CARME- pendant ce tems-là, poursuivit un bref à Rome pour l'exeLITES DE- cution de la reforme. Il fut expedié l'an 1562. la troifiéme _CHAUSSEʼES. année du pontificat de Pie IV. au nom de la dame Guiomar d'Ulloa & de fa mere Aldonze de Guzman, ausquelles il permettoit de pouvoir bâtir un Monastere de Religieuses en tel nombre & fous tel titre qu'elles voudroient, à condition qu'il feroit de l'Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel. Il ne resta plus qu'une difficulté, qui étoit que le bref foumettant le nouveau Monastere à la jurifdiction de l'évêque d'Avila, ce prelat avoit peine à donner fon consentement à cet établissement, considerant que će Monastere n'avoit aucun revenu afsfüré; mais S. Pierre d'Alcantara le fit condescendre à recevoir le bref, & à se rendre comme le fondateur & le protecteur de ce premier Monaftere. La Sainte ne perdit pas un moment pour profiter des bonnes volontés de fon prelat; elle n'avoit qu'une fort petite maison pour composer ce premier Monastere, elle y choisitle lieu qui lui parut le plus decent pour faire une chapelle ; une chambre joignante servit comme de chœur aux Religieuses; tout y étoit si pauvre, que la cloche dont elle se servoit pour appeller les Religieuses à l'office, ne pesoit pas plus de trois livres. Ce Monaftere fut dedié sous le nom de S. Joseph. Il ne restoit plus que de le peupler de saintes Filles. Therese fit choix de quatre orphelines dont sa niece étoit du nombre.Le jour qu'on celebra la premiere Messe dans ce Monaftere, elles se presenterent à la grille vêtues d'une grosse serge couleur minime, la tête couverte d'un gros linge, & les pieds nuds. Un prêtre qui en avoit reçû commission de l'évêque les reçut en l'Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel, & elles s'offrirent aussi de leur part, de garder inviolablement jusqu'à la mort, la regle primitive de faint Albert patriarche de Jerufalem, felon la declaration d'Innocent IV. Cette nouveauté causa un grand trouble dans le Monastere de l'Incarnation. La superieure envoya fur le champ un commandement à la Sainte d'y retourner, elle obéit à l'heure même, & partit après avoir pris congé de ses quatre novices. Elle rendit compte de son procedé avec tant de difcretion, d'humilité, de foumission & de dépendance, que la superieure en fut fatisfaite. Mais le peuple de la ville s'émut de telle forte contre cette nouvelle fondation, qu'il couroit en foule pour renverser le nouveau Monaftere, lorsqu'il en fut em- CARMEpêché par les magistrats ; & dans une assemblée de la villeLITES DE qui se fit à cette occasion, où le gouverneur étoit d'avis qu'on CHAUSrafat le Monastere, on semettoit déja en execution de le fai. SE ES. re, lorsque le discours qu'un Religieux de l'Ordre de S. Dominique fit pour la défense de cette reforme naissante, arrêta la fureur du peuple & calma les esprits. Il y eut ensuite quelques autres conferences à ce sujet, où on proposa des voies d'accommodement: celles qui étoient proposées par le gouverneur de la ville, étoient que le Monaftere fût renté. Mais Therese, bien loin de confentir à cet accord, obtint au contraire dans le même tems un autre bref de Rome, qui lui permettoit & à ses Religieuses de ne posseder aucuns biensni en commun ni en particulier, & de pouvoir vivre des aumônes & des charités des Fideles; & elle obtint ensuite de fon provincial la permiffion, non seulement de retourner au couvent de S. Joseph; mais encore d'y mener avec elle quatre Religieuses du Monastere de l'Incarnation. A fon arrivée elle établit le gouvernement de la maison, elle ne voulut point être fuperieure, & diftribua les charges & les offices aux quatre Religieuses qu'elle avoit amenées. Quelques filles se presenterent ensuite pour être reçues dans ce Monaftere, & le peuple délivré de la passion qui le préoccupoit, n'eut plus que de l'estime pour la Sainte & pour fes Religieufes, & leur envoyoit des aumônes sans qu'elles les demandassent. Sainte Therese avec les quatre compagnes qui étoient forties du Monastere de l'Incarnation, prit l'habit de la nouvelle reforme, avec le nom de Jesus, au lieu de celui d'Ahumade qu'elle avoit porté jusqu'alors. Elle reçut ensuite un commandement de l'évêque pour accepter la superiorité, & se voyant en paix dans son Monaftere, elle fit des constitutions qui furent approuvées par le pape Pie IV. le 11. Juillet 1562. Sa communauté fut composée de treize Filles seulement, l'ayant fixée à ce nombre, & elle ne voulut point recevoir de fœurs converses, afin que toutes les Religieuses se servifsent reciproquement. Mais cela a été changé dans la suite, le nombre de vingt Filles ayant été fixé pour les communautés qui sont soumises à l'Ordre; & celles qui sont sous les ordinaires des lieux ne sont point fixées, y en ayant quelques-unes où il y a près de cent filles & quelquefois davantage; CARMES l'on y reçoit aussi des fœurs converses. Tels furent les comET CAR- mencemens de la reforme de sainte Therese, dont nous al MELITES DECHAUS- lons voir le progrès dans le chapitre suivant. CHAPITRE XLVIII. Continuation de l'origine des Carmelites Dechauffées, où il est parlé de la reforme des Carmes Déchauffés, avec la Vie du B. Jean de la Croix, premier Carme Déchaußé, Coadjuteur de Sainte Therese dans cette reforme. SAIN AINTE Therese qui avoit reçû de grandes contradictions de la part des hommes dans l'établissement du premier Monastere de Filles de sa nouvelle reforme, ne se rebuta point pour cela. Elle poursuivit son entreprise, & ce cœur genereux qui venoit de remporter une si glorieuse victoire, ne s'effraya pas de toutes les difficultés qu'elle prévoyoit bien devoir s'opposer au dessein qu'elle conçut aussi d'établir la même reforme parmi les Religieux. Il n'y avoit que son humilité qui la retenoit en quelque façon, & qui lui reprefentoit qu'une entreprise si relevée ne devoit pas être confiée à la foiblesse d'une femme. L'arrivée du Pere Jean-Baptiste Rubeo general de l'Ordre, qui vint en Espagne pour faire ses visites, avança l'execution de cette entreprise; car elle prit occafion de lui communiquer fon dessein dans une conference qu'elle eut avec lui. A la verité il s'y opposa d'abord à cause des Religieux mitigés, qui ne vouloient point entendre parler de reforme; mais il ne put refuser aux prieres de l'évêque d'Avila, Dom Alvarez de Mendoza, la permission que fainte Therese demandoit : il en ajoûta même une autre à laquelle elle ne s'attendoit point, & qu'elle ne lui avoit point demandée, qui étoit de pouvoir fonder un plus grand nombre de Monasteres de Filles, à condition que ces Monafteres seroient foumis à l'obéissance des fuperieurs de l'Ordre. Cette derniere lui fut accordée par écrit avant la premiere, & elle ne reçut les patentes de l'autre que quatre mois après, le general les lui ayant envoyées de Valence. Sitôt qu'elle les eut reçues, elle chercha les moyens pour faire l'établissement du premier Monastere des Carmes Déchauffés, Elle fut |