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& c'est ce que pratiquoient les Afcetes. Si nous n'avions pas perdu le Traité de la continence que faint Clement dans son livre du Pedagogue dit avoir compofé, on y auroit sans doute trouvé qu'il y parloit amplement de la vie des Ascetes, puisqu'il appelle vie folitaire, la vie de ceux qui gardoient la continence.

M. B***, pag. 264. de la même replique, avouant qu'avant que faint Paul de Thebes se fût retiré dans la folitude, il peuvoit y avoir de pieux Chrétiens qui craignant leur foiblesse & la contagion du monde, avoient prisle parti de mener une vie solitaire à la campagne, & dans quelques lieux voisins de leurs demeures, ce que faint Athanase prouve dans la vie de saint Antoine; cela nous fuffit pour les regarder comme Afcetes & successeurs des Therapeutes, quelque nom que M. B*** leur veuille donner : ainsi nous trouvons des Moines, ou Afcetes dans les trois premiers fiecles de l'église, & nous demeurons d'accord que le nom de Moine étoit inconnu pour lors; que la profession des folitaires de ces premiers fiecles n'a pas été fixe; qu'elle ne l'a été que par les vœux solemnels que l'on a faits dans la suite ; & que la vie cœnobitique parfaite n'a commencé qu'au tems de saint Antoine; ce qui n'empêche pas que dans les trois premiers siecles de l'église l'on ne trouve des vestiges de la vie Monastique & même Cœnobitique, qui s'est perfectionnée peu à peu,après que les persecutions ont cessé.

Par tout ce que nous venons de dire, l'on voit bien qu'Origene & faint Clement d'Alexandrie ne sont pas demeurés dans le filence au sujet des Therapeutes, comme prétend M. B***; puisqu'ils ont parlé de leurs successeurs qui n'ont fait que changer de nom, & que les perfecutions ont empêché de continuer leurs assemblées nombreuses, ayant été contraints, pour éviter la fureur des tyrans, de vivre seuls ou en petit nombre, dans leurs propres maisons ou dans des folitudes. Mais il a quelque chose de plus fort à nous opposer, à ce qu'il prétend aussi, pour faire voir que du tems de saint Justin martyr, & de Tertullien, il n'y avoit point de ces fortes degens; ce sont des témoignages de ces mêmes Peres, ausquels il ne croit pas qu'on puisse répondre. Il dit que faint Justin, dans Rage 24 son épître à Diognette, atteste que les premiers Chrétienssa replique n'avoient point de pareils gens parmi eux; qu'il y avance har-au erede diment que les Chrétiens ne differoient des autres hommescon.

48. de

Montfan

ni par les lieux de leur demeure, ni par leur langue, ni même par leurs mœurs; qu'au contraire en quelque pays qu'ils habitassent, ils se conformoient aux habillemens, à la nourriture & aux autres manieres du pays; & qu'il n'y avoit alors parmi eux aucune secte qui fit profession de se diftinguer au dehors par une austerité de vie particuliere.

Avant que de citer l'épître de saint Justin à Diognette, il falloit qu'il prouvât qu'elle fût veritablement de faint Justin. M. de Tillemont le nie absolument, & M. du Pin semble en douter, puisqu'après avoir parlé des deux oraisons qui font à la tête de ses ouvrages, il dit: que leur stile semble être un peu different de celui de saint Justin, qu'on peut pourtant les lui attribuer, sans lui faire tort, & qu'on peut faire le même jugement de l'épître à Diognette qui est aussi d'un auteur ancien. Parler ainfi, ce n'est pas être assuré qu'elle soit de saint Justin; en effet dans la table de la bibliotheque des auteurs Ecclesiastiques dont il a parlé dans le premier tome, entre ceux de saint Justin, il met ces deux oraisons, qui font, dit-il, douteuses, & l'épître à Diognette, dont il dit aussi que l'on doute; & plusieurs autres auteurs disent la même chose.

Mais supposons qu'elle soit veritablement de saint Justin, nous croyons que M. B*** n'en peut tirer aucun avantage. C'est beaucoup dire que ce Saint atteste que parmi les Chrétiens il n'y en avoit point qui renonçassent à leurs biens & à leurs parens pour vivre dans la folitude & dans les deserts. Cela suppose qu'après avoir parlé de ces fortes de gens, il attestoit qu'il n'y en avoit point: cependant il n'en est parlé en aucune maniere dans cette épître. On y trouve seulement que les Chrétiens ne differoient des autres hommes, ni par les lieux de leur demeure, ni par leur langue, ni par leurs mœurs, & qu'en quelque pays qu'ils habitassent, ils se conformoient aux habillemens, à la nourriture, & à toutes les autres manieres du pays. Mais ce que M. B*** ajoûte que faint Justin dit, qu'il n'y avoit alors parmi les Chrétiens aucune fecte qui fît profession de se diftinguer au dehors par une austerité de vie particuliere, ne s'y trouve pas non plus. L'endroit M. B*** croit que l'auteur de cette épître a parlé ainfi, a été traduit en ces termes par Robert Etienne: neque vitæ genus habent quod re aliqua fibi peculiari fit notabile : ce qui est la veritable fignification, & ce qui marque seule. ment que l'auteur de l'épître à Diognette a prétendu dire que les Chrétiens en general n'affectoient rien de particulier qui fût remarquable.

Mais qu'étoit-il nécessaire d'y faire une description de la vie monastique ? cet auteur parloit à un Payen qu'il vouloit convertir à la foi; c'est pourquoi il lui faisoit seulement une description de la vie & des mœurs des Chrétiens en general; & s'il avoit voulu lui perfuader d'embrasser la vie Monaftique ou Afcetique, il n'auroit pas manqué de lui en parler. Puisque M. B*** nous cite un ouvrage faussement attribué à saint Justin, selon quelques-uns, ou au moins douteux felon d'autres, nous lui citerons aussi un autre ouvrage faufsement attribué à ce saint martyr, où il est parlé positivement de la vie Afcetique, & de ceux qui se retiroient dans la folitude; ce sont ses réponses aux demandes des Orthodoxes quest. 19. & nous pourrions en même tems lui citer la lettre à Zena & à Serenus, qui est encore faussement attribuée à saint Justin par plusieurs scavans, & reconnue nean. moins veritablement de lui par Abraham Scultet, écrivain Protestant, quoiqu'elle contienne quantité de preceptes qui concernent plûtôt des Moines Coœnobites, que de simples Chrétiens.

42.

Tertul.

Quant à Tertullien, que M. B*** prétend lui être si favorable, c'est que ce Pere répondant aux reproches que les Apolog.cape Payens faifoient aux fideles, de ce qu'ils s'éloignoient du commerce du monde, il avoue qu'ils ne se trouvoient ni aux spectacles publics, ni aux temples des faux dieux, ni à aucunes autres pareilles ceremonies; qu'il foûtient que pour tout le reste, ils suivoient exterieurement le même train de vie que les autres: Ejufdem habitus, ejusdemque ad vitam necessitatis : & qu'il ajoûte qu'ils ne sont point comme ces Philosophes des Indes qui habitent les bois, & qui s'exilent volontairement : Neque enim Brachmanæ aut Indorum Gymnosophiste fumus fyl. vicole, & exules vita. Il y avoit bien de la difference entre les Therapeutes & les Brachmanes & Gymnofophiftes des Indes; car les Therapeutes avoient des habits, Philon en fait même la description, & ils ne vivoient pas en sauvages dans les bois comme les Gymnosophistes des Indes, qui étoient toûjours nuds, & qui ne couvroient de leur corps que ce que la pudeur les obligeoit de cacher.

:

Ibid.

Nous avons déja dit que les persecutions ayant empêché les Therapeutes de tenir des assemblées nombreuses dans leurs Semnées, ils s'étoient retirés en particulier dans leurs mai. fons dans les villes, ou à la campagne aux environs des vil. les, & qu'on leur donna le nom d'Afcetes. C'étoient ces Afcetes, successeurs des Therapeutes, qui étoient du tems de faint Justin & de Tertullien, & ce dernier faisant l'apologie de tous les Chrétiens en general, avoit raison de dire aux Payens qui les regardoient comme gens inutiles: infruEtuosi in negotiis dicimur : qu'ils trafiquoient, qu'ils portoient les armes, qu'ils navigeoient, qu'ils cultivoient la terre, qu'ils se trouvoient aux foires & aux marchés avec eux, qu'ils se mêloient parmi le reste des autres hommes en exerçant les arts avec eux, qu'ils étoient habillés comme eux & n'affectoient rien de fingulier. Il ne s'agissoit donc que desChrétiens en general, & il y auroit eu de l'imprudence à Tertullien de faire connoître les Afcetes qui étoient cachés dans leurs re-traites & dans leurs folitudes, & qui ne se mêloient point d'af-faires temporelles, car pour lors les Payens auroient pû dire que c'étoient ceux-là qui étoient des gens inutiles: infructuosi in negotiis: puisque c'est le langage des heretiques de ce tems, qui regardent comme personnes inutiles, ceux qui se consacrent à la retraite,e retraite, en renonçant volontairement à leurs biens & à leurs parens,..

Il ne paroît pas que M. B *** doive tirer un si grand avantage deces passages de saint Justin & de Tertullien, qu'il a allegués. Mais en voici encore un de saint Jean Chryfoftome, qui lui paroît le plus convainquant pour prouver qu'il n'y avoit aucun moine dans le premier siècle de l'églife. C'est de l'homelie 25. de ce Pere sur l'épître de S. Paul aux Hebreux, où il assure positivement qu'au tems où cet Apôtre l'écrivoit,

il n'y avoit aucun veftige de moines. Il y a déja long-tems que Magde- les Centuriateurs de Magdebourg avoient fait cette objeburg cent. 1.lib.2.0.6. tion : & le cardinal Bellarmin leur avoit répondu que faint Bellarmin, Jean Chryfoftome parloit seulement de l'église de Corinthe, sde Monach. puisque c'est au sujet de ces paroles de saint Paul aux Corin.

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thiens: fi quis frater nominatur in vobis: que ce faint Pere avoit dit cela. Le P. de Montfaucon avoit aussi répondu à M. B*** que cela ne regardoit que la Syrie où saint Jean Chryfoftome prêchoit, ou la Judée où saint Paul adressoit sa

Lettre

Lettre. Mais M. B*** dans sa replique au P. de Montfaucon, prétend que faint Jean Chryfoftome s'est servi des termes les plus generaux qu'il a pû emploïer, & qu'il ne s'est pas reftraint au tems où saint Paul écrivoit, & auquel saint Marc formoit l'établissement des monafteres. Mais que M. B*** fasse reffexion sur les autres homelies de ce même pere de l'Eglise, citées par le cardinal Bellarmin, entr'autres l'homelie 17. à fon peuple, & il y verra que ce saint qui appelloit les Moines des philosophes, dit que Jesus-Christ en a été l'instituteur : tanti eft philofophia à Chrifto introdufta ; & dans le traité qu'il fit contre ceux qui blâmoient la profession de la vie Monastique, il dit que les Apôtres avoient pratiqué ce que les Moines pratiquoient. Or si saint Jean Chryfoftome croïoit que la vie Monastique avoit été instituée par JesusChrift, & que les Apôtres en avoient fait profession; comment auroit-il pû dire qu'il n'y avoit aucun vestige de Moines au tems de saint Paul & de saint Marc? N'a-t-on pas lieu de croire qu'il n'entendoit parler que de l'Eglise de Corinthe, comme dit le cardinal Bellarmin; ou de la Syrie, ou de la Judée, comme prétend le pere Montfaucon ?

Ec

clef.tom.7.

M. de Tillemont avoue qu'il y a toujours eu dans l'Eglise De Tillem. des Afcetes qui faisoient profession d'une austerité & d'une mem. pour retraite particuliere, les uns dans les villes, & la plupart dans ce les villages, ou dans des lieux qui n'en étoient pas éloignés; page 177. & il reconnoît même qu'entre ces Ascetes il y en avoit qui demeuroient cinq, ou fix, ou dix au plus, dans un même lieu qui se soûtenoient, dit-il, les uns les autres; mais fans aucune fubordination, & fans autre discipline, que les regles generales de la crainte de Dieu ; & qui ne se maintenoient ainsi qu'avec beaucoup de peine dans la pieté.

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On croiroit peut-être qu'il n'a voulu parler de ces for tes de communautés, qu'après la perfecution de Diocletien qui arriva l'an 303. mais il fait assez connoître qu'il en recon- Page 3 di noissoit avant cette perfecution, lorsqu'il dit qu'il faut avouer qu'on ne trouve aucun vestige des Cœnobites dans les auteurs des trois premiers fiecles, durant lesquels on ne voit pas qu'il y eût des Chrétiens qui fissent profession d'un état different & plus retiré que les autres, excepté les Afcetes & les Anachoretes, qui vivoient en leur particulier, ou au moins, qui ne faifoient pas de communautés considerables; & Ibid.

Tome I.

C

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