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GATIONSDE

MOUTIER.

Barbares, prirent ces saintes Reliques, & étant accompagnés CONGREde l'Abbé Heberne, & des vingt-quatre Religieux de Mar- FRANCE ET moutier, ils les transporterent à Cormeri, à Orleans, à faint DE MARBenoît du Coire, & enfin à Auxerre, où elles ont été pendant trente & un ans; & comme si ce Saint eût voulu procurer de l'honneur à ceux qui avoient eu soin de ses saintes Reliques, tous les Religieux de Marmoutier furent élevés à l'Epifcopat, ou furent élus Abbés dans des Monafteres de Bourgogne, & l'Abbé Heberne qui ne quitta point le Corps de saint Martin, eut la joïe vers l'an 887. de le reporter à Tours, où après la mort de l'Archevêque Adalaud, il fut mis à sa place, & gouverna le Diocése pendant vingt-sept

ans.

Marmoutier fut comme defert & abandonné pendant tout ce tems-là, & pendant prefque tout le dixiéme siècle, il n'y eut que quelques Chanoines Reguliers qui y firent l'Office Divin, & des Laïques en furent Abbés. Hugues de France, dit le Grand, fils du Roi Robert III. posseda cette Abbaïe, aussi-bien que fon fils Hugues Capet; Mais aïant été donnée å faint Mayeul qui étoit aussi Abbé de Cluni, il la rendit aux Moines Benedictins, ce qui paroît être arrivé sur la fin du Regne du Roi Lothaire. On y mit d'abord treize Religieux d'une très fainte vie, ausquels on donna pour Abbé Guilibert ou Wilibert. Mais quoique saint Mayeul eût été le Restaurateur de cette Abbaïe, elle ne fut pas pour cela soûmise a Cluni, non plus que beaucoup d'autres qui furent réformées par les Religieux de cette Congrégation ; car le Pape Gregoire V.aïant confirmé à la priere del'Empereur Othon III. les Monafteres qui dépendoient de Cluni, il n'est point fait mention de Marmoutier dans les Lettres qui en furent expediées.

L'exacte difcipline que l'on obfervoit dans ce Monastere lui attira l'estime de plufieurs perfonnes qui y firent des donations confiderables : le nombre des Religieux augmenta, ils retirerent plufieurs Monafteres des mains des seculiers qui s'en étoient emparés: & fous le gouvernement de l'Abbé Albert, qui fut élu l'an 1034. il étoit devenu très illuftre par le grand nombre de Monafteres qui lui étoient soûmis, & il le fut encore bien davantage dans la suite, puisque faint Odilon Abbé de Cluni étant mort à Souvigni dans le

CONGRE- Bourbonnois, les Religieux de ce Monastere écrivirent à DE FRANCE Albert Abbé de Marmoutier pour lui en donner avis,& lui ET DEMAR donnerent le titre d'Abbé des Abbés.

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MOUTIER.

L'estime que l'on avoit pour les Religieux de Marmoutier s'augmenta de telle forte, que vers l'an 1064. il n'y avoit aucune Province qui ne voulût en avoir : c'est pourquoi quelque part que l'on allât, l'on trouvoit des Monasteres de la dependance de cette Abbaïe : & même il y en eut jusqu'en Angleterre. Entre les exercices de pieté de ces Religieux on louë fur tout celle qu'ils faisoient paroître à l'égard de leurs freres qui étoient à l'agonie. Le Pere Mabillon dans ses Annales parle avec éloge des jeûnes, des prieres, des macerations, & des penitences qu'ils pratiquoient pour leur procurer une bonne mort : & parlant à ce sujet de la mort d'un bon frere de ce Monastere, il fait remarquer qu'il reçut deux jours de suite le saint Viatique, & communia sous les deux efpeces, apparemment suivant l'usage qui subsistoit pour lors dans cette Abbaïe.

Deux Archevêques de Tours, nommés Rodolphe, inquietterent ces Religieux fur leurs Privileges: mais ils furent deboutés de leurs prétentions dans plusieurs Conciles Provinciaux, où les Religieux furent maintenus dans leurs Privileges: & comme ces Religieux étoient toûjours moleftés sur le même sujet, le Pape Urbain II. dans le Concile de Clermont, après avoir fait la lecture du privilege, qui les soûmettoit immediatement au saint Siege, ordonna qu'il feroit observé, & confirma le decret du Pape Gregoire VII. qui défendoit à tous Evêques d'indiquer aucune station publique dans l'Eglise de Marmoutier, afin que les Religieux ne fussent point interrompus dans leurs exercices, ni d'exiger aucune obéïssance,ou foûmission des Abbés, ni de fulminer aucune excommunication contre le Monaftere ou ces Religieux, quelque part qu'ils demeurassent: ce qui étoit seulement refervé au souverain Pontife, fous la proteEtion duquel ils étoient.

Chopin dit que les Rois de France se qualifient Abbés de ce Monastere, & que quand ils y font leur entrée, ils jurent sur les faints Evangiles, comme les autres Abbés, qu'ils en conferveront les privileges & les franchifes. Les Comtes d'Anjou se qualifioient Moines de ce Monaftere: &

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BAN.

un Archevêque de Tours aïant voulu excommunier Go- ORDRE DE defroi, Duc de Normandie & Comte d'Anjou, ce Prince COLO lui répondit qu'il ne craignoit point son Excommunication, acause qu'il étoit Chanoine de saint Martin & Moine de Marmoutier. Des deux cens Prieurés, qui comme nous l'avons dit cy-dessus, étoient de la dépendance de ce celebreMonaftere,il y en avoit 26. dans le seul Diocêse de Chartres. Le Monastere deMarmoutier fut un de ceux qui composerent la Congregation des Exempts, dont nous parlerons dans la suite: mais la reforme y aïant été introduite par les Religieux Benedictins de la Congregation de saint Maur, il fut uni l'an 1637. à cette Congregation qui a fait rebâtir ce Monaftere avec beaucoup de magnificence.

Voïez Joann. Mabill. Annal. Bened. Tom. I. II. III. & IV. Yepés, Chronique generale de l'Ordre de faint Benoît, Tome I. Bulteau, Histoire de l'Ordre de faint Benoit, Tome I.

CHAPITRE VIII.

De l'Ordre de faint Colomban uni à celui de faint Benoît.

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E ne sera point interrompre le cours de l'Histoire de l'Ordre de saint Benoît, que de parler de celui de faint Colomban, puisque presentement ces deux Ordres font unis ensemble. Yepés, Bucelin & plusieurs autres Ecrivains n'attribuent point d'Institut particulier à saint Colomban. Ils prétendent même qu'avant que de fortir d'Irlande il embrassa la Regle de faint Benoît, & que s'il prescrivit à ses Disciples des Loix Monastiques, ce ne fut que pour servir de modification ou de supplement à cette Regle. D'autres tiennent pour certain que l'Institut de faint Colomban à été different de celui de faint Benoît. Ces deux opinions ont fait naître une autre dispute, les uns foûtenant que ces deux Regles furent réünies & gardées ensemble à Luxeüil & dans d'autres Monasteres avant le huitiéme fiécle, & les autres contestant cette union & disant qu'elle ne fut introduite dans les Abbaïes de l'Observance de faint Colomban que lorsqu'elles eurent besoin de reforme.

Il est certain que ceux qui ont pretendu que faint Colomban, avant que de sortir d'Irlande, avoit embrassé la Re

Tome V.

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ORDRE DE gle de faint Benoît, se sont trompés, puisque ce Saint fortit S. COLOM. d'Irlande avant que cette Regle y eût été connuë, & que

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si-tôt qu'il eut fondé fon premier Monaftere en France, il fit pratiquer les mêmes observances qu'il avoit apprises dans le Monaftere de Binchor où il avoit été Disciple de saint Comgal. D'ailleurs ses Religieux avoient les mêmes sentimens que les Irlandois, touchant la célébration de la Fête de Pâques, qu'ils celebroient le quatorziéme jour de la lune d'après l'équinoxe du Printems, lorsque ce jour arrivoit un • Dimanche, ce qui étoit en quelque façon imiter les Juifs qui la celebroient toujours le quatorziéme jour de la lune, au lieu que les Romains, les François & les autres Occidentaux differoient au Dimanche suivant; ce qui fit que le Roi Thierri se plaignit fortement de ce que ce Saint differoit en coûtumes d'avec les François. D'ailleurs ce qui se passa dans de Concile de Macon tenu l'an 623. prouve assés que saint Colomban avoit fait une Regle, puisqu'elle y fut examinée, qu'elle y fut defenduë contre les calomnies d'Agrestin Moine de Luxeüil, & qu'il n'y est fait aucune mention de la Regle de saint Benoît, non plus que dans le Penitentiel qui l'accompagne : ce qui fait voir que la Regle de faint Colomban ne peut pas avoir servi de fupplement à celle de faint Benoît. Ainsi il est vrai de dire que l'Ordre de faint Colomban a été different de celui de saint Benoît : à moins que l'on ne veüille dire que dans ce tems-là l'Ordre de saint Colomban, celui de saint Benoît & les autres ne formoient qu'un seul Ordre Monastique, quoiqu'ils eussent des regles differentes, puisqu'ils étoient institués pour une même fin, qui étoit la séparation du monde & du commerce des feculiers, l'abandon de toutes chofes, & le defir de tendre à une plus grande perfection. Quant à l'observance des Regles de saint Colomban & de faint Benoît dans un même Monastere, les fondations de saint Bafle, l'an 620. de Beze, l'an 629. de Solignac, l'an 631. de Fleuri, vers l'an 640. de Haut-Villiers, l'an 662. & de quelques autres qui font du même tems, font foi que ces deux Regles étoient observées dans ces Monafteres, & prouvent en même tems que les Regles de saint Benoît & de faint Colomban étoient conjointement gardées dans des Monasteres avant le huitiéme siècle. Mais enfin dans la suite la Regle de faint Benoît prévalut fur celle de

faint Colomban & fut observée seule dans les Monafteres de ORDRE DE fon observance.

Ce Saint nâquiten Irlande vers l'an 560. dans la Province de Lagenie ou Leinster. Dès sa jeunesse il s'appliqua aux. fciences & y fit beaucoup de progrès. Comme il étoit bienfait, craignant de succomber aux attaques de la volupté il quitta son païs malgré la resistance de fa mere; & passant dans une autre Province d'Irlande, il se mit sous la conduite du venerable Silene qui avoit un don merveilleux pour former ses disciples aux études & à la pieté. Il fit un sigrand grogrès dans son école, qu'en peu de tems il acquit une intelligence parfaite de l'Ecriture-Sainte, & composa même quelques traités, entr'autres un Commentaire sur les Pseaumes.

Son amour croissant pour Dieu de jour en jour, il quitta entierement le monde, & se fit Religieux au Monastere de Benchor, sous l'Abbé Comgal ou Commogelle, où aïant demeuré plusieurs années, & voulant à l'exemple d'Abraham passer dans une terre étrangere, il communiqua fon dessein à l'Abbé, qui avec beaucoup de peine lui accorda douze Religieux, avec lefquels il alla d'abord en Angleterre, d'où il vint ensuite dans la Gaule. Il étoit pour lors âgé de trente ans: Gontran regnoit en Bourgogne, & Childebert en Austrasie. Le defert de Vauge, quoiquesterile & plein de rochers, lui parut agréable: il s'y arrêta, & choisit pour sa demeure un vieux Château ruiné, nommé Annegray, où il pratiqua avec ceux qui l'accompagnoient tous les exercices de la profession Religieuse. Leur austerité étoit fi grande qu'ils ne vecurent d'abord que d'herbes & d'écorces d'arbres: de forte qu'un frere étant tombé malade, il ne put être foulagé que par la priere & le jeûne des autres: mais il vint un homme, envoïé miraculeusement de Dieu, qui leur apporta du pain & des vivres, les priant de demander au Seigneur la guerifon de sa femme qui étoit malade. Une autre fois aïant encore été reduits pendant neuf jours à ne manger que des herbes & des écorces d'arbres, Caramtoc Abbé du Monaftere de Salice, fut averti en fonge de pourvoir à leurs be foins. Il envoïa Marculfe fon cellerier leur porter des provifions : & comme il ne sçavoit pas le chemin, il pria Dieu deconduire les chevaux, qui allerent d'eux-mêmes droit au Monastere d'Annegray.

S. COLOM

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