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MELITES

été auparavant fi favorable pour l'avancement de la refor. CARMES me, il lui fit défense de faire de nouvelles fondations, & lui ET CARmarqua comme pour prifon un couvent où elle devoit fe ren- DECHAUSfermer. Mais de quelle douleur cette fainte n'auroit-elle se's. point été penetrée, fi elle avoit vû la perfecution que les Reformés, les propres enfans, fufciterent au bienheureux Jean de la Croix, qu'ils devoient regarder & refpecter comme leur pere? Avant que ces defordres arrivaffent, cette fainte étoit morte à Albe l'an 1582. en revenant de Burgos, où elle avoit encore fondé un Monaftere de filles. Elle étoit âgée de foixante-fept ans fix mois & quelques jours, & avoit paffé quarante-fept ans en religion, fçavoir vingt- fept parmi les Ĉarmelites anciennes ou mitigées, & vingt parmi les dechauffées de fon institution.

Ce ne fut donc qu'après la mort que les reformés qui avoient traité le bienheureux Jean de laCroix avec beaucoup d'indignité, le priverent de tout emploi dans un chapitre general, & le chafferent honteufement de l'affemblée comme une pefte publique : ils le releguerent dans le plus miferable. Couvent qu'ils euffent à la campagne, avec ordre d'empêcher qu'il ne fut vifité de perfonne; & voulant fe defaire de lui, ils refolurent de l'envoyer aux Indes, fous pretexte de quelque miffion, mais Dieu l'arrêta par une violente maladie, & les fuperieurs l'envoyerent dans le couvent d'Ubeda ville de l'Andaloufie. Il y fut porté tout couvert d'ulceres par tout le corps, & y trouva le prieur, homme vindicatif, qui ne put diffimuler la fatisfaction qu'il avoit d'avoir en fa puiffance celui qu'il regardoit comme fon ennemi, parce qu'il l'avoit repris de quelques defauts lorfqu'il étoit fon fuperieur. Il lui refufa tous les foulagemens neceffaires, & défendit même aux Religieux de l'aller confoler. Ce fut au milieu de ces maux & de ces perfecutions, que ce faint homme, après les avoir foufferts avec beaucoup de patience, de douceur, & d'humilité, rendit tranquillement fon efprit à fon Createur 14.Decembre de l'an 1591. Dieu fit connoître après la mort la fainteté & la gloire de fon ferviteur par plufieurs miracles, qui ont enfin obligé le pape Clement X. à le beatifier l'an 1675.

le

Sainte Therefe avoit eu la confolation en mourant de voir plus de dix-fept couvens de filles, & quinze d'hommes de

CARMES fa reforme. Son inftitut fut porté de fon vivant aux Indes, & BT CAR- après la mort il s'étendit en Italie, en France, dans les PaysMELITES Bas, & dans toutes les provinces de la Chrétienté. Ces mai

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fons de reforme demeurerent d'abord fous l'obéïffance des anciens provinciaux mitigés, ayant feulement des prieurs particuliers pour maintenirla nouvelle difcipline. Cette union fubfifta jufqu'en l'an 1580. que Gregoire XIII. à la prière de Philippe II. roi d'Espagne, fepara entierement les reformés d'avec les mitigés, fous l'obéïffance d'un provincial particulier, foûmis neanmoins au general de tout l'Ordre, Sixte V. en 1587. voyant que les couvens fe multiplioient, ordonna qu'ils feroient divifés par provinces, & leur permit d'avoir un vicaire general, ce qui fubsista jusqu'en l'an 1593, que le pape Clement VIII. fepara entierement les reformes d'avec les mitigés, & permit aux reformés d'élire un general: le même pape en 1600. fepara encore les reformés en deux congregations differentes, fous deux differens ge,

neraux.

Dès l'an 1586. ils avoient obtenu un couvent à Gennes, le papeClement VIII. leur offrit un autre établissement à Rome l'an 1597. qui est celui qu'ils poffedent prefentement fous le nom de Notre-Dame della Scala. Mais les Espagnols s'y oppoferent, pretendant que la reforme de fainte Therefe ne devoit pas fortir hors du royaume d'Espagne, & le roi Philippe II. ordonna même à fon Ambaffadeur à Rome d'empêcher que ces Religieux ne s'y établiffent. Nonobftant ces oppofitions, le pape voulut qu'ils priffent poffeffion de cette Eglife de Notre-Dame della Scala le 2. Fevrier 1596. c'est ce qui a donné lieu à la divifion des Carmes dechauffés en deux congregations differentes. Car ce pontife par un bref du deuxième Mars 1597. ordonna que les couvens de Gennes, de Rome, & un autre de Religieufes qui étoit auffi à Gennes, ne dependroient plus du general ni des Religieux Efpagnols, & feroient foumis à la jurifdiction du Cardinal Pinelli, pour lors protecteur de l'Ordre ; & l'an 1600. il érigea ces trois couvens en congregation, leur donnant un commissaire general. Ils ont eu dans la fuite un general, & cette congre, gation qui fe nomme de faint Elie s'eft fi fort multipliée qu'elle a prefentement dix-fept provinces en France, en Italie, en Allemagne, en Pologne, en Flandre & en Perfe,

dans lesquelles il y a plus de trois mille Religieux.

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Celle d'Efpagne qui a fix provinces, & qui s'eft étendue ET CARjufques dansles Indes, n'eft pas moins nombreufe, & les deux MELITES congregations ont des maifons profeffes, noviciats & colle- DECHAUS ges. Quelques-uns de ces couvens ont des rentes, d'autres ne poffedent rien. Dans chaque province il doit y avoir un ermitage ou defert, dont nous parlerons dans le chapitre fuivant, en rapportant auffi les obfervances qu'on y pratique. Quant à celles des autres maifons, les Religieux fe levent à minuit pour dire Matines, excepté dans les maifons d'études ou colleges. Ils ont deux heures d'oraifon par jour, l'une le matin, l'autre après vêpres. Ils prennent la difcipli-ne tous les lundis, mercredis & vendredis après complies. Ils ne mangent jamais de viande, à moins qu'ils ne foient sur mer; dans les voyages ils peuvent manger des legumes ou herbages cuit avec la viande. Ils jeûnent depuis la fête de l'exaltation de fainte Croix jufqu'à Pâques, tous les vendre dis de l'année : les veilles des fêtes de la Vierge, du Prophete Elie, du Saint facrement, la veille de faint Marc, fi elle n'arrive pas un dimanche, & les trois jours des Rogations. Aux jeunes d'Eglife on ne leur donne à la collation que quelques fruits fans pain, ou un peu de pain fans fruits, & le Vendredi-Saint ils le jeûnent au pain & à l'eau. Leurs freres donnés ou convers font deux ans de noviciat, après lefquels ils ne font que des voeux fimples. Lorfqu'ils ont demeuré cinq ans dans l'Ordre, ils font admis à un fecond noviciat d'un an, après lequel ils font profeffion folemnelle; mais s'ils ont refté fix ans dans l'Ordre, fans demander à faire la profeffion folemnelle, ils n'y font plus reçûs dans la fuite, & doivent demeurer dans leur vocation fous l'obligation des vœux fimples.

Les Religieufes font foumifes aux fuperieurs de l'Ordre en quelques endroits, & en d'autres aux ordinaires des lieux, Elles doivent vivre d'aumône & fans aucuns revenus aux villes riches; autant que cela fe peut faire commodément, & aux lieux où elles ne peuvent pas vivre des aumônes feules,il leur eft permis d'avoir du revenu en commun. Aux Monaf teres qui font rentés l'on n'y peut recevoir plus de quator ze filles, jufqu'à ce qu'il y ait du revenu fuffifant pour en avoir davantage, fi ce n'eft que quelqu'une apportât à la vêture

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CARMES du bien fuffisamment pour en nourrir plus que les quatorze. ET CAR- Aux Monafteres qui font pour être pauvres & non rentés, MELITES le nombre des Religieufes du choeur ne doit être que de treize, & dans les couvens rentés, il ne peut y en avoir plus de vingt y compris les Sœurs converfes. En été elles fe levent à cinq heures, & font oraifon jufqu'à fix. En hiver elles fe levent à fix heures, & font oraifon jufqu'à fept, & avant le fouper elles ont encore une heure d'oraifon. Elles jeûnent depuis l'Exaltation de la fainte Croix jufqu'à Pâques, ne mangent jamais de viande, fi ce n'eft dans les maladies; & aux jeunes d'Eglife & tous les vendredis de l'année, excepté ceux qui font entre Pâques & la Pentecôte, elles ne mangent ni œufs ni laitages. Le filence leur eft recommandé depuis complies qu'elles difent après fouper, jufqu'à Prime du lendemain.Ou tre les difciplines de verge au jour qu'on fait de la ferie en carême ou en avent, & en tout tems, les lundis, mercredis, & vendredis, elles la prennent encore tous les vendredis de l'année pour l'augmentation de la foi, la confervation de la vie, & des Etats des princes fouverains, pour les bienfaicteurs pour les ames du purgatoire, les captifs, & ceux qui font en peché mortel, & ce durant l'espace d'un Miferere, & quelques oraifons.

Ces Religieufes auffi-bien que les Religieux ont une tunique & un fcapulaire de couleur minime, & un manteau blanc etroit. Les Religieux mettent par deffus le manteau un capuce, auffi blanc, & les Religieufes leur fcapulaire par deffus la guimpe. Les uns & les autres couchent fur des paillaffes pofees fur trois ais. Les Religieux vont nuds pieds avec des fandales de cuir, & les Religieufes ont pour chauffure des fouliers ou fandales de cordes que les Efpagnols appellent Alpergates, & des bas d'une étoffe groffiere comme la robe.

Outre les deux congregations des Carmes dechauffés dont nous avons parlé, il y en eut une troifiéme qui prit auffi naiffance en Italie, mais qui fut fupprimée dans fon berceau. Dès le commencement de la feparation des deux congregations d'Efpagne & d'Italie, il y eut de la conteftation entre elles au fujet des Religieux de cette reforme, que les papes Clement VIII. & Paul V. envoyerent en Perfe en 1604. & 1605. en qualité de Miffionnaires Apoftoliques. Ceux d'Espagne pretendoient que d'envoïer des Religieux dans les pais êtran

tres,

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gers, c'étoit aller contre l'efprit de leur reforme. Ceux d'I- CARMES talie foutenoient au contraire que ces fortes de miffions ET CARétoient conformes à l'efprit de la Reforme. Il y cut même des Efpagnols qui entrerent dans leur fentiment, entre au- SE's." le pere Thomas de Jefus, qui écrivit en faveur des Italiens. Mais comme c'étoit un faint homme qui avoit un grand zele pour le falut des ames, & qu'il apprehendoit que ces conteftations n'empêchaffent les fruits que les miffionnaires de leur reforme pourroit faire, il perfuada à Paul V. d'érigerune congregation deCarmes dechauffés, dont la fin feroit uniquement de procurer le falut des ames dans les pays étrangers, foit parmi les infidelles, foit parmi les fchifmatiques & heretiques. Il s'affocia pour cet effet avec quelques Religieux des congregations d'Efpagne & d'Italie, & obtint du pape un bref du 22. Juillet 1608. qui les exemtoit de la jurifdiction de ces deux congregations, & les incorporoit dans une nouvelle congregation que fa Sainteté érigeoit fous le nom de S. Paul, pour travailler à la converfion des infidelles, & nommoit le P. Thomas pour commiffaire general de cette nouvelle congregation. On avoit déja commencé un Monaftere pour les Religieux de cette congregation proche la place Farneze à Rome, lorfque les deux congregations d'Espagne & d'Italie, s'étant accordées enfemble, obtinrent du pape la fuppreffion de cette nouvelle congregation par un bref du 7. Mars 1613. qui portoit auffi que le Monaftere qui avoit été commencé proche l'Eglife de fainte Sufanne, aux Thermes de Diocletien, ferviroit pour toûjours de feminaire pour les miffionnaires, qui feroient deftinez pour la converfion des infidelles & des heretiques. Ce monaftere étant en état d'être habité, le P. Jean de Jefus qui étoit pour lors general, obtint du même pontife l'érection de ce feminaire fous le titre de la converfion de faint Paul, & que les trois mille écus Romains que le Baron Cacurri avoit laiffés par fon teftament pour les miffions des Carmes dechauffés, y feroient appliqués. L'on y fit venir l'an 1620. deux Religieux de chaque Province, qui donnerent commencement à ce feminaire des miffions, dans ce couvent de la converfion de faint Paul qui a été appellé dans la fuite Notre-Dame de la Victoire. Mais comme il y eut quelques differends entre le general fes definiteurs, & les peres de la province de Rome, au fu

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