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qui ont eu le malheur de tomber sous la domination des Turcs. MOINE Mais nonobstant les maux que les Religieux d'Orient ont à Moscofouffrir le plus souvent de la part des Infideles, & nonobstant les erreurs dont la plupart font infectés, il y en a néanmoins beaucoup qui font réunis à l'église Romaine & qui lui obéil. fent. Il n'en est pas de même en Moscovie, où les Religieux aussi-bien que le peuple, n'ont jamais voulu entendre parler d'union avec l'église Romaine, & font toûjours, non seulement restés avec opiniâtreté dans leurs erreurs qu'ils ont reçûes des Grecs; mais en ont encore ajoûté d'autres, ce qui a aussi cause entr'eux & les Grecs le schisme & la division.

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Il y en a qui ont prétendu que l'apôtre saint André leur avoit annoncé l'Evangile ; mais selon l'opinion la plus com mune,ils n'ont reçû le Christianisme par le moyen des Grecs que vers l'an 987. ou 989. sous le grand duc Vvolodimer, ce qui est plus conforme à la verité. Les Moscovites ne sçavent pas eux-mêmes le tems que leurs ancêtres ont renoncé au culte des idoles, car le czar Jean-Bafile, dans la réponse qu'il fit à la profession de foi d'un certain Jean Roïta heretique Theolog Hussite, lui dit que les Moscovites étoient baptisés au nom Moscovit. du Pere, & du Fils, & du faint Esprit, depuis que le grand Czar Vvolodimer, inspiré de Dieu, avoit été regeneré par les eaux salutaires du baptême, & qu'il avoit pris le nom de Bafile, & que depuis ce tems-là, leur foi ne s'appelloit plus la foi Russienne, mais la foi Chrétienne. Cependant dans une conference que le même prince eut avec le P. Possevin Je. suite au sujet de la Religion en 1581. il lui dit que dès le commencement de l'Eglife, ils avoient reçû la foi Chrétienne, lorsque saint André frere de l'apôtre saint Pierre étoit venu en leur pays, d'où il étoit allé à Rome, & qu'enfuite après la converfion de VVolodimer la Religion s'étoit beaucoup étendue.

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L'opinion la plus commune étant donc que le Chriftianifme n'a commencé que sous le regne du Czar Vvolodimer par le moyen des Grecs; ce fut aussi dans ce tems là que la vie monastique y fut introduite. Hy a quelques auteurs qui disent, que les Moines de ce pays-là ne sçavent de quel Ordre ils font. Il est certain cependant qu'ils ont toûjours fuivi la regle de S. Bafile. Mais comme le patriarche & les autres prélats Moscovites ont changé beaucoup de choses dans

MOINES la liturgie des Grecs, quoiqu'ils suivent leur religion, les Mosco- Moines Mofcovites ont aussi changé beaucoup de choses de la regle de faint Bafile, quoiqu'ils se disent Religieux de fon Ordre.

VITES.

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Il y a un nombre incroyable de couvents tant d'hommes que de filles dans toute la Moscovie, & l'on peut juger de cette multitude sur ce que dit Olearius, que dans la ville de Moscou il y a plus de quinze cens couvens, églises ou chapelles, & que dans la seule ville de Novogorod il y a foixante & dix couvents. Il y en avoit même un si grand nombre dans le territoire de cette ville; que le Czar Jean-Bafile, fur la seule défiance qu'il eut de la fidelité des habitans de Novogorod, ruina cette ville en 1569. pilla, brûla plus de cent foixante & quinze Monafteres de fon territoire, fit tuer tousles Abbés & les Moines, ou les chasser à coups de piques & d'hallebardes dans la riviere. L'archevêque qui s'étoit sauvé de la fureur des foldats, croyant adoucir le tyran, lui fit un grand festin dans son palais, pendant lequel le Czar envoya piller le riche temple de fainte Sophie, & tous les trésors desautres Eglises qu'on y avoit retirés. Après le dîner, il fit aussi piller l'archevêché & lier indignement indignement l'archevêque sur une cavale blanche avec des flageolets pendus au cou, une viole & un citre, voulant qu'il jouât du flageolet. Parmi tous ces couvents de Moscovie, il y en a qui font très-confiderables comme celui de Troitza à douze lieues de Moscou, qu'ils appellent Zergeof-Troitza, à cause d'un abbé nommé Serge qui y mourut en 1563. & qu'ils ont canonisé pour ses prétendus miracles.

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Ce couvent est si riche qu'il nourrit plus de trois cens Religieux, & fon revenu s'augmente encore tous les jours par la liberalité du grand duc & par les aumônes des pelerins. Le grand duc y va deux fois l'an en pelerinage. Il defcend de cheval à une demi-lieue du couvent & acheve le reste du chemin à pied. Après avoir fatisfait à ses dévotions, il s'y divertit quelques jours à la chasse, pendant lesquels l'abbé le défraye avec sa fuite, de vivres & de fourage.

Comme le divorce est permis en ce pays-là, un homme quitte sa femme quand bon lui semble pour entrer dans un couvent, & y prendre l'habit religieux ; & fi sa femme se remarie, il se peut faire ordonner prêtre. La cause la plus ordi

naire

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naire du divorce, ou du moins le pretexte le plus plausible, MoINES c'est la devotion. Quandils quittent leurs femmes pour entrer TES. dans un couvent sans leur confentement, & fans avoir auparavant pourvû à leurs enfans, ils disent que c'est à cause qu'ils aiment plus Dieu que leurs femmes & leurs enfans, quoique le plus souvent ils ne les quittent que par caprice.

Les personnes de qualité étant à l'extrémité de maladie, prennent l'habit de Moine, se font rafer & donner l'ExtrêmeOnction; après quoi il n'est pas permis, non-feulement de leur donner aucun remede, mais même aucune nourriture, parce qu'ils disent que ceux qui prennent cet habit, qu'ils appel. lent seraphique, ne font plus au nombre des hommes, mais font devenus des anges; & fi contre toute esperance ils reviennent de leur maladie, ils font obligés de s'acquitter de leur vœu, de faire dissoudre leur mariage & d'entrer dans un

couvent.

Les Chrétiens apostats, les Tartares & les Païens qui veulent embrasser la religion des Moscovites, doivent auparavant faire une retraite pendant six semaines dans quelque couvent, où les Moines lesinstruisent. Ce sont cependant de fort grands ignorans, qui ne sçavent pas eux-mêmes rendre compte de leur religion; le peuple croit neanmoins fort aisement les fables qu'ils debitent. Olearius en rapporte un exemple, & dit: que dans la ville de Novogorod il y a un couvent dedié à faint Antoine, & que les Moscovites lui dirent que ce Saint étoit venu de Rome en ces quartiers-là sur une meule de moulin, avec laquelle il descendit par le Tibre, passa la mer, & monta la riviere de Volga jusqu'à Novogorod: qu'en arrivant à cette ville il fit marché avec des pêcheurs pour acheter tout ce qu'ils prendroient du premier coup de filet, & qu'ils tirerent un grand coffre plein d'ornemens pour dire la Messe, des livres & de l'argent appartenant à ce Saint : qu'il y fit bâtir une chapelle en laquelle ils disent qu'il est enterré, & que fon corps s'y voit encore tout entier fans aucune corruption. Ils ne permettent pas neanmoins aux étrangers d'y entrer, se con. tentant de leur montrer la meule de moulin fur laquelle ce Saint a fait le voïage, à ce qu'ils pretendent, & que l'on voit attachée contre la muraille. C'est ce qui fait que les devotions & les pelerinages sont frequens en ce lieu, & qu'ils ont fourni dequoi bâtir un très-beau couvent.

Tome I.

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TES.

MOINES Le patriarche, les archevêques & les évêques de MoscoMoscovi-vie sont tous tirés des cloîtres, selon l'ancienne pratique des Grecs. Ils font habillés de noir de la même maniere que les Moines. Leur habit consiste en une veste ou foutane, ils ont pardessus, un manteau long, & portent sur la tête un chaperon ou voile noir, qu'ils laissent pendre sur le cou & fur le dos. Ce qui distingue l'habit des évêques de ceux des Moines; c'est que ces prélats portent quelquefois l'habit de foye, & que fur leurs manteaux ils ont trois bandes blanches sur les côtés, pour marquer à ce qu'ils disent, que de leur cœur, il fort commedes torrens de bonne doctrine & de bons exemples. Il y a aussi d'autres évêques Grecs qui portent de pareils manteaux. Les uns & les autres ne mangent jamais de viande & obfervent les mêmes carêmes des Grecs ; les Moines jeûnent neanmoins plus austerement que le peuple, y en aïant qui se contentent d'un petit morceau de pain & d'un peu de petite bierre. Il y en a plusieurs qui vivent dans des solitudes, seuls dans de pauvres cabanes, ou avec quelques compagnons, & quine mangent que des herbes & des racines.

Ils font les trois vœux de pauvreté, de chasteté & d'obeïffance? quiconque les tranfgreffe ou fort du Monaftere comme apostat, & qu'il soit repris, est renfermé dans une prifon perpetuelle ; & quoique l'autorité des archevêques & des évêques foit fort grande en Moscovie, ils ne peuvent neanmoins difpenfer personne d'aucun vœu. Fabri dit que la profeffion monastique demande une fi grande chafteté, que quoiqu'une personne qui a épousé une Vierge puisse être ordonné prêtre, il ne peut neanmoins être admis à la profeffion monaftique. Cela ne s'accorde pas cependant avec ce que dit Guaguini, qu'un prêtre aïant perdu sa femme, eft suspendu des fonctions de son Ordre, à moins qu'il n'entre dans un Monastère pour y vivre felon les mêmes obfervances des Moines & assister aux ofices : que s'il garde la chaf teté pendant son veuvage, il peut assister au chœur avec les autres ministres de l'eglife; mais que s'il se remarie qui lui eft permis, il est abfolument privé pour toujours de la dignité du facerdoce. C'est ce que le P. Possevin confirme, en disant: que les prêtres Mofcovites peuvent épouser une Vierge avant leur ordination, de même que les prêtres Grecs: que si après la mort de leurs femmes, ils veulent em

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