SE'ES G bien profiter de ses bons exemples, que la lecture des vies CARME. des Saints faisoit toutes ses delices , & qu'elle y emploïoit Lites Deordinairement tout le tems que les autres enfans ne donnent Chaus CHAUSqu'aux jeux & aux divertissemens. Quoiqu'elle aimât ses freres également, neanmoins Rodrigue de Cepede , qui étoit son aîné de quatre ans , sembloit avoir la confiance plus que les autres : c'étoit ordinairement avec lui qu'elle faisoit les lectures , & en considerant les tourmens que les martyrs avoient endurés pour posseder le royaume du ciel , il lui sembloit qu'ils l'avoient acheté à bon marché. Souhaitant de mourir à ce prix , pour acquerir en peu de tems un si grand tresor , elle deliberoit souvent avec son frere , sur les moyens qu'ils pouvoient prendre pour cela. Il leur sembla que le meilleur étoit d'abandonner la maison de leurs parens, & de s'en aller dans le pays des Maures, afin d'avoir occasion de perdre la vie parmi ces infideles. Ils partirent à ce sujet de la maison de leur pere ; mais un de leurs oncles les ayant rencontrés , & les ayant arrêtés pour sçavoir où ils alloient ainsi leuls, les ramena à leurs parens qui en étoient beaucoup en peine. Rodrigue ayant decouvert à sa mere leur defsein', elle leur défendit de sortir seuls sans être accompagnés d'un domestique : c'est pourquoi la tentative qu'ils avoient fait d'aller chercher le martyre, n'ayant pas réussi, ils prirent une autre resolution, qui fut de vivre comme des. ermites, pour imiter les peres des deserts dont ils avoient lù les vies, ils demeuroient presque les jours entiers dans leur jardin , bâtissants de petits ermitages comme s'ils eussent voulu s'y enfermer. Mais la lecture des romans leur fit perdre en peu de tems cette satisfa&tion qu'ils prenoient dans celle des livres de pieté , leurs bons desirs le refroidirent; & après la mort de leur mere qui arriva l'an 1527. Therese qui n'avoit que douze ans, perdit aussi les sentimens de la crainte de Dien qu'elle avoit conservés jusqu'à cet âge , & cela pour avoir souffert des conversations un peu trop libres avec quelques-uns de ses trop donné dans la vanité & les ajustemens à la persuasion d'une de ses cousines, qui n'avoit pensées mondaines. Elle s'entretinc dansces sentimens jusqu'à quatorze ans, que son pere s'étant apperçu du peril où elle s'exposoit , la mit en pension dans le Monastere de parens, & pour avoir que des l'âge de CHAUS Carme- saint Augustin d'Avila , où elle entra au commencement de LITES DE- l'an 1531. D'abord ce changement de vie l'effraya ; mais peu de tems SE'ES. après elle trouva de grandes douceurs dans la compagnie des Religieuses de ce Monastere , elle n'eut plus que du de- . goût pour les vanités du siecle , & les vertueuses inclinations de ses premieres années se reveillerent. Bien loin d'avoir de l'aversion pour la vie religieuse, elle en conçut au contraire un grand desir ; mais une bonne amie qu'elle avoit dans le Monastere de l'Incarnation des Carinelites de la même ville, lui fic preferer ce dernier à celui où elle étoit pensionnaire, & qui lui paroissoit trop austere, ne croyant pas que son tempe- . rament pûc fupporter la rigueur de l'observance qu'on y gardoit. Une maladie qui lui survint, obligea fon pere de l'en faire sortir ; à peine fut-elle guerie , qu'elle entra d'elle mê. me dans le couvent des Carmelites d'Avila l'an 1535. Elle y prit l'habit le 2. Decembre 1536. étant âgée d'environ vingtunans & demi. Dieu la combla pendant kon noviciat de gra. . ces si extraordinaires, & elle s'acquitta de ses devoirs avec tant d'exactitude, de soậmission & d'obéissance, que les Religieuses, nonobstant ses infirmités qui étoient grandes, & la foiblesse de sa complexion, la reçurent à la profession. Mais pea de jours après avoir prononcé ses voeux, elle fut attaquée de maux de cour si furieux, accompagnés de plusieurs autres indispositions , qu'elle fut reduite à l'extremité; c'est pourquoi comnie on ne gardoit point de clôture dans ce couvent, son pere voulut lui faire changer d'air & éprouver les remedes d'une femme qui demeuroit à Bécedas , qui avoit le secret de guerir de femblables maladies. Comme on écoit au commencement de l'hiver, elle alla en attendant le printems chez sa sour aînée qui demeuroit à la campagne : elle fit en passant quelque sejour chez dom Pierre Sanchez de Cepede son oncle , qui ayant reconnu qu'elle s'adonnoit à l'oraison mentale , lui mic entre les mains un excellent livre qui enfeignoit la methode pour la bien faire : elle le luc : avec tant d'avidité, & le trouva si conforme à son inclination, que ce livre lui cint lieu de maître & de conducteur. Elle demeura pendant l'hiver chez sa fæur presque toujours dans la solitude & la retraite : lorsque le printems fut venu, fon pere la mena à Bécedas,ou elle devoit prendreles remedes 1 pour en qui lui furent inutiles ; mais elle donna la guerison spirituelle à Carme- Elle fut trois mois dans ce lieu , où les remedes , bien loin de lui avoir été salutaires, l'avoient de nouveau reduite à l'extrémicé. Son pere la ramena chez lui en cet état , & la fit voir à beaucoup de Medecins, qui desesperant de la guerison, l'a. bandonnerent. Un jour de l'Assomption elle tomba dans une fyncope si étrange , qu'on la tint morte pendant quatre jours; de sorte qu'on prepara sa fosse dans son Monastere , & que les Religieuses, qui, comme nousavons dit, ne gardoient point de clôture, envoyerent quelques-unes d'entre elles lever le corps &ʻle conduire à la fepulture ; mais son pere s'appercevant qu'elle avoit encore un peu de poulx s'y opposa. En effer elle revint de ce grand évanouissement, & voulut ensuite retourner en son couvent, où par les merites de S. Joseph , sous la protection duquel elle se mit, elle commença à le mieux porter & à marcher. Cependant à peine fut-elle guérie , qu'elle oublia les graces qu'elle avoit reçûes de Dieu, & qui devoient servir de chaînes pour l'attacher à lui. Elle se laissa aller au relachement , elle se laissa vaincre par l'efprit du monde, elle permit à quelques seculiers de la voir & de l'entretenir , &elle quitta d'abord l'oraison, n'osant pas s'approcher de Dieu durant qu'elle se sentoit si fort attachée aux creatures. Mais Notre Seigneur ne put long-tems fouffrir l'infidelité de son épouse , il lui apparut deux fois pendant ce tems-là ; la premiere avec un visage severe, & la seconée comme attaché à la colomne, & couvert de playes, un morceau de fa chair paroissant dechiré & comme pendant à un bras. Une faveur si grande la remplit de confusion, elle reprit les exercices de l'oraison,aidée en cela par les bons avis d'un Religieux de S. Dominique à qui elle s'étoit confessée, elle retomba dans l'heureuse pente de son cæur qui se portoit comme naturellement à Dieu, & Notre-Seigneur l'élevoit peu à peu au plus haut degré de la contemplation ; il prenoit plaisir fir à redoubler ses graces & ses caresses . Les faveurs qu'elle en recevoir frequemment devinrent suspectes à ses directeurs. Ils apprehendoient que ce ne fussent des illusions , ce qui |