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ftruire & former les nouveaux Solitaires, fi ce n'eft qu'cux- DESERTS mêmes : demandaffent enfin d'en fortir, ou que leur fanté DES CARou d'autres raisons ne leur permiffent pas d'y demeurer plus MES DElong-tems.

La principale fin de l'inftitution de ces deferts, eft que les Religieux qui y demeurent, fecourent toute l'églife, & profitent à tous les fideles, par leurs oraifons continuelles, parleurs veilles, leurs mortifications, & d'autres œuvres pieufes; c'eft pourquoi les conftitutions ordonnent que dans ces fortes de Monasteres, toutes les meffes feront offertes à Dieu & appliquées pour le progrès de l'églife, pour l'avancement fpirituel de l'Ordre, pour les obligations & neceffités du desert, & pour les bienfaicteurs de la congregation, fans qu'on puiffe recevoir aucunes aumônes pour les meffes, & tout ce qui eft neceffaire pour l'entretien des Religieux & pour leur nourri ture, doit être fondé & fuffifamment pourvu, fans qu'on foit obligé de recourir à l'affistance des feculiers.

par cette

Le filence y eft très-étroitement gardé : il n'eft permis à aucun Religieux tant de jour que de nuit, de dire un mot aux feculiers, ni aux Religieux; fi ce n'eft au fuperieur que chaque Religieux peut aller trouver quand il le juge à propos, &, quoiqu'ils puiffent fe fervir de fignes, & qu'ils portent tous une petite ardoise ou des tablettes qu'ils fe presentent les uns aux autres pour exprimer leurs neceffités, quand il s'en offre quelqu'une; il ne leur eft pas neanmoins permis d'ufer beaucoup de ces fignes, pour ne point violer voie la rigueur du filence. Cependant dans les grandes folemnités ou aux fêtes de premiere claffe, le fuperieur permet aux folitaires de parler après vêpres pendant une heure & demie feulement, de chofes fpirituelles; mais perfonne ne peut fe fervir de cette permiffion, s'il n'eft avec toute la communauté : enforte que les officiers qui font occupés à leurs fonctions, en étant feparés, ne peuvent dire un feul mot, non plus que dans le tems du grand filence.

Quoique l'abstinence foit rigoureuse dans les autres maifons, elle eft encore plus grande dans les deferts; car les Religieux y ont aux jours de jeûne un plat moins que dans les autres couvents; & tous les vendredis ils ne doivent vi de fruits & d'herbes crues ou cuites, ne pouvant man, ger ni œufs, ni poiffon, ni potage. Pendant l'avent & le

vre que

CHAUSSE'S

DESERTS Carême, ils ne mangent point non plus de beure, de laît, DES CAR- ni de fromage, ni autre chofe compofée de laitage, & la vieille MES DE- du mercredi des cendres, auffi-bien que le vendredi Saint, ils CHAUSSE'S jeûnent au pain & à l'eau.

Outre les tems deftinés à l'oraifon mentale dans les autres maifons, les Solitaires des deferts en font encore une demi-heure avant le dîner, & une autre demi-heure après matines, & ils y chantent l'office avec plus de paufe. Tous les quinze jours il y a une conference fpirituelle, l'été dans le grand enclos du defert, & l'hiver dans un lieu du couvent destiné pour cet exercice. Chacun y dit fon fentiment fur la matiere qu'on a propofé, & tous doivent apporter par écrit leur penfée pour la donner & la faire enregistrer dans le livre des collations fpirituelles, par le Religieux qui en a la charge.

Quoique la vie de ces Solitaires Canobites, paroiffe affez retirée, cependant l'amour de la folitude s'anime & s'augmente fi fortement parmi eux, qu'outre les cellules du cloître, qui font à la maniere de celles des Chartreux; ils ont encore dans leurs bois des cellules feparées, & éloignées du couvent d'environ trois ou quatre cens pas, où en certain tems de l'année on permet aux Religieux de fe retirer les uns après les autres pour y vivre dans une plus grande folitude & une plus grande abftinence, étant obligés de faire en leur particulier les mêmes exercices & aux mêmes heures que le refte de la communauté, & à chaque obfervance ils répondent par une petite cloche à celle de l'églife, pour avertir qu'ils vont s'unir avec leurs freres, dire aux mêmes heures qu'eux, les offices, faire avec eux leurs meditations,&prendre part aux autres exercices de la communauté. Ils y demeurent ordinairement trois semaines, quelquefois plus ou moins, felon la volonté du fuperieur, excepté ceux qui y vont au commencement de l'avent ou du carême pour y paffer tout ce tems de penitence. Le départ de ceux-ci fe fait avec ceremonie à l'exemple des anciens peres du defert; car le premier Dimanche de l'avent & le premier Dimanche de carême tous les Religieux affemblés, après avoir oui une exhortation, ceux qui ont obtenu du fuperieur la permiffion de demeurer dans ces ermitages, reçoivent publiquement la benediction, & s'y retirent enfuite. Ils n'y voyent jamais per

CHAUSSE'S

fonne, & ne vivent que de fruits & de quelques herbes crues DESERTS ou cuites mal affaifonnées. Les jours de Dimanche ces Ana- DES CARchoretes doivent fe rendre au Monaftere des Cœnobites MES DEpour y affister à tous les exercices communs, & s'en retournent aprés vêpres dans leurs ermitages, excepté les jours de conference; car ces jours - là ils ne s'en vont qu'après qu'elle eft achevée. Chaque femaine le fuperieur les va vifiter pour voir de quelle maniere ils fe conduisent dans leurs folitudes.

Lorfque le tems de la demeure d'un Religieux dans le defert prefcrit par l'obéiffance eft expiré, on affemble derechef la communauté comme en fon entrée. Les Religieux font un peu d'oraifon au chœur, & après avoir recité un Itineraire compofé de quelques devotes prieres, on mene le Solitaire dans le même lieu où on lui avoit donné des instructions en entrant. Le fuperieur commande encore à quelqu'un des affiftans de lui donner quelques avis falutaires, pour profiter du féjour qu'il a fait dans ce faint lieu, & ne pas oublier les exemples de vertu qu'il a vû pratiquer, ce qui est executé fimplement & avec charité.

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Les conftitutions défendent l'entrée de ces deferts aux perfonnes feculieres, de quelque condition qu'elles foient, pour prendre leur divertiffement dans l'enclos, foit pour y chaf fer, ou pour y pêcher, ou pour quelque autre récreation, de crainte qu'un fanctuaire d'oraifon & une retraite de penitence ne devienne un lieu de plaifir & de fenfualité. Ils ne peuvent y loger ou y être admis, à moins qu'ils n'ayent fondé ou bâti à leurs dépens quelque cellule ou ermitage ou que la congregation ne leur foit beaucoup redevable. L'entrée en eft auffi interdite aux Religieux même de la congregation, foit pour y être reçus en paffant par droit d'hofpitalité, foit pour voir la maifon, ou pour y faire leurs devotions,excepté aux definiteurs generaux,à moins qu'ils n'ayent permiffion par écrit du general ou du provincial. Le fuperieur du defert peut neanmoinsy recevoir par droit d'hofpitalité les Religieux des autres Ordres fans autre permiffion, & même leur donner le couvert pour une nuit feulement dans l'enceinte du desert.

Enfin ces fortes de couvents ne doivent pas être éloignées des villes où les Carmes Dechauffés ont des couvents, pour

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CHAUSSE ES EN FRANCE.

par

CARMELI-Y pouvoir facilement tranfporter les malades, de peur que TES DE- le foin & la follicitude des remedes, & le trouble caufé les exercices d'une infirmerie, n'alterent en quelque chofe la rigueur de l'obfervance reguliere ; & fi les Solitaires qui fortent de l'enceinte du defert, pour recouvrer leur fanté en quelqu'autre lieu, fe prefentoient dans cet intervalle pour y entrer, on leur refuferoit la porte; ils n'y peuvent être admis que lorfqu'étant parfaitement retablis, ils tournent pour y demeurer & y faire les exercices comme les

autres.

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Le pere Cyprien de la nativité de la Vierge, Defcription des deferts des Carmes Dechauffes. De Villefore, Vies des SS. Peres des deferts d'Occident, Tom. 2.

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CHAPITRE L.

Des Religieufes Carmelites Dechaußées en France.

'ETABLISSEMENT des Religieufes Carmelites de la reforme de fainte Therefe en France eft dû à la pieté & au zele de Mademoiselle Acarie, fille de Nicolas Aurillot, feigneur de Champlatreux près de Luzarche, maître des comptes à Paris, & femme de M. Acarie auffi maître des comptes. Plufieurs perfonnes en avoient deja eu la pensée; mais le malheur des tems en avoient empêché l'execution. Monfieur de Santeuil avoit été chargé le premier d'aller en Espagne pour amener quelques-unes de ces Religieufes en France, mais il n'en put obtenir aucune; Monfieur de Bretigni nereuffit pas mieux dans un fecond voyage qu'il fit auffi en Efpagne pour le même fujet. Ces difficultés ne rebuterent point Mlle. Acarie.Comme elle étoit pour lors le premier mobile de tout ce qui fe faifoit de grand pour le bien de l'églife, elle engagea M. de Berulle, qui fonda peu de tems après la congregation des prêtres de l'Oratoire, & fut enfuite cardinal, ď'al

ler

pour une troifiéme fois en Efpagne chercher de ces Religieufes. Il y alla, & malgré les oppofitions que le demon forma à fes deffeins, les embuches qu'il lui dreffa fur les chemins,& les dangers de mort où il le jetta, il revint en fanté à Paris, & y amena de Madrid fix Religieufes Carmeli

Soeur Converse de l'Ordre des Carmelites

91.

déchaussées.

P. Giffare S.

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