DECHAUS encouragée par le general même qui lui écrivit plusieurs fois CARMES pour poursuivre une si bonne œuvre ; & ne se contentant pas ET CARde simples lettres & d'exhortations, il crut être obligé d'em. MELITES ployer toute son autorité pour faire reussir un si bon dessein, S'ES. & de faire un commandement exprès à la Sainte de le pourfuivre. Elle prit donc les mesures necessaires pour cela, & pendant qu'elle y travailloit fortement, l'occasion se presenta de faire une nouvelle fondation pour ses Filles à Medina-del-Campo. Elle fortit d'Avila pour ce sujet, & la fondation étant achevée, elle chercha des sujets propres pour commencer la reforme des Religieux. Elle en parla au Pere Antoine d'Heredie prieur des Carmes de Medina: elle fut fort surprise, lorsque ce Pere qui étoit âgé de plus de foixante ans, s'offrit à elle pour embrasser le premier la reforme, ajoûtant que Dieu l'appellant à un genre de vie plus austere que celui qu'il avoit embrassé, il étoit resolu d'entrer chez les Chartreux, dont il avoit déja obtenu le confentement. Mais la Sainte ne trouvant pas dans sa personne ni l'esprit ni les forces necessaires pour donner commencement à un Ordre austere, elle lui conseilla de surseoir l'execution de son dessein, & de s'exercer cependant dans la pratique des choses qu'il esperoit vouer. Elle trouva le P. Jean de saint Mathias plus propre pour fon dessein. C'est celui qui a été dans la suite fi connu sous le nom de Jean de la Croix, depuis qu'il embrassa cette reforme dont il a été un des principaux instrumens avec sainte Therese. Il étoit fils de Gonçalo d'Yepés & de Catherine Alvarez, & nâquit l'an 1542. à Ontiveros, bourg de la vieille Castille au diocese d'Avila. Ses parens qui étoient de mediocre fortune, & obligés de vivre du travail de leurs mains, ne se trouverent pas en état d'envoyer leur fils aux études; mais il trouva des patrons qui voulurent bien se charger de son éducation. Il répondit si bien aux intentions de ses bienfaicteurs, qu'il se rendit en peu de tems habile dans les sciences, & conserva son innocence & la pureté des mœurs parmi tous les dangers de la jeunesse. A l'âge de vingtun ans, voulant embrasser un genre de vie, il crut qu'il ne pouvoit pas mieux faire, pour se garantir des pieges que le monde lui tendoit, que d'y renoncer entierement, & de se retirer dans une maison religieuse, comme dans un azile & un port assuré. Il choisit pour cet effet celui de sainte Anne dans X x iij CARMES MELITES SEʼES. la ville de Medina-del-Campo, qui étoit de l'Ordredes CarET CAR- mes. S'étant presenté pour y être reçû, il y fut admis fans peine, on lui donna l'habit religieux avec le nom de Jean de DECHAUS Taint Mathias. Il ne se contenta pas de faire paroître beau. coup de ferveur pendant son noviciat, il la redoubla après sa profession, & il pratiquoit tant d'austerités, que les Religieux de fa maison qui étoient déchûs de leur ancienne obfervance en furent allarmés. Sa pieté n'étoit pas moindre que sa mortification, il se retiroit de la compagnie des hommes pour ne s'entretenir qu'avec Dieu dans l'oraison : de forte que les fuperieurs le voyant si avancé dans la voie de la perfection, l'obligerent de recevoir l'Ordre de prêtrise, lorsqu'il eut atteint l'âge de vingt-cinq ans. Il ne se vit pas plûtôt revêtu de cette nouvelle dignité, que confiderant les nouvelles obligations où il étoit engagé, il souhaita une vie plus austere & plus reguliere que celle que l'on menoit chez les Carmes. Après avoir long-tems consulté Dieu, il prit la resolution de passer dans l'Ordre des Chartreux: il travailloit actuellement à se faire recevoir dans la Chartreuse de Segovie, lorsque sainte Therese vint à Medina-del-Campo. Il y arriva dans le même tems du couvent de Salamanque où il étudioit pour lors, & étoit venu pour accompagner un Religieux, qui parla de lui si avantageufement à la Sainte, qu'elle souhaita de le voir. Il lui découvrit le dessein qu'il avoit de se faire Chartreux; mais elle lui parla de la reforme des Religieux de son Ordre qu'elle meditoit, elle lui conseilla de differer sa resolution, jusqu'à ce qu'elle eût trouvé un Monaftere, de ne point quitter son Ordre, mais de demeurer fidele dans sa vocation, & de faire fervir plûtôt son zele à rétablir cet institut dans sa premiere ferveur. enfin elle l'exhorta dans des termes si pressans, qu'il renonça à sa premiere résolution, & promit à la Sainte de faire tout ce qu'elle lui prescriroit. Sainte Therese ayant ainsi gagné deux Religieux pour commencer sa reforme, il lui sembla que tout étoit fait, mais comme elle n'avoit point encore de maifon, elle differa encore un peu à la commencer. Elle fut à Alcala, où on la follicitoit fort d'aller, pour regler un couvent de Carmelites qu'une certaine Mere Marie de Jesus y avoit fondé fous une reforme particuliere & differente de la fienne. Elle modera SE'S. leurs grandes austerités, & leur donna les constitutions CARMES qu'elle avoit dressées pour son premier Monastere de faintET CARJoseph d'Avila; mais elle ne putpas obtenir d'elles de se fou- MELITES mettre à l'obéissance de l'Ordre. Il y a eu depuis dans la même DECHAUS ville un couvent de sa reforme, qu'on appelle les Carmelites du saint Sacrement ou de Corpus Chrifti, pour les diftinguer des autres Carmelites de la Mere Marie de Jesus qu'on appelle de l'Image. Après avoir satisfait aux desirs de la fondatrice de ce couvent, elle fut à Malagon pour y faire un nouvel établissement de Filles, où parut la premiere dispense de ses constitutions sur le point de la pauvreté & de la desapropriation; car par l'avis des plus sçavans hommes, elle fouffrit que cette maison eût des rentes. Après avoirachevé cette fondation, elle partit pour en aller commencer une autre à Valladolid; mais en passant par Avila, elle fut visiter son premier Monaftere, & fut fort surprise, lorsqu'un gentilhomme de cette ville nommé dom Raphaël Megia Velasquez la vint trouver; pour lui dire qu'ayant appris son arrivée & qu'elle souhaitoit fonder un couvent de Carmes Déchauffés, il lui offroit pour ce sujet une maison de campagne qu'il avoit à Durvelle. La Sainte benit les ordres secrets de la Providence, qui secondoit ainsi ses desirs & faisoit reussir si favorablement son entreprise. Ayant doncaccepté les offres de ce gentilhomme, elle lui promit qu'allant à Medina del Campo, pour se rendre à Valladolid, elle passeroit par cette maison de Durvelle, qui n'étoit pas éloignée de son chemin. Elle partit à la fin du mois de Juin de l'an 1568. accompagnée d'Antoinette du Saint-Esprit & du P. Julien d'Avila, & après s'être écartée de la route, & fait plusieurs detours, ne rencontrant personne qui lui pût indiquer le chemin de Durvelle, ce lieu étant peu connu, elle y arriva enfin avec beaucoup de peine. La vûe de cette chetive maison que la Sainte destinoit pour un chef-d'œuvre, étoit capable de refroidir & d'abattre tout autre courage que le sien; car ce logis étoit seul en pleine campagne, expose de toutes parts à la rigueur des vents & aux ardeurs du soleil, proche d'un petit ruisseau nommé Rioalmar. Il ne consistoit qu'en un portique raisonnable, à côté duquel il y avoit une chambre fort petite & si basse, qu'on touchoit presque le plancher avec la tête: le dessus étoit un galletas fi renfermé, que la lumiere n'y ! |