DU le Roïaume de Dieu & sa justice, le Pere Celeste ne leur BERNAR- Le sixiéme Mars de la même année, la plus grande partie En 1655. leur Superieur fit une visite reguliere au sujet de la réforme, afin de récueillir les sentimens de part & d'autre, & aprés avoir écouté toutes les Religieuses, il fit affembler au Seminaire de faint Sulpice huit Docteurs, & leur aïant proposé les raisons que ces Religieuses avoient d'embrasser la Réforme, ces Docteurs furent d'avis de les laisser quelque tems sans leur donner de décision pour voir fi elles perfevereroient. Trois années se passerent encore pendant lefquelles chacune demeura ferme dans ses premiers sentimens. Le Cardinal de Bourbon, Abbé de saint Germain des Prés, sous la jurifdiction duquel ceMonastere étoit, donna commiffion à l'Abbé de Gamaches d'y faire une seconde visite, aprés laquelle ces Religieuses présenterent une Requête au Cardinal, où aïant expofé leurs raisons pour embrasser la Réforme, elles lui demandoient les permitions nécessaires pour ce changement. Ce Prince conclut avec fon Confeil qu'elles feroientencore un an d'épreuve dans la pra DINES DU CIEUX. BIRNAR tique des austerités de cette Réforme, & cependant il fit SANG PRE faire une Assemblée de Docteurs & de Théologiens, tant Réguliers que Séculiers le 7. Janvier 1659. qui conclurent, aprés avoir examiné la premiere maniere de vie de ces Religieuses, leurs Constitutions & les Bulles des années 1628. & 1634. dont nous avons parlé dans le Chapitre précédent; qu'elles étoient fubreptices, & obtenuës sur un faux expofé, par conféquent de nulle valeur, & qu'ainsi leurs professions étoient nulles, puisqu'elles avoient été faites dans une Congrégation non approuvée, d'autant que la Bulle qui, à ce qu'on prétendoit, l'avoit authorisée, n'avoit été donnée qu'à condition que cette Congrégation professeroit la Regle de faint Benoît, & feroit cenfée de l'Ordre de Citeaux, suivant l'assurance qu'elles avoient donnée que leur dessein étoit de prendre les coûtumes de cet Ordre : ce qui néanmoins étoit faux, puisque leurs Constitutions y étoient opposées, & entierement conformes à celles des Religieuses de la Visitation; de forte qu'on les obligea à faire une année de Noviciat dans l'Obfervance de la Regle de saint Benoît & les Coûtumes de Cîteaux, & d'abandonner leurs anciennes Constitutions qui portoient le nom de Reforme, sous la Regle de saint Benoît, quoiqu'elles n'y eussent aucun rapport. Cette déliberation fut fignée du Cardinal de Bourbon & de tous ceux qui compofoient l'Assemblée le 20. Février de la même année 1659. Aprés cette conclusion qui les mettoit en liberté de suivre les mouvemens de ferveur dont le Seigneur les animoit, elles reçurent des effets de sa protection Divine, par les secours temporels qu'il leur envoïa, & qui les mit en état d'avoir une maison affurée, qui est celle où elles demeurent présentement au Fauxbourg saint Germain dans la ruë de Vaugirard, dont elles prirent possession quelques jours aprés. Elles commencerent à prendre le titre de Filles du Precieux Sang de Notre Seigneur Jesus-Christ, & le Prieur de l'Abbaïe de saint Germain des Prés, Grand Vicaire du Cardinal de Bourbon, vint benir la nouvelle maison, & y planter la Croix avec le nouveau titre qu'elles prenoient. Le vingtiéme Mars suivant, elles commencerent à se lever la nuit à deux heures pour dire Matines, selon l'usage de l'Ordre de Cîteaux, & le 9. Mars 1660. elles célébrerent R k DIN'S D pour la premiere fois la Fête du Précieux Sang, ce qu'elles BERNARont continué de faire jusquà présent tous les Vendredis de SANG PREl'année, en faisant l'Office double Majeur, (tiré de celui de CIEUX. la Passion qui est dans le Breviaire de Paris,) avec folemnité, Exposition du saint Sacrement pendant la grande Messe, & les Vepres, qui sont suivies de la Prédication, & enfuite du Salut, où il y a toûjours grand concours de peuple. Les mêmes Docteurs qui furent appellés pour conclure ce qui regardoit leur Réforme, furent chargés de travailler à des Constitutions conformes à la Regle de saint Bé-noît: ce qu'ils firent d'une maniere trés exacte, ne faisant qu'ajoûter à la fin de chaque chapitre de cette Regle ce qui étoit nécessaire pour la rendre convenable à l'usage des filles, & qui avoit besoin d'explication, par rapport au tems & aux lieux differens de ceux pour qui saint Benoît l'avoit écrite, se conformant aussi en beaucoup de choses aux coûtumes du premier esprit de l'Ordre de Citeaux. Elles mirent aussi-tôt en pratique ces Constitutions, dont les principaux points consistent en ce qu'elles doivent se lever la nuit à deux heures, dormir sur des paillasses posées: sur deux ais foûtenus par deux traitaux, n'aïant que des draps de laine, fans tours de lits ni autres ornemens qui ressentent la vanité du monde, non plus que dans leurs autres meubles qui doivent se ressentir de la pauvreté & fimplicité. L'abstinence de viande leur est ordonnée en tout tems, excepté dans les maladies, aussi-bien que l'usage de la ferge au lieu de linge. Leurs jeûnes font presque con tinuels, le filence trés rigoureux, à la referve de deux heures de conversation chaque jour, l'une aprés le dîné, l'autre aprés le soupé ou la collation. Elles font aussi deux heures d'oraison mentale chaque jour, & demi-heure de lecture spirituelle. Le travail des mains leur eft recommandé, & elles ont confervé le Breviaire Romain, y ajoûtant seulement les Fêtes principales de l'Ordre. Ainsi elles peuvent porter à plus juste titre que les Religieuses des Congregations de la Providence Divine & de saint Bernard, le nom de Bernardines Réformées. Ces Reglemens furent approuvés le 14. Août 1661. par l'Abbé de Prieres, Vicaire Général de l'Etroite Observance Lll iij . BERNAR. de Citeaux en France, & par le Prieur de l'Abbaïe de saint DINES DU Germain des Prés, comme Grand Vicaire du Cardinal de CIEUX. PRE- Bourbon, qui en certe qualité reçut aufssi les vœux que ces Religieuses firent de la nouvelle Réforme le jour de l'Octave de faint Bernard le 27. Août de la même année 1661. ce qui se fit avec beaucoup de folemnité, & acheva l'établissement d'une parfaite Réforme. Peu de tems aprés leurs conftitutions furent aussi approuvées par le Cardinal de Vendô me Legat en France. Dès qu'on eut appris à Grenoble ce changement, la plus ⚫grande partie de la Communauté du Monastere de sainte Cecile ne l'approuva pas: fur tout la Mere de Ponçonas en témoigna beaucoup de chagrin, trouvant cette entreprise témeraire. Mais quelques-unes au contraire touchées du defir de participer à la grace que Dieu avoit faite aux Religieuses de Paris, obtinrent des obediences pour venir se joindre à elles, dont la principale fut la Mere Françoise de Garcins, d'une illuftre Famille de Dauphiné, qui étoit pour lors Superieure de ce Monastere de sainte Cecile de Grenoble. Elle vint à Paris avec une ferveur tout-à-fait touchante, se reduisant comme la derniere des Novices aux occupations les plus basses & les plus humiliantes. Elle se signala fur tout par fon obéïssance & son exactitude à observer la Regle, & par fon ardente charité envers Dieu & fon prochain. Auffi fut-elle choisie pour être Prieure, aprés avoir exercé pendant plusieurs années l'Office de Sousprieure. Quant à la Mere Baudet, aprés avoir aufsli gouverné cette Communauté pendant plusieurs triennaux, elle y mourut le 6. Septembre 1688. âgée de 84. ans. Le Monastere de Paris a donc eu le bonheur de porter à sa derniere perfection ce qui fembloit n'avoir été qu'ébauché par les Meres des Congrégations de la Providence Divine & de faint Bernard. Memoires communiqués par la Mere de faint Augustin Religieufe du Monastere du Sang Precieux. |