CARME- A ces differentes reformes de l'Ordre de Notre-Dame du LITES DE- Mont-Carmel, nousjoindrons l'Ordre des Indiens, que FranCHAUSSE'S çois Modius, & quelques autres auteurs, disent avoir été une branche de celui du Carmel; & dont ils mettent l'institution l'an 1506. sous le pontificat de Jules II. Alexandre Roff croit qu'on leur donna le nom d'Indiens, à cause qu'ils avoient pris la resolution d'aller en mission dans les Indes nouvellement découvertes, pour y travailler à la conversion des idolâtres. Ils avoient des robes noires, avec des tuniques ou vestes blanches sans manches, y ayant seuleinent une ouverture de cha. que côté pour passer les bras, & ces tuniques descendoient jusqu'à mi-jambe. Il y a de l'apparence que cet Ordre ne fubsista pas long-tems. Francifc. Modius, de origine Ord. Ecclef. & Alexand. Roff, des Relig. du Monde II. Divis. : CHAPITRE XLVII. Des Religieuses Carmelites Dechaußées, avec la vie de fainte D E toutes les reformes de l'Ordre du Carmel, il n'y en a point de plus confiderable que celle qui a été faite par sainte Therese. Elle nâquit à Avila ville du royaume de Castille le 12. Mars 1515. Son pere qui étoit un gentilhomme des plus qualifiés du pays, se nommoit Alfonse Sanchez de Cepede, & épousa en secondesnôces Beatrix d'Haumade. Ils eurent sept garçons & deux filles, dont la premiere fut notre Sainte, qui jusqu'à sa profession religieuse qu'elle prit le nom de Jesus, porta toûjours celui d'Haumade, suivant l'usage du royaume d'Espagne, que les enfans prennent souvent le nom de la mere, & non celui du pere. Comme ses parens joignoient à leur noblesse une pieté solide, & que fon pere étoit un homme d'honneur & de probité, droit, fincere, charitable envers les pauvres, compassible envers les malades & les miferables, & aimant beaucoup la lecture des bons livres ; il eut un grand soin d'imprimer de bonne heure ces sentimens dans le cœur de ses enfans : ainsi la jeune Therese n'ayant encore que fix à septans, sout : û bien profiter de ses bons exemples, que la lecture des vies CARMEdes Saints faifoit toutes ses delices, & qu'elle y emploïoit LITES DEordinairement tout le tems que les autres enfans ne donnent CHAUSqu'aux jeux & aux divertissemens. Quoiqu'elle aimât ses fre- SEES res également, neanmoins Rodrigue de Cepede, qui étoit son aîné de quatre ans, sembloit avoir sa confiance plus que les autres : c'étoit ordinairement avec lui qu'elle faifoit ses lectures, & en confiderant les tourmens que les martyrs avoient endurés pour posseder le royaume du ciel, il lui sembloit qu'ils l'avoient acheté à bon marché. Souhaitant de mourir à ce prix, pour acquerir en peu de tems un si grand tresor, elle deliberoit souvent avec son frere, fur les moyens qu'ils pouvoient prendre pour cela. Il leur sembla que le meilleur étoit d'abandonner la maison de leurs parens, & de s'en aller dans le pays des Maures, afin d'avoir occasion de perdre la vie parmi ces infideles. Ils partirent à ce sujet de la maison de leur pere; mais un de leurs oncles les ayant rencontrés, & les ayant arrêtés pour sçavoir où ils alloient ainsi seuls', les ramena à leurs parens qui en étoient beaucoup en peine. Rodrigue ayant decouvert à sa mere leur def sein, elle leur défendit de fortir seuls sans être accompagnés d'un domestique : c'est pourquoi la tentative qu'ils avoient fait d'aller chercherle martyre, n'ayant pas réussi, ils prirent une autre resolution, qui fut de vivre comme des ermites pour imiter les peres des deserts dont ils avoient lû les vies, ils demeuroient presque les jours entiers dans leur jardin, bâtissants de petits ermitages comme s'ils eussent voulu s'y enfermer. Mais la lecture des romans leur fit perdre en peu de tems cette fatisfaction qu'ils prenoient dans celle des livres de pieté, leurs bons desirs se refroidirent; & après la mort de leur mere qui arriva l'an 1527. Therese qui n'avoit que douze ans, perdit aussi les sentimens de la crainte de Dieu qu'elle avoit conservés jusqu'à cet âge, & cela pour avoir souffert des conversations un peu trop libres avec quelques-uns de fes parens, & pour avoir trop donné dans la vanité & les ajustemens à la perfuafion d'une de ses cousines, qui n'avoit que des pensées mondaines. Elle s'entretint dans ces sentimens jusqu'à l'âge de quatorze ans, que son pere s'étant apperçu du peril où elle s'exposoit, la mit en pension dans le Monastere de CARME- faint Augustin d'Avila, où elle entra au commencement de LITES DE- l'an 1531. CHAUS- D'abord ce changement de vie l'effraya; mais peu de tems après elle trouva de grandes douceurs dans la compagnie des Religieuses de ce Monastere, elle n'eut plus que du degoût pour les vanités du fiecle, & les vertueuses inclinations de ses premieres années se reveillerent. Bien loin d'avoir de l'aversion pour la vie religieuse, elle en conçut au contraire un grand defir; mais une bonne amie qu'elle avoit dans le Monastere de l'Incarnation des Carınelites de la même ville, lui fit preferer ce dernier à celui où elle étoit pensionnaire, & qui lui paroissoit trop auftere, ne croyant pas que fon temperament pût fupporter la rigueur de l'observance qu'on y gardoit. Une maladie qui lui survint, obligea fon pere de l'en faire fortir, à peine fut-elle guerie, qu'elle entra d'elle même dans le couvent des Carmelites d'Avila l'an 1535. Elle y prit l'habit le 2. Decembre 1536. étant âgée d'environ vingtun ans & demi. Dieu la combla pendant son noviciat de gra. ces si extraordinaires, & elle s'acquitta de ses devoirs avec tant d'exactitude, de foûmission & d'obéissance, que les Religieuses, nonobstant ses infirmités qui étoient grandes, & la foiblesse de sa complexion, la reçurent à la profession. Mais peu de joursaprès avoir prononcé ses vœux, elle fut attaquée demaux de cœur fi furieux, accompagnés de plusieurs autres indispositions, qu'elle fut reduite à l'extremité; c'est pourquoi comme on ne gardoit point de clôture dans ce couvent, son pere voulut lui faire changer d'air & éprouver les remedes d'une femme qui demeuroit à Bécedas, qui avoit le fecret de guerir de semblables maladies. Comme on étoit au commencement de l'hiver, elle alla en attendant le printems chez sa sœur aînée qui demeuroit à la campagne : elle fit en passant quelque sejour chez dom Pierre Sanchez de Cepede fon oncle, qui ayant reconnu qu'elle s'adonnoit à l'oraison mentale, lui mit entre les mains un excellent livre qui enfeignoit la methode pour la bien faire : elle le lut avec tant d'avidité, & le trouva fi conforme à fon inclination, que ce livre lui tint lieu de maître & de conducteur. Elle demeura pendant l'hiver chez sa sœur presque toujours dans la folitude & la retraite : lorsque le printems fut venu, fon pere la mena à Bécedas, ou elle devoit prendre les remedes ১ |