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LANTINES

feul elle vouloit facrifier fon cœur ; & pour accoûtumer le RELIGIEU monde à l'oublier, elle fe retira peu à peu de la Cour, n'y SES PEVIL paroiffant que dans les occafions de neceffité, negligeant celles qui n'étoient que de bienféance. Elle paffa quatre ans dans cette efpece de retraite, s'adonnant à la pratique des vertus, & éloignant d'elle tout ce qui pouvoit s'opposer à fes deffeins, elle fit connoître celui qu'elle avoit d'entrer en Religion, afin d'écarter ceux qui pourroient avoir quelque efperance fur la poffeffion de fon cœur.

Entre ceux qui la recherchoient en mariage, & qui fe mirent en état d'empêcher qu'elle ne fe donnât à Jesus-Christ, il n'y en eut point qui fit paroître plus d'ardeur que le Marêchal de Marillac: fon autorité jointe aux mefures qu'il prenoit lui faisant craindre qu'il n'empechât, ou tout au moins qu'il ne retarda confiderablement l'execution de fes bons deffeins, elle jugea qu'il falloit encore diffimuler quelque tems,pour éviter les oppofitions, & les furmonter par adresse, ce qui lui réüffit parfaitement. En effet lorfqu'elle vit qu'on la croïoit bien éloignée de fes premiers fentimens de retraite, feignant l'obligation d'accomplir un vou à Notre-Dame du Puy en Auvergne, elle partit pour Toulouse avec M. de Courances fon coufin germain qu'elle avoit engagé à l'accompagner dans ce voïage: elle y arriva le 7. Août 1602. & fe retira aux Feüillantines, où à l'exemple de Madame Antoinette d'Orleans, qui s'y étoit confacrée au Seigneur un an auparavant, elle reçut l'habit le 15. Septembre de la même année 1602. étant pour lors dans la vingt-fixième année de fon âge: elle fut accompagnée jufqu'aux pieds des Autels par M. de Courances qui étant encore refté fix mois à Toufoufe pour voir fi elle ne changeroit point de réfolution, fuivit enfin fon exemple, & méprifant tous les avantages qu'il pouvoit prétendre dans le monde, fe retira dans l'Abbaïe de Feuillans, où il reçut l'habit & y perfévera jufqu'à fa mort auffi-bien que Madame de Rofni qui mourut à Paris, où elle étoit venue pour être Superieure de la nouvelle Maison qu'on y avoit établie comme nous l'avons dit ci-dessus.

Les Religieufes Feüillantines ont les mêmes Obfervances que les Religieux de cet Ordre, & elles ont toûjours été fous leur jurifdiction, ce qui leur fut accordé par le Pape Clement VIII. par sa Bulle du 10. Octobre 1606, Ce Pon

FORME'ES

BERNAR- tife les exemta de la jurifdiction de l'Abbé de Cîteaux & DINES RE- des autres Peres de l'Ordre, & les foûmit immédiatement D'ESPAGNE à celle des Feüillans. Quant à leur habillement il est aussi femblable à celui des Religieux.

Memoires Communiqués par le R. P. Dom Mouchy,Reli gieux de cet ordre.

CHAPITRE XL.

Des Religieufes Reformées de l'Ordre de Citeaux en Efpagne, dires de la Recollection on Recollettes.

A Réforme des Religieufes de l'Ordre de Cîteaux en

LEfpagne appellées Recolleftes, doit fon commencement

& fon progrès au zele & à la pieté des Abbeffes du celebre Monaftere de las Huelgas près Burgos, dont nous avons parlé dans le Chapitre trente cinquiéme. Agnés Henriquez, qui avoit été la premiere Abbeffe triennale de ce Monastere en 1587.aïant été élûë pour la feconde fois en 1596. apporta d'abord tous fes foins pour réformer celui de Perales qui étoit de fa dépendance & d'où l'Obfervance Réguliere avoit été entierement bannie. Elle difperfa les Religieufes en d'autres Monasteres, & en fit venir de plus zélées en leur place pour y rétablir la régularité. Elle conçut enfuite le deffein d'une nouvelle réforme, & obtint pour cet effet au mois de Septembre 1599. une Bulle de Camille Cajetan, Legat en Efpagne du Pape Clement VIII. Jeanne de Ayala, qui lui fucceda quelques jours après dans la qualité d'Abbeffe de las Huelgas, pourfuivit l'execution de cette Réforme,& fit venir pour ce fujet à Valladolid des Religieufes, qu'elle tira des Monasteres de fa dépendance. Elle choifit pour cet effet celles qu'elle jugea les plus propres pour en fupporter les aufterités, & elle leur fit bâtir un Monaftere fous le titre de fainte Anne. Elle voulut qu'elles vêcuffent felon l'efprit primitif de Cîteaux, & elle chargea les Peres Gafpard de Weda & Augustin Lopez Religieux de la Réguliere Obfer vance d'Efpagne de travailler à leurs Conftitutions; mais la mort l'aïant prevenue,elle ne put les faire accepter. Marie de Navarre, qui fut élûe Abbeffe l'an 1601, transfera le Monaftere de Perales à Valladolid dans celui de fainte Anne,

FORME ES

en aïant obtenu la permiffion du Pape Clement VIII. la BERNAR même année ; & elle fit approuver l'an 1604. par Domini- INSE que Gymnafius Archevêque de Syponte, Legat en Espagne D'ESPAGNE. du même Clement VIII. les Conftitutions qui avoient été dreffées pour ces Religieufes réformées. La même année celles du Monaftere de Malaca, quoique foûmises à l'Evê que, voulurent vivre fous les mêmes Obfervances, aïant demandé feulement ces Conftitutions, fans qu'on y envoïât des Religieufes de Valladolid pour y introduire la Réforme.

L'Abbeffe de las Huelgas, Francoife de Villa Mizaria, qui fucceda à Marie de Navarre, fit approuver ces mêmes Constitutions par le Pape Paul V. l'an 1606. & obtint du même Pontife la permiffion de fonder d'autres Monafteres de cette Réforme. Ce fut en vertu de cette permiffion que cette Abbeffe en fonda un à Tolede,y aïant envoïé pour faire cet établiffement des Religieufes de Valladolid.

Les autres Abbeffes de las Huelgas firent dans la fuite d'autres fondations. Jeanne de Leyna fonda un Monaftere à Talavera. Anne d'Autriche fille du Roi Philippe II. fit trois autres fondations: la premiere l'an 1615. à Briguera, la feconde à Madrid l'an 1616. dont le Monaftere fut bâti par les liberalités du Duc Duzeda, & la troifiéme à Confuegra l'an 1617. fous le gouvernement d'Anne Marie Manriquia. Cette Réforme paffa dans les Indes, Dom Christophle de la Camara Evêque des Canaries y aïant bâti un Monastere pour ces Religieufes. Catherine de Arellano & Zuniga fille du Comte d'Aguillar, fit un nouvel établissement à Cafarubios l'an 1634. yaïant envoïé des Religieufes de Valladolids Cette Réforme a fait dans la fuite de plus grands progrès.

Conformement à leurs Conftitutions ces Religieufes fe levent à deux heures après minuit pour aller à Matines: à cinq heures,elles font l'Oraifon mentale jufqu'à fix,qu'elles chantent Prime. Après Vêpres elles ont encore une heure d'Oraifon Mentale. Elles prennent la difcipline tous les Mercredis & Vendredis de l'année, & encore le Lundi pendant l'Avent & le Carême. Elles obfervent une exacté pauvreté, n'étant permis à aucune Religieufe d'avoir des penfions, & tout doit êtré en commun. Leur habit doit être d'une étoffe groffiere. Il leur eft permis d'avoir des fandales au lieu de fouliers. Elles obfervent l'abftinence perpetuelle de la vian Ggg iij

DINS RI

BERNAR. de, & l'ufage du beure & du laitage leur eft interdit, elles FORME'S peuvent feulement manger des œufs les jours qui ne sont DE FRANCE. point jeûnes. Les infirmes peuvent manger de la viande; mais à la derniere table au Réfectoire, afin qu'elles puiffent entendre la lecture. Elles jeûnent depuis la Fête de l'Exaltation de la fainte Croix jufqu'à Pâques, excepté les trois Fêtes de Noël, & celles de la Circoncifion & de l'Epiphanie. Le reste de l'année, elles jeûnent les Mercredis, les Vendredis, & les Samedis : les jours qui ne font point jeûnes elles ne doivent hi boire ni manger hors les heures du repas, repas, l'uLage du vin leur eft auffi interdit, à moins que ce ne foit dans une très grande neceffité. On leur donne à la collation les jours de jeûnes de regle une falade ou quelques fruits avec du pain ; mais les jeunes d'Eglife elles n'ont que du pain.Elles gardent un étroit filence depuis Complies jufqu'à Prime du jour fuivant & depuis Midi jufqu'à None. Elles gardent auffi un filence exact pendant le travail : & afin de n'avoir pas occafion de le rompre pendant ce tems-là, elles doivent travailler en particulier dans leur chambre, elles font seulement la leffive en commun,& fi elles rompent le filence, elles prennent la difcipline au Réfectoire, & y mangent à terre au pain & à l'eau. Aucune Religieufe ne peut entrer dans la chambre d'une autre, & les jours de Communion elles n'ont aucune récréation. Nonobftant ces Obfervances austeres, il ne laiffe pas d'y avoir parmi elles des filles diftinguées par leur naiffance & qui font des premieres maifons d'Efpagne. Le nombre des Religieufes de chaque Monaftere eft fixé à vingt pour celles du Choeur, & trois Converses.

Ang. Manriq. Annal. Ord. Cifter. Tom. 4. in ferie Abbatiff. Abb. S. M. Regalis & Chrifoftom. Henriq. Lilia Cifter.

CHAPITRE XLI.

Des Religieux Reformés de l'Ordre de Citeaux en France appellés de l'Etroite Observance.

L

A Reforme dont nous allons parler a caufé de fi grands troubles & de fi grandes divifions dans l'Ordre de Cîteaux,qu'il n'a pas fallu moins de cinquante années pour les pacifier: nous avons vu dans le Chapitre XXXIII.comme le

T.V. P. 412

Religieuse Feuillantine

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