ABYSSING. veneration: leurs poëtes dans les vers qu'ils ont faits à leur MOINES louange, leur font transporter des montagnes d'un lieu à un autre, passerles rivieres & les torrens fur leurs habits qui leur servoient de barques. Mais entre ces premiers Solitaires de l'Ethiopie, celui qui selon eux a plus excellé en sainteté, est Gabra-Menfes-Ked, dont ils font la fête tous les mois. Tous les religieux d'Ethiopie se disent de l'Ordre de faint Antoine; mais ils n'ont pas tous les mêmes observances étant divisés en deux ou trois congrégations, ou instituts particuliers. Le premier est celui de Tecla-Haïmanot, qui vers l'an 620. fut le restaurateur de la vie monastique en Ethiopie: il prescrivit des loix particulieres aux Moines qui se rangerent sous sa conduite, & voulut entr'autres choses, qu'ils fussent foumis à un superieur general, appellé Icegue, qui, après l'Abuna ou Patriarche d'Ethiopie, a toujours été celui de tout l'empire qui a été le plus confideré par raport à sa dignité & à fon autorité. Il fait la visite de tous les religieux qui lui sont soumis, ou bien il envoie des commissaires qui les visitent pour les corriger & pour punir ceux qui ont commis quelques fautes. Avant que les Galles se fussent emparé du roïaume de Shewa, que quelques-uns appellent Xoa ou Xaoa, ce superieur ou abbé general des Moines de l'institut de Tecla-Haïmanot, faisoit sa refidence au Monastere de Debra-Libanos, ou Mont-Liban, qu'il a tansferée ensuite à Bagendra; ce qui fait, dit M. Ludolf, qu'un certain Moine nommé Tesfa-Tfion, quia imprimé en langue éthiopienne le Nouveau Testament, parlant de lui & des autres Moines, à la fin d'un discours qu'il a fait sur saint Matthieu, dit qu'ils font tous enfans du pere Tecla-Haïmanot du Monaftere appellé le Mont-Liban; c'est pourquoi, continue M. Ludolf, quelques sçavans ont mal à propos nommé ces Moines, Maronites. Ce Tecla-Haïmanot est en très-grande veneration chez les Ethiopiens, qui en font la fête le 24. Decembre. Ils en font aussi mention dans leurs dyptiques, en difant: Souvenez-vous, Seigneur, de l'ame de votre serviteur & notre pere Tecla-Haïmanot & de tous fes disciples. Le second institut des Moines d'Ethiopie, est celui de l'Abbé Eustase, qui n'est pas moins recommandable dans toute l'empire, que Tecla-Haïmanot les Abyssinsen font aussi mention dans leurs dyptiques en ces termes : Souvenez-vous, Seigneur, ABYSSINS. MOINES de notre pere Eustase & de tous ses enfans. Sa fête se celebre le 21. Juillet. Il a eu beaucoup de disciples à qui il a aussi prescrit des loix ; mais il ne leura pas donné de fuperieur general dont ils dépendent, & ils ne se mettent pas beaucoup en peine d'en avoir un ; sous pretexte, à ce qu'ils disent, qu'Eustase étantalléen Armenie sans avoir nommé un successeur, il ne leur est pas permis d'en établir un : c'est pourquoi l'abbé de chaque Monastere de cet institut, est le maître absolu chez lui, & peut corriger ses inferieurs, sans qu'ils puissent en appeller; & lorsqu'il meurt, les religieux du même Monaftere en élisent un autre. Le Gobien, L'on trouve parmi les lettres édifiantes & curieuses écrites Lettres édi- des missions étrangeres par les missionnaires de la Compagnie cueil, pag. de Jesus, la relation d'un voïage fait en Ethiopie en 1698. fiant. 4 re 1699. & 1700. par M. Poncet medecin François, qui paroît avoir été mal informé de ce qui concerne le clergé seculier & regulier de cet empire; car il dit qu'il n'y a point de prê. tre en Ethiopie qui ne soit religieux : que l'empereur Ati-Bafili, ayeul du prince qui regnoit pour lors, en fit precipiter sept mille du haut de la montagne de Balbau, pour s'être revoltés contre lui; & que l'on peut juger de la multitude qu'il y ena, par ce que lui dit le patriarche predecesseur de celui qui gouverne presentement l'église d'Ethiopie, qu'en une feule ordination il avoit fait dix mille prêtres & fix mille dia cres. François Alvarez aûmonier de Dom Emmanuel roi de Portugal, qui accompagna l'ambassadeur que ce prince envoïa l'an 1520. à l'Empereur des Abyssins, & qui a donné la relation de cette ambassade, nous assure néanmoins qu'il y a des prêtres seculiers en Ethiopie : que depuis qu'ils ont été ordonnés diacres jusqu'à ce qu'ils foient prêtres, ils peuvent se marier une fois seulement : qu'ils ne peuvent pas entrer dans ļa clericature s'ils ont été mariés ; & que si étant prêtres ils se remarient, ils font degrades & reduits à l'état laïcal, ne pouvant plus entrer dans l'église, ce qui n'est permis qu'aux prêtres & aux clercs. Sous la qualité de clerc, est renfermé aussi l'ordre de foudiacre aussi-bien que celui de diacre, que ceux que l'on fait clercs reçoivent en même tems & fans aucun examen ; car il y a un grand nombre de ces ordinans qui ne pourroient répondre aux demandes qu'on leur feroit; puif que puisque la plupart font encore à la mamelle. L'on peut ajoûter foi à cet auteur, qui s'étoit trouvé à plusieurs de ces ordinations. Dans la premiere qu'il vit, le patriarche ordonna deux mille trois cens cinquante-fix prêtres, parmi lesquels il y avoit des religieux aveugles, d'autres qui n'avoient qu'un bras, & d'autres qui n'avoient qu'une jambe; & le patriarche lui dit qu'il y avoit eu peu de prêtres dans cette ordination, parce que tous ces prêtres n'étoient que des environs du lieu où il étoit pour lors, qu'ordinairement il n'en ordonnoit pas moins de cinq à fix mille à la fois, & que l'on ne faisoit pas l'ordination des clercs dans le même tems. En effet le lendemain celle des clercs se fit & dura depuis le matin jusqu'au soir; non pas à cause de la longueur des ceremonies qui se pratiquent à l'égard de chaque ordinant, mais à cause du grand nombre des personnes qui reçurent la clericature. Comme il n'y a point d'autres évêques en Ethiopie que le patriarche, il fait souvent de ces fortes d'ordinations; & jamais abus n'a été porté plus loin que celui-là, recevant indiferemment toutes fortes de personnes sans aucune attention aux qualités requises. Ainfi M. Poncet n'a peut-être point trop avancé, en disant qu'il avoit appris du patriarche, que fon prédecesseur avoit fait dans une seule ordination dix mille prêtres, & fix mille diacres ; ce qui a pû se faire en deux differents jours; car toute la ceremonie que l'on observe dans l'ordination des prêtres, consiste en ce que le patriarche met la main fur la tête de chaque prêtre en disant quelques prieres, & ensuite, après avoir lû quelque tems dans un livre, il leur donne à tous plusieurs benedictions avec une croix de fer. Quoiqu'il ne soit pas vrai qu'il n'y ait point d'autres prêtres en Ethiopie que les religieux; cela n'empêche pas qu'il n'y ait un si grand nombre de ces derniers dans cet empire, qu'Alvarez affure encore que tout en eft rempli:qu'on ne voit que Moines dans les Monasteres, dans les églises, dans les rues, dans les marchés : qu'il n'a vú aucune église desservie par des prêtres seculiers où il n'y eût aussi des religieux ; & qu'il n'a trouvé aucun Monastere où il y eût des prêtres se culiers. M. Ludolf confirme cette multitude de Moines en Ethiopie; mais il ne semble pas être d'accord avec les relations de Tome I. S MOINES ABYSSING. MO INES quelques voyageurs touchant les Monasteres de ces religieux: ABYSSINS. car il prétend qu'ils demeurent ordinairement auprès des églises dans de pauvres cabanes dispersées çà & là dans un enclos: qu'ils ne portent point l'habit Monachal : qu'on ne les diftingue des feculiers que par une croix qu'ils portent toûjours à la main : que leurs demeures ne peuvent pas être appellées des cloîtres: qu'ils ne meritent pas le nom de Moines; & qu'on ne les doit regarder que comme des colonies de gens qui ne sont point mariés. Cependant Alvarez doit être cru, puisqu'il a demeuré fix ans en Ethiopie, qu'il alloit presque tous les jours au Monastere de la Vision de Jesus, dont il ne demeuroit pas loin, & qu'il assistoit avec les Moines à toutes leurs principales fêtes & ceremonies ausquelles il étoit souvent invité. Cet auteur faisant la description de ce Monaftere situé dans la province de Tigre sur une haute montagne au milieu d'une forêt, & dans une affreuse folitude, dit: qu'ordinairement il y a cent religieux qui y demeurent, & qui mangent ensemble dans un même refectoire, excepté les vieillards qui en sont dispensés, à qui l'on porte à manger en particulier : que les revenus de ce Monastere font très-confiderables: que la montagne où il est situé lui appartient entierement, & qu'elle a plus de dix lieues d'étendue:qu'au bas de cette montagne il y a plusieurs fermes qui dépendent du Monastere, outre plusieurs autres que l'on trouve jusqu'à trois journées au delà, qui s'appellent Gultus c'est-à-dire les franchises de la Vision: qu'il y a encore plus de cent villages qui lui payent tous les trois ans chacun un che val, mais que le procureur du Monastere prend des vaches à raison de cinquante pour chaque cheval; de forte qu'il reçoit bien par an dix-sept cens vaches, dont les religieux tirent du beure pour regaler les étrangers qui les viennent voir, & pour en mettre dans leurs lampes au lieu d'huile. , Commeil y a des auteurs qui ont écrit, que dans ce Monastere il y avoit ordinairement trois mille religieux, & que l'on avoit dit la même chose à Alvarez, il y alla le jour de l'Af. fomption de la Ste Vierge, auquel jour les religieux font une proceffion generale; il n'y vit neanmoins que trois cens religieux ou environ; & en ayant demandé la raison, on lui dit que les autres étoient dispersés dans d'autres Monafteres ou églises particulieres, & aux foires & marchés, pour gagner |