BASILE. où il commença à connoître S. Gregoire de Nazianze. De là VIEDE il passa à Constantinople à l'âge de douze ans, où après avoir étudié quelque tems, il retourna à Césarée de Cappadoce d'où il fut à Alexandrie pour y visiter les écoles de cette ville; mais n'y ayant pas trouvé ce qu'il souhaitoit, il vint à Athenes. Il avoit alors dix-sept ans, & ce fut là qu'il lia avec S. Gre goire de Nazianze cette amitié si forte qui dura jusqu'à la mort, & que rien ne put desunir. Gregoire lui rendit d'abord service; car ayant representé à ses amis la sagesse & la gravité de Basile, jointes à la reputation qu'il s'étoit déja acquise, il le fit exemter d'une certaine formalité qui alloit même à l'infolence, & dont les étudians de cette ville usoient à l'égard des nouveaux venus. Il fut si dégoûré de cette maniere d'agir peu serieuse, qu'il auroit quitté Athenes, si S. Gregoire ne l'eût retenu. Il devint très-sçavant en peu de tems, ayant eu pour maîtres les plus habiles professeurs de cetems-là, Libanius, Ecebole, Himece, & Protherese. Il sçavoit toutela philosophie, l'aftronomie, la geometrie, l'Arithmetique ; & ses frequentes maladies l'engagerent à apprendre la medecine. Mais toutes ces sciences profanes ne lui firent point abandonner les saintes lettres qu'il avoit étudiées dès le berceau. Il eut aussi pour compagnon de ses études avec S. Gregoire, Julien l'apoftat, avec qui ils firent quelque connoissance, & ces deux Saints decouvrirent le dereglement de son esprit par sa phifionomie & fon exterieur. Enfin après un sejour de dix ans dans cette celebre ville, il retourna à Césarée sa patrie; où sa mere qui avoit perdu depuis peu fon mari, le souhaitoit pour la consoler dans son veuvage. Il plaida d'abord quelques caufes; car c'étoit par-là que commençoient ceux qui aspiroient aux charges; mais sa sœur sainte Macrine craignant que l'orgueil, la vanité & l'ambition ne s'emparassent de son cœur, lui persuada adroitement de quitter cette profession & toutes les autres occupations seculieres, pour s'adonner entierement à la retraite, à l'étude de la veritable sagesse, & à la pratique des vertus Chrétiennes. Il y fit reflexion, & ce fut pour lors, comme il le dit lui même, qu'il commença à s'éveiller comme d'un profond somm_il, à regarder la vraie lumiere de l'Evangile, & a reconnoître l'inutilité des sciences vaines ; & VIE DE S. concevant un dégoût pour le monde & ses vanités, il prit la BASILE. resolution de se retirer & de chercher quelqu'un qui pût lui fervir de guide dans la voye de la perfection. Ce fut dans le dessein d'en chercher un, qu'il entreprit de voyager dans des lieux où la renommée publioit que se retiroient ceux qui vivoient dans la pratique des conseils Evan. geliques. Il alla en Egypte, en Palestine, en Syrie, en Mefopotamie, où ileut la fatisfaction de trouver dans les diverses folitudes de ces pays, plusieurs de ces Saints qu'il y cherchoit; car la vie monastique s'étoit répandue dans toutes ces Provinces. Il admira leur vie également austere & laborieuse, leur ferveur & leur application à la priere. Il fut furpris de voir que ces hommes admirables, invincibles au fommeil & aux autres necessités de la nature, dans la faim & dans la foif, dans le froid & la nudité, tenoient toujours leur esprit libre & élevé vers Dieu, fans se mettre en peine de leur corps, vivant comme si la chair qu'ils portoient ne leur étoit de rien, & se regardant comme des étrangers sur la terre & des citoyens du Ciel. Ce fut dans la suite de ce voyage que notre Saint alla à Jerufalem & à Jericho, comine il semble le dire en un endroit ; & après son retour à Cesarée, dont il avoit été abfent pendant deux ans, son évêque Dianée, pour l'attacher à son église, le fit lecteur. Ce nouvel emploi ne put étouffer en lui le desir qu'il avoit dela folitude, pour tâcher d'imiter les grands exemples qu'il avoit trouvés dans les deferts de l'Egypte & de l'Orient. Il se joignit d'abord à des gens qu'il trouva dans son pays, qui sembloient pratiquer la même maniere de vivre. Leur exterieur austere & mortifié, faisoit croire à Bafile que leur interieur étoit saint. Il prenoit leur manteau rude & grossier, leurs fouliers faits de cuir non corroyé, pour des marques certaines de leur vertu.Il croïoit ne pouvoir pas être assez uni avec des perfonnes, qui preferoient une vie austere & laborieuse à tous les plaisirs du monde; mais il reconnut dans la suite qu'il s'étoit trompé, & ces personnes étoient les disciples d'Euftathe de Sebaste, qui fut dans la suite le plus grand perfecuteur de notre Saint. C'étoit environ l'an 357. qu'il fongea serieusement à se retirer dans la solitude, où il ne dit point qu'il demeurât avec Euftathe & ses disciples; mais seulement qu'il étoit uni d'amitié avec eux : le lieu qu'il choisit pour sa retraite, fut dans VIE DE S. un defert de la province de Pont, près de la riviere d'Iris & de la petite ville d'Ibore. C'étoit le lieu qui avoit fervi à sa premiere éducation, & il y fut attiré par la consideration de sa sœur sainte Macrine, qui s'y étoit déja retirée avec leur mere fainte Eumelie. Il quitta neanmoins sa folitude pour aller à Constantinople, où il accompagna Bafile d'Ancyre; mais il la reprit bientôt après, & fut encore obligé de l'abandonner pour assister à la mort de Dianée fon Evêque. Eufebe qui lui succeda empêcha Basile de retourner dans sa solitude. Il l'ordonna prêtre, & se servit d'abord de lui pour la conduite de son diocese; mais cet Evêque conçut de la jaloufie-contre lui, & Bafile se vit encore obligé pour conferver l'union de rentrer parmi ses freres & de jouir de la folitude qu'il n'avoit abandonnée qu'à regret. BASILE. Bafile étoit trop necessaire à l'Eglise pour demeurer ainfi caché dans son Monastere. Au bout de trois ans Eusebe ayant reconnu le besoin qu'il en avoit pour refifter aux entreprises de l'empereur Valens qui avoit resolu d'introduire l'Arianif me dans Cefarée, pria instamment S. Gregoire de Nazianze d'être le mediateur de leur reconciliation, & de le ramener dans son église. Notre Saint oubliant tous les sujets de mécon tentemens qu'il pouvoit avoir, se rendit sans differer auprès de son évêque, & avec le secours de fon ami S. Gregoire, il attaqua les Ariens qui avoient voulu profiter de sa retraite, & du differend qu'il avoit eu avec Eufebe, & les contraignit de se retirer. Après la fuite de ces heretiques, Eusebe qui s'étoit recon. cilie de bonne foi,& qui connoissoit les grandstalens de Bafile, se reposa entierement sur lui pour la conduite de fon diocese. Il le prit même pour son directeur, & ne faifoit rien que par son conseil; & Basile repondit fi bien à l'attente de tous les gens de bien, qu'après la mort d'Eufebe, il fut choisi pour lui succeder. A peine fut-il élevé à cette dignité, que les heretiques, & fur-tout les Ariens le perfecuterent cruellement. Ceux-ci qui avoient l'empereur Valens pour leur protecteur, abuse rent souvent de fon autorité pour faire des violences à notre S. Archevêque. Ils aigriffoient à tout moment contre lui l'esprit facile de ce prince, & comme il n'avoit pas voulu prince VIE DE S. felon ses ordres cominuniquer avec Euxode, ufurpateur du BASILE. siege de Constantinople, ni embrasser la doctrine des Ariens, il le condamna au bannissement. Il en fit dresser l'ordre, & lorsque l'on le lui apporta pour signer, les plumes dont il se servit, se rompirent par trois fois : comme il persistoit toujours dans son dessein, sa main trembla par un relâchement de nerfs, & la chaise sur laquelle il étoit assis se rompit aussi ; ainsi reconnoissant l'impieté du decret qu'il vouloit signer, il prit le papier & le dechira. Nous ne rapporterons point dans cet abregé toutes les persecutions qu'il eut à souffrir dans la fuite, tant de la part des mêmes Ariens que de la part de quelques évêques Catholiques, qui durerent jusqu'à la mort. Les uns le persecuterent par jalousie: d'autres sur de faux rapports que les ennemis faifoient de lui: d'autres aussi parce que ne connoissant pas encore la malice d'Euftathe évêque de Sebaste, il lui témoignoit de l'amitié:& d'autres enfin parce qu'il avoit eu quelques commerce avec l'heretique Apollinaire & fon difciple Diofcore, avant qu'ils eussent fait paroître leur venin. A l'égard de ses mortifications, elles étoient presqu'incroyables, & l'on peut attribuer à un miracle, comment il a pû resister à tous les travaux qu'il entreprenoit avec tant d'austerités join. tes à une complexion delicate & une santé aussi ruinée que la sienne: car il ne mangeoit qu'une fois le jour, sur le foir, & souvent se contentoit de pain & d'eau. Ses veilles étoient sans relâche; & s'il prenoit un peu de repos, c'étoit sur un lit fort dur. Il falloit enfin qu'un corps si épuisé de forces partant d'aufterités & accablé de maladies, eût quelque repos; & l'esprit de ce grand Saint n'étant animé que de celui de Dieu, se trouvoit dans un état violent jusqu'a ce qu'il fut réuni à lui. Ce fut le premier jour de Janvier de l'an 379. que cette grace lui fut accordée, & qu'il quitta la terre pour aller jouir de la felicité éternelle. C'est en ce jour que les Grecs celebrent sa fête; mais comme il est occupé par celle de la Circoncision de Notre Seigneur Jesus-Christ, l'Eglise Latine ne la folemnise que le quatorze Juin, qui est le jour de fon ordi. nation. : Voyez faint Gregoire de Nazian. orat. in laud. Bafil. Rofveid. Vit. SS. Pat. Dom. Apollin. Agresta. Vit. di S. Bafilio. |