MES. REGLE che de Jerufalem, eût écrit une regle pour les Carmes & DES CAR-leur eût prescrit une maniere de vie, dit au contraire qu'il reçut celle de saint Bafile qu'il fit observer aux Ermites du Mont-Carmel: Quintus fuit S. Joannes Eremita Montis Carmeli, qui regulam Bafilii recepit, quam Fratribus tradidit obfervandam. Il ajoûte que ce patriarche de Jerufalem fut élevé à cette dignité par le pape Adrien I. l'an huitieme de fon pontificat, à cause de la sainteté de sa vie: Iftum Joannem propter ipfius fanctitatem maximam, Adrianus papa primus, natione Romanus, pontificatus fui anno oftavo, affumpfit in patriarcham Hierofolymitanæ Ecclefia. Il regarde ce patriarche de Jerufalem comme le quarante-quatrième après l'apôtre faint Jacques: Iste Sanctus in ecclesia sape diéta Hierofolymitana fuit epifcopus XLIV. poft B. Jacobum. C'est ainsi qu'il parle dans le verger du Mont-Carmel. Mais dans la clef de ce verger, il s'explique encore plus distinctement, & dit que les Ermites du Mont-Carmel ayant été baptifés par les apôtres, se difperferent dans la même montagne, à Jerufalem, à Acre & en d'autres lieux de la Terre-Sainte ; & que prêchant par tout la foi de Jesus-Christ, il arriva que Bafile le Grand, qui étoit aussi Ermite, écrivit une regle pour certains Ermites qui s'attacherent à lui: que quelques-uns de ceux qui demeuroient au Mont-Carmel, suivirent cette regle : que dans la suite du tems le pape Adrien I. l'an huitiéme de fon pontificat éleva sur le siege patriarchal de Jerufalem Frere Jean Ermite de la même montagne du Carmel, à cause de la sainteté de sa vie : que ce patriarche Jean donna à Frere Capraise fon disciple bien-aimé, & aux autres Ermites du Mont-Carmel la regle de saint Bafile pour l'observer: qu'il ne leur en donna point d'autre plus grande; mais qu'ils vêcurent selon cette regle jusqu'en l'an 1023. Qui dićtus F.Joannes patriarcha F. Caprafio fuo difcipulo dilectissimo, cæterisque Eremitis Montis Carmeli diftam regulam Bafilii tradidit obfervandam ; nullam tamen eis dedit majorem, fed juxta regulam eis datam & bonam confcientiam quibus Deo famulabantur: & fic fteterunt usque ad annum Domini : MXXII. C'est ce que l'on lit dans un ancien manufcrit de ce verger du Carmel qui est conservé dans la bibliotheque du couvent des Carmes de Francfort, felon ce que dit le Pere Papebroch.* Mais dans le miroir du Carmel imprimé à Ve- REGLE nife en 1507. où on a inferé ce Verger, on a retranché ce que DES CARle perele Gros avoit dit de l'élection que le Pape Adrien I. MES. fit de ce frere Jean Ermite du Carmel pour patriarche de Jerufalem. Apparemment qu'on a vû que le tems où vivoit ce pape, ne pouvoit convenir avec celui auquel vivoit ce patriarche de Jerufalem; car Adrien n'étant parvenu au fouverain pontificat que l'an 772. il ne pouvoit avoir élevé ce frere Jean à la dignité patriarchale que l'an 780. puisque ce fut la huitième année de fon pontificat, & cependant ce même patriarche étoit mort dès l'an 416. après avoir gouverné cette Eglife pendant près de trente-fix ans. Mais si les Carmes ont retranché cela, ils ont au moins laissé ce que le même le Gros avoit dit, que ce patriarche Jean avoit donné la regle de faint Bafile aux Ermites du Mont-Carmel, & ont encore ajoûté au catalogue des saints de cet Ordre, dont le Gros avoit parlé, saint Bafile, faint Cyrille d'Alexandrie & faint Louis roi de France; car le Gros avoit mis d'abord les saints prophetes Elie, Elifée, Jonas & Abdias; le cinquième saint qui suivoit, étoit faint Jean de Jerufalem: Quintus fuit S. Joannes Eremita, le sixième étoit faint Berthold ; & dans les additions faint Bafile est le cinquiéme, saint Cyrille d'Alexandrie le fixieme, faint Jean de Jerufalem le septiéme, & le huitiéme faint Louis roi de France. On s'étonnera fans doute de voir faint Louisau nombre des faints de l'Ordre des Carmes; mais au moins on verra par ce que nous venons de dire, que les Carmes jusqu'à Jean le Gros, general de cet Ordre vers l'an 1411. croyoient que leurs anciens avoient suivi la regle de saint Bafile, avant que le patriarche Albert leur en eût donné une autre. Cependant ils n'ont point eu pour regle, ni celle de saintBafile, ni le livre de l'institution des Moines faussement attri. bué à Jean deuxième du nom, & le XLIV. évêque de Jerufalem, que quelques-uns, comme nous avons dit, croyent n'avoir été que le XLII. & ils n'ont point eu d'autre regle que celle que leur donna le patriarche Albert, le douxiéme d'entre les Latins qui fut élevé à cette dignité l'an 1204. Ce fut Brocard fuperieur des Ermites du Mont-Carmel, lequel avoit fuccedé à Berthold, quila lui demanda, * Papebroch, Hift. Patriarch. Hyerofolymit, apud Boll, Act. SS. Tom. III. Mais, REGLE voyant que le nombre de ses Ermites augmentoit. Le patriar DES CAR-che Albert lui accorda ce qu'il demandoit, & écrivit une re MES. 1. 1. gle qu'il adressa à ce Brocard & aux Ermites qui vivoient fous fon obeïffance, & demeuroient aupres de la fontaine fur le Mont-Carmel : Albertus Dei gratia Hyerofolymitanæ Ecclefiæ vocatus patriarcha, dilectis in Chrifto filiis Brocardo & cæteris Eremitis qui fub ejus obedientia juxta fontem in Monte Carmeli morantur, falutem in Domino. Bonanni, Je m'étonne que le pere Bonanni de la Compagnie de Jesus, Catalog. ait fuivi le sentiment de ceux qui ont cru que cette regle avoit Ord. Relig. été donnée l'an 1171. par le patriarche Albert; puisqu'en 1171. il n'y avoit point de patriarche de Jerufalem de ce nom. Il est vrai que Laërce Cherubin, qui a inseré dans le bullaire romain cette regle, l'a datée de l'an 1171. & que les Carmes ont été long-tems dans cette erreur, que quelques-uns ont voulu corriger par une autre erreur en disant que ce fut l'an 1199. ce qui ne pouvoit pas non plus convenir au tems qu'Albert fut patriarche de Jerufalem. Ils ont bien vû dans la fuite que cette opinion ne pouvoit pas se foutenir comme le pere Theodore Stratius, general de cet Ordre, l'avoua de bonne foi. La congregation des Rites leur ayant permis de faire l'office de faint Albert, comme ils avoient demandé, ils se trouverent embarasses sur ce qu'ils mettroient dans les leçons de l'office de ce faint qu'ils ne connoissoient pas bien, & la congregation ne vouloit pas approuver ce qu'ils vouloient y inferer c'est pourquoi le general Stratius écrivit sur cela à Aubert le Mire, doyen de l'église d'Anvers, pour avoir fon avis, & quelque éclaircisse triarch. ment fur ce faint qu'ils ne connoiffoient pas beaucoup, ne Hift pa-scachant qui il étoit : Non benc conftat quæ aut qualis perfona Hyerofol. fit ille Albertus quem colimus. Si nous disons, ajoûtoit-il apud Boll. que cet Albert est celui qui nous a donné notre regle, cela At. SS. tom. 3. Maii. fouffre de la difficulté; parce que la regle nous a été donnée l'an 1171. & dans ce tems-là il n'y avoit point de patriarche de Jerufalem qui se nommât Albert; puisque celui qui porta ce nom ne fut élevé à cette dignité que l'an 1204. Si enim dixerimus iftum Albertum fuisse qui nobis regulam tradidit, premimur hac difficultate, quod regula nostra tradita nobis est anno 1171. quo tempore nullus erat Albertus Hyerofolymitanus patriarcha, quia iste inthronizatus fuit anno 1204. Il dit dit encore qu'en 1171. il ne pouvoit y avoir en Syrie qu'un REGIE Albert évêque de Bethleem, qui vint avec Guillaume de TyrDES CAR au concile de Latran tenu sous Alexandre III. C'est pour- MES. quoi comme Aubertle Mire dans son origine de l'Ordre des Carmes, avoit dit que cet évêque de Bethleem étoit le même que celui qui fut dans la suite patriarche de Jerufalem, & que cela ne pouvoit s'accorder avec ce que l'on disoit, qu'Albert patriarche de Jerufalem avoit été premierement évêque de Bobio & ensuite de Verceil ; ce general prioit cet auteur de chercher des moïens pour prouver qu'Albert évêque de Bethleem, & Albert patriarche de Jerufalem, n'étoient qu'une même personne, (ce qui étoit fort du goût des Carmes,) & pour faire valoir aussi son sentiment, que ce patriarche de Jerufalem avoit été pendant un tems de leur Ordre. Mais les Carmes ont été obligés d'abandonner cette opinion qui ne pouvoit se soûtenir, & de reconnoître que leur reglene leur avoit été donnée par le patriarche Albert que l'an 1205. comme Lezana & quelques autres écrivains de cet Ordre ont dit depuis. C'est neanmoins ce qui leur est encore contesté par le P. Papebroch, qui croit qu'elle ne leur a été donnée que l'an 1209. Elle contient seize articles. Le premier traite de l'élec. tion d'un prieur & de l'obéissance qu'on lui doit rendre. Le deuxième parle des cellules des freres, qui doivent être separées les unes des autres. Le troisiéme leur défend de chan. ger de cellules sans permission. Le quatrième prescrit l'endroit où doit être située la cellule du prieur. Le cinquiéme leur ordonne de demeurer dans leurs cellules, & d'y va. quer jour & nuit à la priere & à l'oraison, s'ils ne sont point legitimement occupés. Dans le sixiéme il est traité des heures canoniales que doivent reciter ceux qui sont destinés pour le chœur; il y est aussi marqué ce que doivent dire ceux qui ne sçavent pas les heures canoniales. Par le septiéme il est défendu aux freres d'avoir rien en propre. Le huitième ordonne de bâtir un oratoire au milieu des cellules, où ils doivent tous s'assembler le matin pour entendre la messe. Le neuviéme parle de la tenue des chapitres locaux & de la correction des Freres. Le dixiéme recommande l'observance du jeune, depuis la fête de l'exaltation de Sainte Croix jusqu'à pâques, excepté les Dimanches; & l'abstinence de la viande en tout tems eft Tome I, MES. REGLE ordonnée dans le onzième. Le douziéme les exhorte à se DES CAR-revêtir des armes spirituelles qui leur font proposées. Le treiziéme les oblige au travail des mains. Le quatorziéme leur impose un filence étroit, depuis vepres jusqu'à tierce du jour suivant. Le quinziéme exhorte le prieur à être humble ; & le seiziéme exhorte aussi les religieux à respecter le prieur. Voilà ce que contient en substance la regle primitive des Carmes, qui leur fut donnée par le patriarche Albert. Nous avons vû ci-devant que pour prouver leur antiquité, quelques uns de leurs anciens avoient cru qu'ils avoient d'abord suivi laregle de faint Bafile, & que d'autres avoient supposé un livre de l'institution des Moines, qu'ils attribuoient à Jean II. quarante-quatrième évêque de Jerufalem, & qui leur avoit fervi de regle; mais ils ont encore pretendu depuis que celle qu'ils avoient reçûe du patriarche Albert avoit été tirée des écrits de S. Bafile, & de ce Jean II. quarantequatrième évêque de Jerufalem, comme il paroît par le titre de cette regle, qui se trouve à la fin de leurs conftitutions qui furent revues dans le chapitre general qui se tint à Rome l'an 1625. Regula ex Saniti Bafilii & Joannis XLIV. Epifcopi Hyerofolymitani scriptis,ab Alberto patriarcha Hyero. folymitano extracta, & fratribas Beatissimæ Dei Genitricis & Virginis Maria de Monte Carmelo data, ab Innocentio IV.confirmata,atque authoritate ejufdem per Hugonem tituli S. Sabina presbyterum cardinalem,&Guillelmum Auteradensem Epifcopum declarata & mitigata, correcta & mitigata. Ils ne laissoient pas neanmoins de reconnoître saint Bafile pour leur pere, entre les autres le pere Didace Corria qui est de ce sentiment, appelle en plusieurs endroits saint Basile son pere; il recommande entr'autres choses aux freres & fœurs du Tiers - Ordre des Carmes, d'avoir des habits de drap vil & grossier comme leur pere faint Bafilel'ordonne. Finalmente Vuestro habito fea di pano vil baxo y grossiero y come dize il B. S. Bafilio nuestro Padre..... y aviso à vuestras charidades con nuestro padre S. Bafilio*. Cependant quand ils reçurent leur regle du patriarche Albert, ils ne songeoient point encore ni à saint Bafile, ni au livre de l'institution des Moines. Et lorsqu'on les inquieta quelque tems après la publication du concile de * Did. Martinez Coria. Manual de las Beat. & Herman. Terceros del MonteCarmel. |