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MOINES

DE S. BA

SILE RE

FORME'S,
APPELLE'S

CHAPITRE XXVI.

DE TAR-Des Moines de faint Bafile, Reformés, appellés de Tardon.

DON.

C

E fut environ l'an 1557. que le P. Matthieu della-Fuente dont nous avons parlé dans le chapitre précedent, s'étant retiré avec quelques compagnons aux montagnes de Serra de Morena dans la province d'Andaloufie, y bâtit un ermitage dans un lieu appellé Tardon au diocefe de Cordoue; mais le nombre de fes difciples s'augmentant tous les jours, & l'ermitage de Tardon fe trouvant trop petit pour les contenir tous, il en bâtit un fecond à Valle-de-Guillos au diocefe de Seville. Ils y vaquoient à la contemplation, travailloient des mains pour avoir leur fubfiftance, menoient une vie pauvre & retirée, maceroient leur chair par des mortifications & des penitences extraordinaires, ne demandoient point l'aumône, refufoient même d'accepter celles qu'on leur offroit. Le P. Ambroife Marian qui a été dans la fuite un des plus fermes appuis de la reforme des Carmes Déchauffés, prit l'habit dans cet ermitage l'an 1562. & fes confreres fe fervirent du credit qu'il avoit à la cour d'Espagne, pour faire approuver par le pape leur maniere de vivre. Il alla pour ce fujet à Rome avec des lettres de recommandation de plufieurs grands d'Efpagne; entr'autres du prince Rui Gomez, & il en obtint auffi de fa majefté Catholique adreffées à son ambassadeur à Rome. Le pape Pie IV. qui gouvernoit pour lors l'églife, & qui avoit refolu de n'approuver aucune nou velle religion, ne voulut point accorder autre chofe à fes Solitaires, que de s'unir avec quelques corps de religion approu vée,dont ils feroient profeffion;& il accorda aux fortes follicitations du prince Rui Gomez qu'ils puffent fuivre la regle des Carmes, qu'il jugeoit la plus conforme à leur maniere de vie folitaire. Ils ne purent neanmoins s'accoûtumer à l'observance de cette regle, telle qu'elle avoit été donnée aux Carines par le patriarche Albert; c'eft pourquoi l'évêque de Cordoue leur confeilla de fuivre la regle de faint Bafile, qu'ils voulurent obferver dans toute fa rigueur, ne vivant que de leur travail. Ils firent enfuite profeffion entre les mains de ce

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FORME'S,

prelat; mais ayant eu le même fcrupule que ceux d'Oviedo MOINES fur la validité de leurs vœux, à caufe qu'ils n'avoient pas fait DE S. BAprofeffion entre les mains des fuperieurs de l'ordre de S. Ba-SILE REfile,ils confulterént à ce fujet le docteur Navarre, qui leur APPELLE'S confeilla d'avoir recours à Rome,où ils obtinrent de Gregoire DE TAR XIII. l'an 1572. un bref par lequel ce pontife leur permit de re- DON. nouveller leur profeffion entre les mains de l'abbé de fainte Marie d'Oviedo,ou de quelqu'autre de l'Ordre de S. Bafile. Il érigea leurs ermitages en veritables Monafteres de cet Ordre, les unit à celui de fainte Marie d'Oviedo pour en faire une province fous le nom de faint Bafile avec ceux que l'on fonderoit dans la fuite, & les foumit à l'obeiffance du general de l'Ordre de faint Bafile en Italie. Il y en eut en effet d'autres qui furent fondés, mais non pas fous les obfervances étroites du P. Matthieu della Fuentesce qui caufa plufieurs differends entre les Monasteres reformés & ceux qui ne l'étoient pas, les uns & les autres ayant des manieres de vie differentes. Le pape Clement VIII. envoya des commiffaires apoftoliques pour pa cifier ces troubles, mais ce fut inutilement. Les plus grandes conteftations de ces Religieux étoient au fujet du travail en commun, que les vifiteurs ne purent jamais introduire dans les Monafteres qui n'étoient point reformés, ni les empêcher d'aller chercher des aumônes à quoi les reformés avoient renoncé. Il y eut même un de ces vifiteurs apoftoliques qui introduifit le relâchement dans le couvent de Valle-de Guillos par les changemens qu'il y fit;ce qui feroit auffi arrivé dans celui de Tardon,fi par un bref du 13. Decembre 1599. le pape n'eût défendu fous peine d'excommunication de rien innover dans les observances, principalement pour ce qui regardoit le travail des mains.

L'évêque de Cordoue le dernier de ces vifiteurs, tâcha de rétablir ce travail des mains, & la difcipline monaftique qui étoit beaucoup relâchée dans prefque tous les Monasteres. Ce prelat voyant qu'il y avoit beaucoup de Religieux zelés pour les obfervances regulieres, dreffa des conftitutions particulieres à leur follicitation, & affigna deux autres couvens avec celui de Tardon, où pourroient fe retirer ceux qui les voudroient obferver. Mais fes conftitutions n'ayant pas été approuvées par le cardinal de San- Severino protecteur de P'Ordre, cette éminence en dreffa d'autres qui furent confir

MOINES mées l'an 1602. par le pape Clement VIII. qui donna come DE S. BA- mission à l'évêque de Jaën pour les faire recevoir dans tous SILE RE-les Monafteres.

APPELLE'S

DON.

FORME'S, Ce fut un nouveau fujet de trouble; car la plupart des DE TAR- Religieux s'oppoferent à ces conftitutions, principalement à caufe qu'il y étoit marqué que les freres laïcs auroient préféance, voix, & fuffrages ; & qu'on défendoit à tous les Re.. ligieux de fe fervir d'autre étoffe, que de bure, d'aller nuds pieds dans quelques Monafteres, de chercher des aumônes, d'entendre les confeffions des feculiers, & de prêcher hors de leurs églises; ce qu'ils vouloient qu'on retranchât de ces nouvelles constitutions.

Le pape voyant que ceux qui demandoient ces changemens ne vouloient pas demeurer dans la vocation de la Regle Mo nachale de faint Bafile, mais defiroient fuivre l'institut des Mandians fous la profeffion de cette regle, comme il eft expreffement marqué dans le bref de ce pontife, il les laiffa dans leurs obfervances. Cependant voulant retablir l'Ordre de faint Bafile dans fa primitive obfervance, principalement pour ce qui regardoit le travail des mains, & la qualité des Religieux qui étoient prefque tous laics dans le commencement de cet Ordre, y ayant peu de prêtres pour lors, & défirant terminer les differends qu'il y avoit toûjours eu entre les Monafteres de Tardon, & de Valle-de-Guillos, & les autres qui n'étoient pas reformés. Il fepara & défunit ces deux Monafteres de reformés d'avec les autres, permettant à tous les Religieux zelés de s'y retirer & d'y vivre fous les conftitutions qu'il leur donna, & qui font inferées dans son bref du 23. Septembre 1603.

Ces conftitutions contiennent dix chapitres, & portent entr'autres chofes, que les Religieux de cette reforme garde ront en toutes chofes l'uniformité, & qu'afin que la vie commune puiffe être obfervée dans toute la perfection, il ne pourra y avoir dans chaque Monaftere moins de vingt-quatre Religieux, dont la plus grande partie fera de freres laïcs: que les uns & les autres fe leveront à minuit pour prier Dieu, & que dans ce tems-là, ceux qui feront destinés pour le chœur, reciteront matines & laudes que dans l'hiyer, ils fe leveront le matin un peu devant le jour, & fe trouveront tous ensemble au chœur, pour y faire une demi-heure d'o

raifon

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