CHAPITRE XXX I. ORDRE MILITAI RE DE CONSTAN Des Chevaliers de l'Ordre de Constantin, appellés auffi Do-TIN. rés, Angeliques, & de S. Georges. C OMME il y a des Ordres Monastiques qui ont cru se faire honneur en allant chercher une antiquité fort eloignee; il se trouve aussi des Ordres militaires qui ont pareillement fait remonter leur origine le plus haut qu'ils ont pû, pour tâcher d'avoir par quelque antiquité chimerique, la preseance au-dessus des autres. Tel est l'Ordre imperial des chevaliers de Constantin, appellés aussi Angeliques, Dorés & de S. Georges, que l'abbé Giustiniani, qui se qualifie chevalier & grandcroix de cet Ordre, prétend être, le plus ancien des Ordres militaires, dans l'histoire même des Ordres qu'il donna au public en 1692. & qui fut imprimée à Venise en deux volumes in folio. Mais il est inutile de chercher l'origine des Ordres militaires avant le douziéme siècle, & c'est au sujet de l'Ordre dont nous parlons, & dont l'on prétend que l'empereur Constantin le grand a été le fondateur, queleP.Papebroch dit, que ceux-là trompent, ou le voulant bien font trompés, qui portés par un défir de flatterie vont chercher l'origine des Ordres militaires avant le douziéme siecle: fallunt aut volentes fallunApud Bol tur adulatorio ftudio placendi abrepti, quicumquemilitarium reli-landum. gionum principia, ante fæculum duodecimu requirunt. Il ajoute que tom. la pierre de marbre que l'on prétend qui fut trouvée à Rome Aprilis.P & qui reprefente le grand Conftantin assis sur un thrône, & donnant le collier de cet Ordre à un grand nombre de chevaliers, est une pure fiction: que les figures qui y font reprefentées ne font que l'ouvrage d'un sculpteur moderne : & que tous ceux qui ont connoislance des anciennes inscriptions Romaines en conviendront, par celle qui est gravée sur ce marbre & qui est en ces termes: Conftantinus Maximus imperator poftquam mundatus à lepra per medium baptifmatis, milites five equites deauratos creat in tutelam Chriftiani nominis. ISS. 3. Si l'on vouloit cependant ajouter foi à ce que dit Bisli Bili, bist. dans son histoire des comtes de Poitou, il y auroit eu un Orde Poitou dre militaire dès le neuvième siecle; car il prétend que Guil. Tome I. li ORDRE laume le Pieux duc d'Aquitaine & comte d'Auvergne, qui fucMILITAI- ceda à Guerin son frere l'an 887. avoit fondé vingt-cinq cheRE DE valiers dans l'église de S. Julien de Brioude en Auvergne, pour CONSTAN- faire la guerre aux Normands, lesquels chevaliers furent TIN. 13. changés dans la suite en chanoines. Il ajoute qu'il a eu en main le titre de cette fondation;maisil ne l'a point produit parmi ce grand nombre d'autres titres qu'il a rapportés pour servir de preuves à fon histoire; ce qui auroit été neanmoins fort neJustel, hist. cessaire pour que l'on pût ajouter foi à ce qu'il a avancé de ces de la Mai- prétendus chevaliers. Cela n'a pas empêché Justel de citer cet fon d'Auauteur dans fon histoire de la maison d'Auvergne, & de dire vergne, p après lui que ce Guillaume duc d'Aquitaine a été le premier des princes Chrétiens qui ait institué une milice ou fociere de chevaliers pour la défense & l'exaltation de la foi chrétien. ne ; & que c'est peut-être pour cette raison, & à cause des grands biens qu'il fit à l'église, qu'il est appellé par S. Odillon en la vie de S.Mayeul: Chriftianissimus Aquitanorum princeps. Il rapporte neanmoins parmi les preuves de son histoire, un 1bid.p. 12. acte qui prouve au contraire que l'an 898. auquel tems queldespreuves. ques-uns prétendent que l'institution de ces prétendus chevaliers fut faite par ce prince, il y avoit déja des chanoines dans l'église de S. Julien de Brioude, & qu'il en étoit même abbé suivant la coutume de ces tems - là, que les plus grands seigneurs, & même des femmes mariées, jouissoient des revenus des abbayes comme de leur patrimoine. Voici cet acte: Willelmus comes, Marchio, atque dux, cedo ecclefiæ S. Juliani qui requiefcit in vico Brivatensi, ubi ego dono regio abbatiali videor fungi officio : ut ipfc locus tutior fit in omnibus, præpofitumque, nomine Helfredum, ad cuftodiendamcanonicam vitam, cum canonicis fub nobis conftitutis habere videar. Domino cum uxore mea Ingelberga, res proprietatis noftræ, videlicet, curtem noftram indominicatam, quæ dicitur Maceriaca, &c. Ainsi l'on ne peut tirer aucun avantage de ce que Bifli & d'autres après lui ont avancé, qu'il y a eu dès le neuvième siecle des chevaliers institués par Guillaume le Pieux duc d'Aquitaine dans l'église de Brioude. Pour prouver l'antiquité de celui de Constantin, l'on apporte des lettres du pape S. Leon de l'an 456. adressées, à ce que l'on pretend, à l'empereur Marcien, par lesquelles il confirme cet Ordre sous la regle de saint Bafile, & d'autres lettres |