on donne ce nom aux Anachoreres, Monazontes, soit qu'on le reserve pour ceux qui, ne pouvant s'accommoder d'une entiere solitude, s’assembloient de remsen tems pour vaquer en commun à de pieux exercices; il convient également aux Therapeutes. Il ajoûte qu'ils ne suivoient ni la regle de saint Antoine , ni les autres que nous connoissons, & qu'ils sont toutes venues depuis ; mais que rien n'empêche qu'ils ne pussent être,

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moines fans cela, & suivre quelques usages qui leur tenoient lieu de regle:que ce qui a fait de la peine au P. de Montfau. çon , c'est que les Therapeutes admettoient des femmes dans leurs assemblées, ce qu'il regarde comme ayant coûjours été essentiellement defendu aux moines : qu'il ne devoit point s'arrêter à cette difficulté : que les premiers Chrétiens l'é. toient de si bonne foi, qu'ils pouvoient frequenter les femmes sans aucun danger: que saint Pierre même & les autres Apôtres menoient des femmes avec eux, sans que personne en fût scandalisé : qu'il en pouvoit bien être de même des moines, supposé , dit-il, qu'il y en eût :& que si les choses ont changé depuis, ce peut être à cause des abus qui se sont glifsés dans les monasteres ; mais que cette circonstance seule ne l'empêcheroit pas de croire que les Therapeutes ne fussent de veritables moines.

Il s'agit donc de sçavoir s'ils étoient Chrétiens ; mais M. B ***, qui est ce sçavant magistrat dont nous parlons, & que nous ne nommerons point ; puisqu'il n'a pas

voulu

que son nom parût à cette lettte lorsqu'elle a été imprimée en 1712. avec la réponse que lui fit le P. de Montfaucon , & fa replique à ce Pere; quoique ses sçavantes remarques sur la

à religion des Therapeutes & l'origine de la vie monastique ne puissent que lui faire honneur , & lui attirer beaucoup d'applaudisfément ; M. B ***, dis-je, étant persuadé au contraire que les Therapeutes étoient Juifs, tâche à le prouver par plusieurs raisons. Il ne peut croire que Philon l'un des plus zelés partisans de la religion Juive ait fait un discours exprès à dessein de louer les Chrétiens, pour lesquels les Juifs ont eu de tous tems de l'aversion; & que l'an 68. qui est le tems que le P. Montfaucon suppose que Philon a écrit , & où le Christianisme ne faisoit, pour ainsi dire, quede naître, les Chrétiens fussent assez connus dans le monde pour engager un homme d'une autre religion à dire d'eux, comme fait Philon , qu'ils sont répandus en plusieurs endroits du monde, & qu'il étoit juste que les Grecs & les Barbares fufsent participans d'un sí grand bien. Il examine ce qui concerne les monásteres des Therapeutes, leurs anciens écrivains, leurs chefs, leurs chants, leurs hymnes, & coures leurs observances, & il n'y trouve rien qui ne ressentele Judaïsme, ou qui ne soit opposé à la religion Chrétienne.

que les

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A cela le P. Montfaucon répond que les Chrétiens judai. sans, tels que ceux dont parle Philon, étoient regardés com me Juifs : qu'ils palloient pour cels: que non seulement ils se regardoient, comme Juifs, mais qu'ils se glorifioient de ce nom:& que l'an 68. de Jesus-Christ, c'est-à-dire,plus de vingt ans après que faint Marceur écrit son évangile, le Christianilme étoit beaucoup répandu par tout le monde , & que progrès ne pouvoient pas être inconnusà Philon. Après avoir examiné de nouveau toutes leurs observances, il n'y trouve rien d'opposé au Christianisme ; & enfin dans la même réponse il semble convenir que les Therapeutes écoient moines ; car il dir qu'il n'a pas pris ce mot de moine dans sa signification generale, qui est solitaire : qu'en ce sens là, non leu. lement les Therapeutes qui demeuroient au mont de Nitrie mais aussi toutes sortes de gens qui vivoient dans la retraite, devoient être appellés moines : que la question étoit , file termede moines étoiç déja consacré du tems de Philon pour signifier les solicaires Chrétiens , & fî l'institut des solitaires Therapeutes étoit de la même façon qu'il fut depuis établi lorsqu'on leur donna le nom de moines: qu'il ne s'agit que de cela : que si l'on n'en veut pas convenir, ce ne sera plus qu'une question de nom. M. B*** , dans sa replique à ce sçavant Benedictin , per.. sistant dans son sentiment que les Therapeutes étoient Juifs, ajoûte pour en convaincre, de nouvelles raisons à celles qu'il avoit avancées dans la lettre ; & pour ce qui regarde leur profession monastique, il dit au pere de Montfaucon qu'il ne s'agit pas d'une pure question de nom : qu'il n'a jamais en. tendu disputer sur celui qu'on a donné aux premiers fondateurs de la vie monastique : qu'il a seulement soutenu que cette profession n'étoit pas encore connue du tems de Philon; & pour preuves il en apporte des témoignages précis,à ce qu'il prétend , des Peres de l'église, & auiquels il croit qu'on ne peut répondre. Il lui repete en plusieurs endroits ce qu'il avoit deja dit dans la premiere lettre; que si les Therapeutes ont été Chrétiens, ils ont été de vrais moines.

Mais comme dans cette même lettre il avoit dir , pag. 21, que ces femmes que les Therapeutes admettoient dans leurs assemblées , ne doivent pas être une raison pour empê

. cher le P. de Montfaucon de les reconnoître pour moines: qu'il lui avoir même apporté l'exemple de faint Pierre & des Apôtres qui menoient des femmes avec eux sans qu'on en fûc scandalisé : qu'il en pouvoit être de même des moines de ce tems-là, supposé, dit-il, qu'il y en eût, & que cette circonstance seule ne l'empêcheroit pas de croire que les Therapeutes ne fussent de veritables moines ; coniment pouvoir accorder cela , & ce qu'il dit en plusieurs endroits, que si les Therapeutes ont été Chrétiens, ils ont été de vrais inoines; avec ce que l'on lit à la pag. 274. de sa replique , que le commerce de ces Therapeutes avec les femmes, les danses dontils entrelassoient leurs prieres, leur jeûne le jour du Dimanche, sont des choses fi contraires à la discipline monastique,& mê. me chrétienne de tous les tems, qu'il admire comment cette prétendue ressemblance a pu tromper personne?

Si M. B*** avoit prouvé que les observations judaïques avoient toûjours été incompatibles avec le Christianisme, & qu'elles n'avoient jamais été tolerés dans l'église d'Alexandrie, je pourrois me rendre à ses raisons , &en regardant comme Juifs les Therapeutes,je ne rapporterois pas à ces sofitaires, l'origine & l'institution de la vie monastique ; mais lorsqu'Eufebe , faint Jerôme & un grand nombre d'autres Peres de l'église , & d'illustres écrivains , tane anciens que modernes, ont regardé les Therapeutes comme Chrétiens, quoique persuadez qu'ils avoient des observances judaïques, & que la plupart les ont reconnus pour les instituteurs de la vie monastique; je n'ai garde de m'éloigner de leur sentiment. M. B*** ne peut pas nier que l'église d’Alexândrie n'ait retenu beaucoup d'observances judaïques qui pouvoient s'accorder avec le Christianisme. Celles que pratiquoient les Therapeutes, & dont Philon a fait la description; n'ont pas empèché saint Jerôme de les reconnoître pour Chrétiens, & de dire que cer historien Juif; n'avoit fait l'éloge des premiers Chrétiens de l'église d'Alexandrie qui judailoit encore, que pour relever la gloire de la nation. Philo di fertilimus Judæo- Hier. de rum , videns Alexandriæ primam ecclesiam adhuc judaisantem, Er

clef. quafi in laudem gentis fuc , librum super corum conversatione scripsit

. M. Trillemont avoue que cette église étant compofée principalement de Juifs, retenoit encore beaucoup d'ob-pour l'hift.

Eoclefiaft. servations judaïques, & qu'on peut aflurer que tribue rien aux Therapeutes, qui ne s'accordât avec lc Page 102.

a

Mem.

Philon n'at. Tome 1.

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