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tions, étant averties qu'elle étoit fortie de fon premier Mo- BERNAR naftere, emploïerent le credit de quelques Prélats auprès des FORME ES Superieurs de ce Monaftere, pour y faire recevoir les Con- DE FRANCE ftitutions de la Mere de Ponçonas, qui avoient été impri- o mées à Paris, & obliger les Religieufes de ce Monaftere de brûler celles de la Mere de Ballon. L'authorité de ces Superieurs l'emporta fur la justice & la reconnoiffance: ainsi ces Religieufes timides & ingrates, fe laiffant perfuader,brûlerent les Constitutions de leur Mere, qui l'aïant fçu, supporta cet affront avec tant de vertu & de moderation, qu'elle n'en fit pas paroître le moindre reffentiment; au contraire après avoir établi l'Obfervance Reguliere dans le fecond Monastere, elle rétourna dans le premier pour y achever le tems de fa Superiorité. Les Religieufes quitterent quelque tems après cette Maison pour aller demeurer dans une autre plus grande qu'elles acheterent, & la Mere de Ballon fortit de Marseille l'an 1641. Elle eut encore le déplaifir en fortant de voir que ces Religieufes qu'elle quittoit,& pour qui elle avoit pris tant de peine, la laifferent partir comme une perfonne indifferente & inconnuë, fans aucun témoignage de reconnoiffance, & fans lui rien préfenter pour fon voïage. Le Superieur même lui dit que s'il vouloit fuivre l'avis de quelques-unes, il vifiteroit ses hardes, parce qu'on l'accufoit d'emporter trois mille écus de la Maison. Elle alla de Marseille à Cavaillon pour y voir un nouveau Monastere de fa Réforme qui venoit d'y être fondé par les Religieufes du Monaftere de Seyffel. Elle y fut d'abord Superieure; mais elle fe démit quelque tems après de cet Emploi, & retourna en Savoye. Six ans après,dans un voïage qu'elle fit en Provence, en paffant par Cavaillon, elle fut de nouveau éluë pour Superieure. Le tems de fa Superiorité étant expiré,elle fut encore rappellée en Savoye par l'Evêque de Généve. Elle y fit encore plufieurs fondations, & étant au Monasterè de Seyffel, elle y mourut le 14. Decembre 1668. dans fa 77. année.

Quant à la Mere de Ponçonas, aprés avoir établice Monaftere de Paris dont nous avons parlé ci-deffus, elle retourna à Grenoble où elle étoit Superieure, & d'où elle fortit encore une autre fois fur la fin de l'anné 1637. pour aller à Aix, où elle étoit appellée pour faire un autre établiffement ; elle de

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BERNAR- meura toujours dans ce Monaftere jufqu'à fa mort qui arriva DINESIRI- le 7. Février 1657. Les Memoires qui m'ont été commniqués DE FRANCE portent que les Superieures des autres Maifons de BernardiVOLE. nes Réformées qui font en Provence, lui demanderent avec

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instance fes réglemens, l'affurant qu'elles vouloient vivre avec elle dans une union parfaite & une entiere conformité de fes faintes pratiques : que les Evêques de Marseille & de Graffe lui témoignerent d'une maniere particuliere la venération dont ils étoient prévenus pour elle, & le défir qu'ils avoient que les Monafteres de leurs Diocéfes euffent communication avec elle, & vêcuffent fous les mêmes Obfervances. Mais s'il y en eut quelques-uns en Provence qui fuivirent fes Réglemens, il y en eut d'autres auffi qui ne quitterent point ceux de la Mere de Ballon qu'ils reconnurent toûtjours pour Fondatrice de la Réforme. Comme en effet cette qualité lui appartient plûtôt qu'à la Mere de Ponçonas, & ce n'eft même qu'à la follicitation des Religieufes du Monaftere de Marseille au de-là du port que la vie de cette Réformatrice a été écrite & donnée au public en 1695. Ces mêmes Memoires ajoûtent que le Monaftere de Lyon qu'elle avoit fondé dans le tems du démêlé qu'elle eut avec la Mere de Ponçonas au fujet des Conftitutions, reçut dans la fuite du tems celles de cette derniere & obtint un Bref de Rome qui l'éxemtoit de la dépendance du Monaftere de Rumilli & l'uniffoit à celui de Grenoble: ainfi la divifion qui eft furvenue entre ces Religieufes Bernardines Réformées,en a formé deux Congregations differentes, dont l'une porte le nom de la Divine Providence, qui eft celle de Savoye, qui comprend quelques Maisons en France qui en dépendent, & F'autre eft fous le titre de faint Bernard qui ne fort point de France.

Memoires communiqués par les Religieufes Bernardines du Sang précieux. Jean Groffi,vie de la Mere de Ballon, & celle de la Mere de Ponçonas par un autre Auteur.

CHAPITRE XLIII.

Des Religieufes Bernardines Réformées, dites du Sang

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Précieux.

Es Bernardines Réformées du Monaftere de Paris qui avoient été fi zélées pour les Constitutions de la Mere de Ponçonas, comme nous l'avons fait voir dans le Chapitre précedent, les abandonnerent néanmoins quatorze ans après & formerent encore une autre Réforme de l'Ordre de Cîteaux. Nous avons dit que ce Monaftere fut fondé par la Mere de Ponçonas l'an 1636. Cet établiffement se fit dans le fauxbourg faint Germain du confentement du Cardinal de Bourbon, Evêque de Metz, Abbé de faint Germain des Prés. La premiere Superieure fut la Mere Madelaine Theréfe Baudet de Bauregard. Elle étoit d'une des plus nobles familles de Grenoble, & avoit été mise penfionnaire à l'âge de treize ans dans l'Abbaïe de faint Juft de l'Ordre de Cîteaux. Peu de tems après elle y prit l'habit, & fit profeffion à l'âge de feize ans. Comme cette Abbaïe étoit à peu près femblable, quant à la maniere de vie, à celles de fainte Ca therine & des Haïes, & qu'on n'y gardoit aucune clôture elle eut la liberté de venir paffer quelque tems chez fes parens pour une legere infirmité. La liberté où elle fe trouva l'éffraïa, & faifant réfléxion à ce qu'elle avoit voüé à Dieu par fa profeffion religieufe, elle apperçut le précipice dans lequel elle étoit prête de tomber en demeurant au milieu du monde auquel elle avoit renoncé par fon engagement à l'état Religieux. Elle forma fur l'heure de faintes réfolutions pour éviter ces piéges, & chercha les moïens de fe garantir d'une fi grande chute, réfoluë de tout entreprendre pour accomplir parfaitement les promeffes qu'elle avoit faites à Dieu au pied de fes Autels.

Lorsqu'elle fe disposoit ainfi à se donner à Dieu fans réferve, elle vifita par occafion le Monaftere de fainte Cecile à Grenoble & y fut reçuë de toutes les Religieufes avec des témoignages d'une fincere affection. La modestie, l'union, la charité, la pauvreté & les autres vertus que pratiquoient les Religieufes de ce Monaftere, lui roucherent fi efficace

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DINES DU SANG PRE

CIEUX.

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CIEUX.

ment le cœur,qu'elle forma le deffein de s'y retirer. Elle de DINES DU manda d'y être reçue, ce qu'on n'eut pas de peine à lui acSANG PRE- Corder. Mais le Superieur & l'Abbeffe de faint Juft s'oppoferent à l'éxécution de fon deffein. Elle furmonta néanmoins cet obstacle & entra dans le Monaftere de Grenoble, où elle fut d'abord admise au Noviciat, & après l'année de probation, elle fit profeffion de cette Réforme n'étant âgée que de vingt-cinq ans.

Il n'y avoit que fort peu de tems que le Monaftere de Grenoble poffedoit cette fainte fille, forsque la Mere de Ponçonas la deftina pour être Superieure du nouveau Monaftere de Paris, où elle la conduifit avec cinq.compagnes qui furent les Meres Madelaine Elizabeth Genton, Marie Lucrece Chevalier, Marguerite Seraphique de Bains, Marie Gertrude d'Ars, & la Sour Claude Theréfe Martin qui n'étoit encore que Novice. Elles partirent de Grenoble le 22. Février 1636. & arriverent à Paris la veille du Dimanche des Rameaux. Il y eut d'abord des difficultés qui fe trouverent dans cet établissement qui durerent prés de quatre mois. La Croix n'y fut plantée que le cinq Juillet, & dès ce même jour elles reçurent des filles qui s'étoient préfsen. tées pour embraffer leur Réforme.

A peine commencoient-elles à joüir du calme & de la tranquilité après quatre mois de traverses, lorfqu'elles eurent une nouvelle allarme. On leur donna avis que les Peres de l'Ordre fe prévalant de l'autorité du Cardinal de Richelieu qui étoit Abbé de Citeaux,faifoient tout leur poffible pour les faire rentrer fous leur jurifdiction, ou en cas qu'ils ne le puffent obtenir de leur ôter le titre & le nom de filles de Cîteaux. Ces Peres étoient affez bien fondés dans leurs prétentions, puifque ces Religieufes n'avoient que le titre de filles de Cîteaux fans en pratiquer les obfervances, comme nous avons remarqué dans le Chapitre précedent, leur maniere de vie étant entierement conforme à celle des Religieufes de la Vifitation, à l'exception du grand Office & de la couleur de l'habit qui étoit auffi femblable, quant à la forme, à celui des mêmes Religieufes de la Vifitation, & quoiqu'elles euffent expofé, tant aux Ordinaires des lieux, qu'à la Cour de Rome pour obtenir le pouvoir de s'établir, & l'approbation de leurs Conftitutions, que leur deffein étoit d'embraffer l'é

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troite Obfervance de l'Ordre, elles n'en avoient néanmoins BERNARrien pratiqué, de forte que les Bulles qui n'avoient été accor- DINES DU dées qu'en fuppofant veritable l'expofé qu'elles avoient fait, CIBUL fembloient être nulles, puifque leurs Réglemens y étoient contraires, en forte qu'il ne paroiffoit pas jufte qu'elles con*fervaffent le titre de membre d'un Ordre dont elles ne fuivoient pas les Regles effentielles. Cependant par le moïen de leurs amis elles furent maintenues dans la jurifdiction de l'Ordinaire & dans la poffeffion de la qualité de Fillès de Cîteaux. Leur plus puiffant Protecteur fut le celebre André Du Val Docteur de Sorbonne,qui fe trouyant dans l'Assemblée qu'on avoit tenue pour les détruire, parla à leur avantage avec beaucoup d'éloquence & de force, difant entr'autres chofes qu'il étoit avantageux à l'Ordre de Cîteaux d'avoir de fi faintes Filles, & qu'il y auroit de l'injuftice de leur difputer un titre qu'elles portoient fi dignement. Ce qui détermina entierement cette Affemblée à les laiffer jouir en paix du titre qu'elles avoient toûjours porté depuis le commencement de leur Inftitution.

Cet orage étant diffipé, rien ne les empêcha plus de travailler à leur fanctification. Elles fuivirent exactement les Obfervances prefcrites par leurs Conftitutions. Leur nombre s'augmenta confiderablement, & leur Communauté se trouva compofée de filles ferventes & zélées pour le rétabliffement du premier efprit de la Regle de Cîteaux. Non contentes d'avoir confervé le nom de cet Ordre, elles crurent qu'il étoit de leur devoir d'en embraffer les Obfervances,qui leur ouvrant le chemin à une plus grande perfection,les mettroit à labri des reproches qu'on leur avoit déja faits & qu'on pourroit encore leur faire, & les rendroit Filles de Cîteaux de nom & d'effet; c'étoit le fujet des prieres les plus ferventes qu'elles faifoient à Dieu,lui demandant qu'il leur ouvrît quelque voïe pour executer ce défir dont il étoit l'Auteur. Elles expofoient fur ce fujet leurs peines à la Mere Baudet leur Superieure,qui de fon côté n'étant pas moins zélée ni moins fervente,n'ofoit cependant rien entreprendre temérairement. Elles n'ignoroient pas que le défir des premieres Religieufes tant de leur Gongregation que de celles de la Providence Divine & de faint Bernard, avoit été d'établir parmi elles toute l'aufterité de l'efprit primitif de Cîteaux,& qu'en quelLII

Tome V

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