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T. I. P. 135.

22.

Religieux Etyopien

de l'Institut de l'Abbé Eustase.

:

ABYSSING.

veneration leurs poëtes dans les vers qu'ils ont faits à leur, MOINES louange, leur font tranfporter des montagnes d'un lieu à un autre, paffer les rivieres & les torrens fur leurs habits qui leur fervoient de barques. Mais entre ces premiers Solitaires de l'Ethiopie, celui qui felon eux a plus excellé en fainteté, est Gabra-Menfes-Ked, dont ils font la fête tous les mois.

Tous les religieux d'Ethiopie fe difent de l'Ordre de faint Antoine; mais ils n'ont pas tous les mêmes obfervances étant divifés en deux ou trois congrégations, ou inftituts particuliers. Le premier eft celui de Tecla-Haïmanot, qui vers l'an 620. fut le reftaurateur de la vie monaftique en Ethiopie: il prescrivit des loix particulieres aux Moines qui fe rangerent fous fa conduite, & voulut entr'autres chofes, qu'ils fuffent foumis à un fuperieur general, appellé Icegue, qui, après l'Abuna ou Patriarche d'Ethiopie, a toujours été celui de tout l'empire qui a été le plus confideré par raport à fa dignité & à fon autorité. Il fait la vifite de tous les religieux qui lui font foumis, ou bien il envoie des commiffaires qui les vifitent pour les corriger & pour punir ceux qui ont commis quelques fautes. Avant que les Galles fe fuffent emparé du roïaume de Shewa, que quelques-uns appellent Xoa ou Xaoa, ce fuperieur ou abbé general des Moines de l'inftitut de Tecla-Haïmanot, faifoit fa refidence au Monastere de Debra-Libanos, ou Mont-Liban, qu'il a tansferée ensuite à Bagendra; ce qui fait, dit M. Ludolf, qu'un certain Moine nommé Tesfa-Tfion, qui a imprimé en langue éthiopienne le Nouveau Teftament, parlant de lui & des autres Moines, à la fin d'un difcours qu'il a fait fur faint Matthieu, dit qu'ils font tous enfans du pere Tecla-Haïmanot du Monaftere appellé le Mont-Liban, c'est pourquoi, continue M. Ludolf, quelques fçavans ont mal à propos nommé ces Moines, Maronites. Ce Tecla-Haïmanot eft en très-grande veneration chez les Ethiopiens, qui en font la fête le 24. Decembre. Ils en font auffi mention dans leurs dyptiques, en difant: Souvenez-vous, Seigneur, de l'ame de votre ferviteur & notre pere Tecla-Haimanot & de tous fes difciples.

Lefecond inftitut des Moines d'Ethiopie, eft celui de l'Abbé Euftafe, qui n'eft pas moins recommandable dans toute l'empire, que Tecla-Haïmanot les Abyffins en font auffi mention dans leurs dyptiques en ces termes : Souvenez-vous, Seigneur,

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ABYSSINS.

MOINES de notre pere Euftafe & de tous fes enfans. Sa fête se celebre le Juillet. Il a eu beaucoup de difciples à qui il a auffi prefcrit des loix; mais il ne leura pas donné de fuperieur general dont ils dépendent, & ils ne fe mettent pas beaucoup en peine d'en avoir un; fous pretexte, à ce qu'ils difent, qu'Eustase étant allé en Armenie fans avoir nommé un fucceffeur, il ne leur eft pas permis d'en établir un : c'eft pourquoi l'abbé de chaque Monaftere de cet inftitut, eft le maître abfolu chez lui, & peut corriger fes inferieurs, fans qu'ils puiffent en appeller; & lorfqu'il meurt, les religieux du même Monastere en élifent un autre.

fiant. 4 re

231.

Le Gobien, L'on trouve parmi les lettres édifiantes & curieuses écrites Lettres édi- des miffions étrangeres par les miffionnaires de la Compagnie cueil, pag. de Jefus, la relation d'un voïage fait en Ethiopie en 1698. 1699. & 1700. par M. Poncet medecin François, qui paroît avoir été mal informé de ce qui concerne le clergé feculier & regulier de cet empire ; car il dit qu'il n'y a point de prê. tre en Ethiopie qui ne foit religieux : que l'empereur Ati-Bafili, ayeul du prince qui regnoit pour lors, en fit precipiter fept mille du haut de la montagne de Balbau, pour s'être revoltés contre lui ; & que l'on peut juger de la multitude qu'il y en a, par ce que lui dit le patriarche predeceffeur de celui qui gouverne prefentement l'églife d'Ethiopie, qu'en une feu le ordination il avoit fait dix mille prêtres & fix mille dia

cres.

François Alvarez aûmonier de Dom Emmanuel roi de Portugal, qui accompagna l'ambaffadeur que ce prince envoïa l'an 1520. à l'Empereur des Abyffins, & qui a donné la relation de cette ambaffade, nous affure néanmoins qu'il y a des prêtres feculiers en Ethiopie : que depuis qu'ils ont été ordonnés diacres jufqu'à ce qu'ils foient prêtres, ils peuvent fe marier une fois feulement: qu'ils ne peuvent pas entrer dans la clericature s'ils ont été mariés ; & que fi étant prêtres ils fe remarient, ils font degradés & reduits à l'état laïcal, ne pouvant plus entrer dans l'églife, ce qui n'eft permis qu'aux prêtres & aux clercs. Sous la qualité de clerc, eft renfermé auffi l'ordre de foudiacre auffi-bien que celui de diacre, que ceux que l'on fait clercs reçoivent en même tems & fans aucun examen ; car il y a un grand nombre de ces ordinans qui ne pourroient répondre aux demandes qu'on leur feroit; puifque

ABYSSING.

puifque la plupart font encore à la mamelle. L'on peut ajoû- MOINS ter foi à cet auteur, qui s'étoit trouvé à plufieurs de ces ordinations. Dans la premiere qu'il vit, le patriarche ordonna deux mille trois cens cinquante-fix prêtres, parmi lesquels il y avoit des religieux aveugles, d'autres qui n'avoient qu'un bras, & d'autres qui n'avoient qu'une jambe ; & le patriarche lui dit qu'il y avoit eu peu de prêtres dans cette ordination, parce que tous ces prêtres n'étoient que des environs du lieu où il étoit pour lors, qu'ordinairement il n'en ordonnoit pas moins de cinq à fix mille à la fois, & que l'on ne faifoit pas l'ordination des clercs dans le même tems. En effet le lendemain celle des clercs fe fit & dura depuis le matin jufqu'au foir; non pas à cause de la longueur des ceremonies qui fe pratiquent à l'égard de chaque ordinant, mais à cause du grand nombre des perfonnes qui reçurent la clericature.

Comme il n'y a point d'autres évêques en Ethiopie que le patriarche, il fait fouvent de ces fortes d'ordinations; & jamais abus n'a été porté plus loin que celui-là, recevant indiferemment toutes fortes de perfonnes fans aucune attention aux qualités requifes. Ainfi M. Poncet n'a peut-être point trop avancé, en difant qu'il avoit appris du patriarche, que fon prédeceffeur avoit fait dans une feule ordination dix mille prêtres, & fix mille diacres ; ce qui a pû fe faire en deux differents jours; car toute la ceremonie que l'on obferve dans differentsjours; l'ordination des prêtres, confifte en ce que le patriarche met la main fur la tête de chaque prêtre en difant quelques prieres, & enfuite, après avoir lû quelque tems dans un livre, il leur donne à tous plufieurs benedictions avec une croix de

fer.

Quoiqu'il ne foit pas vrai qu'il n'y ait point d'autres prêtres en Ethiopie que les religieux, cela n'empêche pas qu'il n'y ait un fi grand nombre de ces derniers dans cet empire, qu'Alvarez affure encore que tout en eft rempli:qu'on ne voit que Moines dans les Monafteres, dans les églifes, dans les dans les marchés : qu'il n'a vú aucune églife deffervie par des prêtres feculiers où il n'y eût auffi des religieux; & qu'il n'a trouvé aucun Monaftere où il y eût des prêtres feculiers.

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M. Ludolf confirme cette multitude de Moines en Ethiopie; mais il ne femble pas être d'accord avec les relations de S

Tome I.

MOINES quelques voyageurs touchant les Monafteres de ces religieux: ABYSSINS. car il prétend qu'ils demeurent ordinairement auprès des églifes dans de pauvres cabanes difperfées çà & là dans un enclos: qu'ils ne portent point l'habit Monachal : qu'on ne les diftingue des feculiers que par une croix qu'ils portent toûjours à la main: que leurs demeures ne peuvent pas être appellées des cloîtres: qu'ils ne meritent pas le nom de Moines; & qu'on ne les doit regarder que "comme des colonies de gens qui ne font point mariés.

Čependant Alvarez doit être cru, puifqu'il a demeuré fix ans en Ethiopie, qu'il alloit prefque tous les jours au Monastere de la Vifion de Jefus,dont il ne demeuroit pas loin, & qu'il affiftoit avec les Moines à toutes leurs principales fêtes & ceremonies aufquelles il étoit fouvent invité. Cet auteur faifant la defcription de ce Monaftere fitué dans la province de Tigré fur une haute montagne au milieu d'une forêt, & dans une affreufe folitude, dit: qu'ordinairement il y a cent religieux qui y demeurent,& qui mangent enfemble dans un même refectoire, excepté les vieillards qui en font difpensés, à qui l'on porte à manger en particulier : que les revenus de ce Monaftere font très-confiderables : que la montagne où il eft fitué lui appartient entierement,& qu'elle a plus de dix lieues d'étendue:qu'au bas de cette montagne il y a plufieurs fermes qui dépendent du Monaftere, outre plufieurs autres que l'on trouve jufqu'à trois journées au delà, qui s'appellent Gultus c'eft-à-dire les franchises de la Vision: qu'il y a encore plus de cent villages qui lui payent tous les trois ans chacun un che. val, mais que le procureur du Monaftere prend des vaches à raifon de cinquante pour chaque cheval; de forte qu'il re

çoit bien par an dix-fept cens vaches, dont les religieux tirent du beure pour regaler les étrangers qui les viennent voir, & pour en mettre dans leurs lampes au lieu d'huile.

Comme il y a des auteurs qui ont écrit, que dans ce Monaftere il y avoit ordinairement trois mille religieux, & que l'on avoit dit la même chofe à Alvarez, il y alla le jour de l'Af. fomption de la Ste Vierge,auquel jour les religieux font une proceffion generale, il n'y vit neanmoins que trois cens religieux ou environ; & en ayant demandé la raifon, on lui dit que les autres étoient difperfés dans d'autres Monafteres ou églifes particulieres, & aux foires & marchés, pour gagner

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