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VIE DE mais elle ne voulut point avoir d'autre époux que Jefus STE. SYN- Chrift; c'eft pourquoi elle vivoit, autant qu'elle pouvoit, CLITIQUE dans la retraite pour ne converfer qu'avec lui feul. Tous les

plaifirs du monde ne la touchoient en aucune maniere. Elle ne trouvoit de fatisfaction que dans les entretiens fpirituels. Le jeûne faifoit toutes fes délices; lorfqu'elle étoit obligée de manger plûtôt qu'à l'ordinaire, la peine qu'elle en reffentoit, paroiffoit jufques fur fon corps ; & elle s'accoûtumoit ainfi dans la maison de fon pere à tous les travaux de la retraite la plus auftere.

Ses parens étant morts, elle herita de leurs grands biens qu'elle diftribua aux pauvres ; & ayant pris avec elle une fœur unique qu'elle avoit, qui étoit aveugle & qui entroit dans fes fentimens, elle fe retira dans un fepulchre; ceux de ce tems ayant des chambres, comme nous avons dit dans la vie de S. Antoine; & là elle y apprit à mourir, en joignant les plus grandes aufterités du corps à toutes les mortifications du cœur & de l'efprit ; elle ne prenoit pour nourriture qu'un peu de pain & d'eau, & lorfqu'elle étoit attaquée de la tentation, elle redoubloit la rigueur de fa penitence, ne mangeant alors que du pain de fon & couchant fur la terre; mais quand ces tentations étoient diffipées, elle reprenoit fa premiere ma

niere de vivre.

Dieu ne permit pas qu'un fi grand tréfor fût long-tems caché. Plufieurs veuves & filles voulurent fe mettre fous fa conduite, & lui demanderent des inftructions. Elle s'en défendit autant qu'elle put, & fe contenta fouvent de les inftruire par fon filence, par fes gemiffemens, & par les larmes qu'elle verfoit,lorfqu'on vouloit l'obliger à parler de Dieu; mais fon humilité les obligeant à la preffer davantage, elle fut enfin contrainte de les recevoir, Elle leur enfeigna avec une fageffe admirable les obligations & les devoirs de leur état. Elle voulut qu'elles regardaffent l'amour de Dieu & celui du prochain comme le principe & la fin de toutes les vertus, & de tous les difcours de pieté. Elle les avertiffoit de refifter promptement aux mauvaises penfées, de ne point negliger les petits défauts, de preferer l'obeiffance aux autres exercices, d'éviter la vanité & l'orgueil qui eft comme le dernier trait que lance le Demon pour percer les cœurs; & enfin de fe fouvenir que pour plaire à Jefus-Chrift,qu'elles avoient pris pour époux,elles de

T. I. P. 8 2.

Ancienne Religicuse d'Orient.

STE. SYN

pour CLSTIQUE

voient revêtir leurs ames de l'ornement des vertus,comme les VI DE femmes attachées au monde, fe parent de riches habits s'attirer l'amour ou les louanges des hommes. Il fe trouve un grand nombre de pareilles inftructions dans la vie de cette Ste.dont quelques-unes font dans les recueils qu'on a faits autrefois des paroles les plus remarquables desPeres des deserts. Le Demon piqué contr'elle, demanda permiffion à Dieu de la tenter comme Job.Elle avoit deja quatre-vingts ans, & pendant l'espace de trois ans & demi qu'elle vêcut encore, il la tourmenta par une maladie qui attaqua fon poulmon, & par des fievres continues qui la minoient peu à peu ; mais elle fit toujours paroître un courage & une patience qui firent beaucoup d'impreffion fur les autres malades de fa Communauté, & fur ceux de la ville, qu'elle ne ceffoit d'encourager & dé confoler par fes inftructions. Le Demon voulut encore s'en venger en lui mettant à la bouche un cancer qui lui mangea tout le vifage, fe répandit fur toutes les autres parties de fon corps, qui exhaloit une puanteur fi infupportable, que perfonne ne pouvoit l'approcher,même pour un moment, fans brûler beaucoup de parfums, ou d'herbes odoriferantes. Elle étoit la feule que ce mal ne pouvoit effrayer,& elle ne vouloit point fouffrir qu'on y apportât aucun remede, non plus qu'on avoit fait aux autres, perfuadée qu'il y avoit quelque chofe de divin, & que fe trouvant exercée comme Job, elle devoit comme lui fe foumettre à la volonté de Dieu.

Un Medecin l'étant venu voir malgré elle,la crainte qu'elle eut de voir finir ou diminuer fes maux, la fit recourir à des plaintes fort vives &fort touchantes; elle fe raffura neanmoins forfque le Medecin,par prudence,lui dit qu'il n'étoit pas venu pour la guerir; mais pour embaumer les parties de fon corps qui étoient déja mortes, & empêcher qu'une fi grande corruption ne pût infecter & faire mourir les perfonnes qui l'approchoient. Une réponse fi adroite la fit confentir qu'on étuvât fon mal avec de l'aloës, de la mirrhe & du vin. Elle endura ce martyre pendant plus de trois mois, reduite enfin à n'avoir ni parole, ni vûe, & fans pouvoir prendre ninourriture ni re.. pos. Enfin le tems de fa victoire arriva. Elle fut confolée par plufieurs vifions qu'elle eut, & elle prédit à fes Religieufes qu'elle mourroit dans trois jours; ce qui arriva comme elle avoit prédit, & ainfielle alla dans le ciel recevoir la recom

CLITIQUE.

VII DI penfe qui leur étoit preparée. On peut confulter ce que nous STI. SYN- avons dit du tems auquel elle mourut, dans la Differtation Preliminaire, paragraphe VIII. & les differens fentimens que les écrivains ont eus à ce fujet.

tiq.Tom. I.

pag.

Bolland. Alt. Ss. 15. Fan. pag. 242. Athanaf. op. Edit. Bened. Tom. 2. Baillet, Vie des Ss. 5. Jan. De Tillemont, Memoires pour l'hift. Ecclef. Tom. 8. pag. 280. Bulteau, hift. Monaft. d'Orient. pag. 168.

L'histoire ne nous apprend point quel étoit l'habillement de fainte Syncletique & de fes Religieufes.Saint Athanafe,que plufieurs croyent avoir été l'auteur de la vie de cette Sainte, dit feulement qu'elle fe revêtit d'un habit de pauvreté jufqu'à une extréme vieilleffe. Mais les Religieufes qui vivoient dans les Communautés qui dépendoient de ce S.Prelat ( s'il est vrai que le traité de la Virginité qui fe trouve parmi les œuvres foit veritablement de lui) devoient s'habiller d'étoffes fimples & communes. Leurs manteaux ne devoient point être teints, mais de noir naturel, ou au moins rougeâtres ou de couleur de roses feches auffi-bien que leurs robes qui n'avoient point de frange, & dont les manches devoient couvrir leurs bras jufques aux doits. Elles avoient les cheveux coupés, & leur tête étoit entourée d'un bandeau de laine. Leurs capuces & leurs fcapulaires devoient être fimples & fans franges. Quand elles rencontroient quelqu'homme, elles fe cachoient le vifage, & ne levoient jamais la tête que vers Dieu.

Delle. An- Le P. Delle a traduit le mot d'Ependytes par celui de Robe, siq. Monaf- & a donné le nom de Manteau à Maforium; mais nous croïons 14. 218. que le mot d'Ependytes fe doit plûtôt entendre de ces manteaux fermés de toutes parts qu'on mettoit pardeffus les habits, & qu'on retrouffoit fur les bras, comme nous avons dit dans le Chapitre I. & comme on le peut voir dans la premiere figure qui reprefente une de fes Religieufes d'Orient, que nous avons fait graver fur la defcription de leur habillement qu'en a donné faint Athanafe dans fon traité de la Virginité. Nous avons cru auffi que le mot de Maforium ne devoit s'entendre que d'une robe; puifqu'il eft dit enfuite au même endroit, que les manches devoient couvrir les bras jufques aux doigts. Laforium fine fimbriis ejufdem coloris: Manica lane a brachia uf que ad digitos obtegentes. D'autant plus que le mot de Maphors ou Maphorium, le prend pour Palla, & que le mot de Palla

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