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FORME ES

ET DE SAVOIE.

BERNAR- fa providence a foin des plus petits animaux,n'abandonne jaDINES RE mais fes ferviteurs qui ont confiance en lui, leur apportant DE FRANCE pour exemple Dom Jean de la Barriere Fondateur des Feüillans,qui pendant quelques années ne fe nourrit que de fleurs de genelt & d'herbes fauvages, & ne fe fervoit point la nuit d'autre lumiere que de celle de la lampe qui bruloit devant le S.Sacrement. Jufques-là elles avoient obéï à la Mere de Vignol comme la plus ancienne, mais cette Mere aïant propofé au faint Prélat l'élection d'une Superieure, tous les fuffrages le trouverent pour la Mere Loüife Blanche Théréfe de Ballon, qui confiderant avec fes Religieufes les obligations fingulieres qu'elles avoient à la Divine Providence, propofa à faint François de Sales qui étoit de retour à Anecy, d'agréer qu'elles priffent le nom de Filles de la Divine Providence. La réponte qu'il fit à la Lettre qu'elle lui écrivit au nom de fa petite Communauté,fut qu'elles devoient encore attendre un an, pour voir fi elles fe rendroient dignes d'un nom fi beau & fi glorieux. Elles obéïrent à fes ordres, & l'an étant expiré, elles prirent ce nom, qui leur fut confirmé par M. Jean François de Sales Frere & fucceffeur de faint François de Sales, dans l'approbation qu'il fit de leurs Conftitutions,mais le peuple les a toûjours appellées les Religieufes Bernardines Réformées.

La Mere Gafparde de Ballon après avoir furmonté toutes les difficultés qui s'oppofoient à fa fortie de l'Abbaïe de fainte Catherine, tant de la part des Religieufes que de fes parens, arriva enfin au mois de Novembre à Rumilli. Ainfi les cinq Religieufes qui avoient projetté la Réforme, fe trouverent pour lors réunies. Quoique leur pauvreté fût grande, elle feur faifoit néanmoins fi peu de peine, & elles cherchoient fi peu les moïens de s'en délivrer, qu'elles continuerent d'un commun accord de ne s'en plaindre jamais à perfonne. Mais la Divine Providence dont elles avoient pris le nom, ne les abandonna pas: elles fe trouverent même en état de faire des charités, & elles donnerent retraite à quatre Religieufes de l'Abbaïe des Haïes proche Grenoble, qui dans le dessein d'une même Réforme avoient quitté cette Abbaïe où l'on ne gardoit aucune forme de regle, où la clôture n'étoit point en usage, & où les Religieufes qui vivoient à la façon des Séculieres,en avoient prefque pris l'habillement.

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Ces quatre Religieufes furent la Mere de Paquier Coad- BERNAR jutrice de l'Abbaïe des Haïes,les Meres de Ponçonas & de FORME'ES Buifforond,& la Soeur de Montenard encore Novice. Elles DE FRANCE follicitoient depuis un an un établissement dans Grenoble: voi elles y avoient même loüé une Maison, & à la follicitation du Vicomte de Paquier, pere de la Mere de Paquier, & de leurs amis,elles avoient obtenu verbalement le confentement de l'Evêque de Grenoble. Mais plufieurs difficultés qui se rencontrerent dans cet établissement en aïant empêché l'éxécution, & aïant appris pendant ce tems-là que cinq Religieufes de l'Abbaie de fainte Catherine en étoient forties pour aller à Rumilli jetter les fondemens d'une nouvelle Réforme; elles réfolurent de fe joindre à elles. Le Vicomte de Paquier alla lui-même trouver faint François de Sales pour lui communiquer le deffein des Religieufes de l'Abbaïe des Haïes, & ce Prélat porta celles de Rumilli à les

recevoir.

Ces quatre Religieufes de l'Abbaïe des Haïes arriverent donc à Rumilli le premier Janvier 1623. Elles reconnurent pour Superieure la Mere Loüife de Ballon, qui peu de jours après, aïant fait la diftribution des emplois de fon Monaste re, donna la Charge de Maîtreffe des Novices à la Mere de Ponçonas. Quelques efprits mal intentionnés leur aïant perfuadé que l'Abbé de Cîteaux dans le Chapitre Genéral de cet Ordre avoit réfolu de fupprimer leur Réforme, elles en furent fort allarmées. Elles redoublerent leurs vœux & leurs prieres, & reconnurent bien-tôt après que ce n'étoit qu'une fauffe allarme qu'on leur avoit donnéespuifqu'elles reçurent une Lettre de cet Abbé, dans laquelle,bien loin de défaprouver leur entreprise,il les exhortoit au contraire fortement à la continuer ; ce qui les détermina à tenir le premier Chapitre de leur Congregation pour la réception des Novices. Il y en avoit déja cinq qui fe préfentoient; mais elles ne pouvoient leur donner l'habit fans la permiffion de l'Abbé de Thamiers qui s'y oppofa, fur ce que la maifon où elles demeuroient, ne leur appartenoit pas, & qu'elles n'avoient aucuns revenus fixes. Mais l'Abbé de Cheferi,oncle de la Mere de Ballon, aïant eu recours à l'autorité du Prince Thomas de Savoye, l'Abbé de Thamiers ne put réfifter aux Ordres de ce Prin ce, & confentit que l'on donnât l'habit aux Novices. Cepen

Tome V.

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BERNAR dant ces Religieuses aïant acheté une Maison à Rumilli, FORMEES elles y allerent demeurer le 24. Mai 1624.

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DEFRANCE La même année tous les obftacles qui s'étoient trouvés jufqu'alors à l'établissement de ces Religieuses à Grenoble, aïant été levés, la Mere de Ballon y alla accompagnée des Religieufes de Dauphiné, qui s'étoient mifes fous fa conduite,& l'avoient reconnue pour Superieure à Rumilli. Elles arriverent dans cette ville le 22. Novembre 1624. La Mere de Ballon fut encore reconnue Superieure de ce nouveau Monaftere, où l'on dreffa les Conftitutions de cette Réforme, qui furent conformes aux avis qu'en avoit donnés faint François de Sales, qui étoient, que fans embraffer les grandes aufterités de l'Ordre de Câteaux,ces Filles devoient s'attacher uniquement à l'effentiel de laRegle & des vœux,s'appliquant de toutes leurs forces à la mortification de l'efprit, au recueillement interieur & à l'union avec Dieu. Ces Ĉonftitutions étoient néanmoins peu conformes aux ufages communs de Câteaux. C'étoit proprement un Traité ou Conduite fpirituelle convenable à toutes fortes de perfonnes, & pour les ufages particuliers, ils étoient entierement conformes à ceux des Religieufes de la Vifitation inftituées par le même Saint, à la referve de la couleur de l'habit. Ces Conftitutions portoient qu'elles fe ferviroient du Breviaire Romain, qu'elles diroient Matines le foir, afin d'avoir la matinée plus libre, pour emploïer une heure entiere à l'Oraison mentale; qu'elles fe coucheroient à dix heures, fe leveroient à cinq. Elles devoient aller fept fois le jour au Choeur pour dire l'Office Divin. Elles devoient faire l'après-dîné une demi-heure de lecture spirituelle, une autre demi-heure d'oraison mentale, & l'examen de confcience deux fois le jour. L'ufage de la viande leur fut permis trois fois la femaine: elles portoient du linge, & fè fervoient de matelats & de tours de lit. Quant à l'habillement, elles fe conforment pour la couleur à l'Ordre de Cîteaux, & pour la forme à celui des Religieufes de la Vifitation, excepté le bandeau qui eft blanc. Pour ce qui regarde les autres ufages, ils font auffi conformes à ceux des Religieufes de la Vifitation. La Soû Prieure étoit nommée Sœur Affiftante, la Maîtreffe des Novices Sœur Directrice. Les Religieufes ne s'appellent que Sœurs, & elles ne chantent point de Meffes hautes.

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Elles travaillerent enfuite à se souftraire de la jurisdiction BERNAR des Peres de l'Ordre,qui s'y oppoferent, mais en vain: car FORME ES ces Religieufes obtinrent un Bref du Pape Urbain VIII. DE FRANCE l'an 1628. qui les exemtoit de la jurifdiction des Peres de VoÏE. Câteaux, & let mettoit fous celle des Ordinaires des lieux où elles s'établiroient.

La Mere de Ballon aïant féjourné à Grenoble jufqu'au mois de Decembre 1625. retourna en fon premier Monaftere de Rumilli, d'où quelque tems après elle fut obligée de fortir pour aller faire un nouvel établissement à Maurienne. Elle en fit encore un quatrième à la Roche, petite' ville de Savoye, & un cinquième à Seyffel. Elle repaffa en France en 1631. pour y faire deux autres établiffemens, l'un à Vienne en Dauphiné, & l'autre à Lyon, qui furent fuivis peu de tems après de ceux de Toulon & de Marseille.

Ce fut la même année 1631. que les Constitutions furent imprimées à Paris pour la premiere fois, avec toutes les approbations neceffaires, à l'exception de celle de Rome, que ces Religieufes n'obtinrent que l'an 1634. la Mere de Ponçonas étant venue à Paris en 1634. pour y faire un nouvel établissement, fit imprimer pour la feconde fois ces Conftitutions: ce qui fut la fource de beaucoup de trouble & de divifion dans cette Congrégation: car foit qu'il y eût déja éu quelque bruit entre la Mere de Ballon & la Mere de Ponçonas, foit que cette derniere fît quelque changement dans ces Conftitutions, afin de fe donner le titre d'Inftitutrice d'une nouvelle Réforme ; il eft certain qu'à peine cette seconde impreffion fut achevée, que la divifion commença à éclater: car la Mere de Ballon voulant foûtenir fa qualité de Réformatrice, fâchée du changement que la Mere de Ponçonas avoit fait dans ces Conftitutions, en fit imprimer d'autres à Aix, qui étoient conformes à celles de la premiere impreffion, à la referve de quelques petits changemens qu'elle crut avoir droit de faire, comme Inftitutrice: ce qui fut fi fenfible à la Mere de Ponçonas, tant par l'affront qu'elle crut recevoir en cela, que par le chagrin qu'elle eut de fe voir contrarier dans fes deffeins, qu'elle engagea les Religieufes du Monaftere de Paris à fe revolter contre leur Mere & Fondatrice, & à la perfecuter : ce qui lui réüffit felon fon defir: car elles commencerent par folliciter la fuppreffion des

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BERNAR- Conftitutions de la Mere de Ballon, qu'elles accuferent de DINES RI- vouloir ufurper l'authorité de Générale, & d'en prendre le DE FRANCE nom. (C'est néanmoins à quoi cette Fondatrice ne fongea VoÏE. jamais, comme elle le protefte dans fes Ecrits, qui ont été imprimés à Lyon en 1700.) Non contentes de cela,fçachant qu'elle étoit dans fon Monaftere de Toulon occupée à y établir fa Réforme, elles envoïerent un homme exprès à l'Evêque de Marseille pour lui donner avis de prendre bien garde à la Mere de Ballon,qui étoit allée fonder un Couvent dans fon Diocéfe: que c'étoit un efprit leger, inquiet,ambitieux, qui vouloit toûjours regner & dominer,qu'elle n'étoit allée en Provence que pour y faire la Générale de fa Congrégation, & qu'il y alloit de fon honneur de ne pas fouffrir que cette étrangere s'établît dans fon Diocéfe, fi elle ne vouloir pas renoncer à fes Conftitutions. Mais la Mere de Ballon, foit qu'elle reçût fur cela quelque avis de l'Evêque,foit que d'autres perfonnes lui en parlaffent, ne voulut jamais confentir à ce changement, qui ne pouvoit pas manquer d'introduire le fchifme dans fes Monafteres. Cette premiere démarche n'aïant pas cu le fuccès qu'on en attendoit, on porta la Communauté de Rumilli, dont elle étoit encore Superieure, à la dépofer,& à en élire une autre en fa place,a fin que n'aïant plus d'authorité, elle ne pût s'oppofer au changement. Cette entreprise leur aïant réüffi, elle fupporta cette mortification avec foûmiffion à la volonté de Dieu. Mais les Religieufes du nouveau Monastere de Marseille réparerent l'outrage qu'on lui faifoit en la choififfant pour leur Superieure. Son élection aïant été fçuë dans la ville, chacun s'empreffa de lui en témoigner fa joïe; perfonne ne le fit avec plus de marques de fatisfaction & d'eftime que les Filles Congregées de fainte Urfule,qui formoient une Communauté fort nombreuse;car non contentes de lui en faire les complimens ordinaires dans de pareilles rencontres, elles lui en donnerent des marques plus fenfibles, en se foûmettant à sa conduite, & en embraíTant fa Réforme, qui par ce moïen eut un fecond Monaftere très confiderable dans cette même ville. Mais pendant que la Mere de Ballon étoit dans cette nouvelle Maifon pour recevoir ces Urfulines à fa Congrégation, & les former à la vie Religieufe, elle y eut un fujet d'exercer fa patience. Celles qui s'étoient declarées les adverfaires de fes Conftitu

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