RELIGIEU- tit, & qu'ainsi le Monastere de Juilli devint de l'Ordre de SES BER- Citeaux. NARDINES. L Manrique qui, comme nous l'avons dit, n'est pas de ce fentiment, tâche de le détruire, & pour cela il se sert de l'autorité de Guillaume Abbé de saint Thierri de Reims, ami intime de saint Bernard, dont il écrivit la vie du vivant même de ce Saint à son insçu, laquelle il ne put achever étant mort avant ce saint Docteur. Mais ce premier Ecrivain de la vie de faint Bernard ne leve point la difficulté qu'il y a entre ces Auteurs, & ne prouve point le sentiment deMan⚫rique:car il dit seulement que l'an 1113. qui étoit le quinziéme de la fondation de l'Abbaïe de Citeaux, faint Bernard avec trente Compagnons, y entra pour s'afsujettir au doux joug de Jesus-Christ, sous la conduite de saint Etienne, & que comme plusieurs des Compagnons de ce Saint étoient mariés, & que leurs femmes avoient aussi refolu de quitter le monde pour se consacrer à Dieu, l'on fonda à la priere de saint Bernard un Monastere de femmes à Juilli dans le Diocése de Langres. Voilà tout ce qu'en dit cet Ecrivain: ainsi Manrique ne peut point en tirer aucune conféquence qui puisse servir de preuve à ce qu'il avance. Tout ce qu'il ya de seur, felon cet Ecrivain, c'est que ce premier Monaftere a été fondé à Juilli & qu'il en a porté le nom, quoique de fçavans Auteurs, entre lesquels font M. le Maître, le P. le Nain & M. Bailler, dans la vie de faint Benoît qu'ils ont écrite, disent que ce Monastere s'appelloit Billette, fondés fur certains Manufcrits où on lit Villetum. Mais outre qu'on trouve dans d'autres anciens Manuscrits, fullcium, & outre Fautorité de Guillaume Abbé de saint Thierri, dont nous avons déja parlé, le P. Mabillon qui a fait de si scavantes recherches sur l'état Monastique, & en particulier fur celui de saint Benoît, dit positivement que ce Monastere s'appelloit fuilly: ainfi nous devons nous arrêter au témoignage de l'Abbé Guillaume qui, comme nous l'avons dit, étoit contemporain & ami de faint Bernard, & au sentiment du P. Mabillon préferablement à celui des autres. Mais la plus grande difficulté est de sçavoir si ces Religieuses étoient foumises aux Loix de Cîteaux : c'est ce que ce même Auteur nous éclaircit, en nous faifant voir l'origine & la fondation de ce Monaftere: ce qui doit être la solution de toutes les SES BER dificultés qu'il peut y avoir au sujet de son institution: RELIGIEU voilà ce qu'il en dit; Milon Comte de Bar accorda ce Mona- NARDINES. ftere, c'est-à-dire de Juilli, à l'Abbaïe de Molesme, afin qu'il servît de retraite à des Religieuses qui y vêcussent sous l'obéïssance de l'Abbé de ce même Monastere, lequel Abbé leur donneroit quatre de ses Religieux pour les conduire : d'où il est facile de conclure que le Monastere de Juilli n'étoit point de l'Ordre de Citeaux, puisqu'il étoit foumis à celui de Molefme qui a toûjours été de l'Ordre de saint Benoît, & qu'il auroit été plusnaturel d'envoïer à Juilli des Religieux de Cîteaux, fi ces Religieufes en avoient profefsé la Regle, que d'y envoïer des Religieux Benedictins fous la conduite desquels elles ont été, puisque selon le P.. le Nain, le Venerable Pierre, qui étoit un des premiers qui • sortirent de Molefme, étoit Prieur de ces mêmes Religieux, lorsque saint Humbeline mourut non pas au Monaftere de Billette, comme il le dit, mais à celui de Juilli. Enfin pour terminer cette difficulté, il fuffit de dire que le premier Monastere de Filles de cet Ordre ne fut fondé à Tart, Diocése de Langres que l'an 1120. par faint Etienne, & non pas par saint Bernard, ce qui se prouve par les Chapitres Generaux des Religieuses de cet Ordre en France qui se tenoient autrefois à Tart, comme la plus ancienne Abbaïe de tout l'Ordre. Le Cardinal Jacques de Vitri dans son Histoire d'Occident, dit que l'austerité que pratiquoient les Religieux de cet Ordre dans le commencement de son établissement, ne permit pas aux femmes,plus délicates que les hommes, de se soûmettre d'abord à un joug si pefant; mais que dans la fuite il s'en trouva d'assez genereuses pour pratiquer cette vie si austere. Il est vrai que dans les vingt-cinq premieres années de fon établissement, il n'y eut aucun Monaftere de filles de cet Ordre ; mais aprés que celui de Tart eut été fondé par faint Etienne l'an 1120. comme nous avons dit, il y en eut en France plusieurs autres, comme ceux de Fervaques au Diocése de Noïon, fondé l'an 1140. de Blandech dans le Diocése de saint Omer l'an 1153. & Montreüil-lesDames proche Laon l'an 1164. M. M. de fainte Marthe disent que Marcilli au Diocése d'Autun, où l'Abbé de Cîteaux Gui IV. mit des Religieux l'an 1460. avoit été fon RELIGIEU- dé dès l'an 1130. & entre les Monasteres qui étoient de la NARDINS dépendance d'Obazine en Auvergne & qui se soûmirent 7 BER aux Loix de Citeaux l'an 1148. avec cette Abbaïe d'Obazine leur mere, il y en avoit un de Religieuses qui est celui de Coiroux au Diocése de Limoges. Le nombre de ces Monasteres se multiplia fi fort dans la suite, que si l'on veut ajoûter foi aux Historiens de cet Ordre il y en eut jusqu'à fix mille. Henriques qui, comme nous avons dit, soûtient que fainte Humbeline a été l'institutrice de ces Religieuses, n'aïant pû sçavoir, dit-il, quels furent les Reglemens que cette Sainte leur prescrivit, rapporte les Constitutions des Bernardines dites de la Recollection ou Dechaussées d'Efpagne, qu'il croit avoir été dressées sur les anciennes observances que pratiquoient les premieres Religieuses de l'Ordre de Cîteaux. Nous nous reservons à parler de ces Constitutions en traitant de l'origine de ces Bernardines reformées d'Espagnes mais quoique ces observances foient trés austeres, elles n'approchent point neanmoins de celles que pratiquoient les premieres Religieuses de Cîteaux, dont Herm. lib. Herman de Laon fait la description en parlant des Relide Miracul. gieuses du Monastere de Montreüil-les-Dames: car il dit 5. M. cap. qu'elles ne portoient point de linge ni de fourures, qu'elles ne s'occupoient pas seulement à coudre & à filer, mais qu'elles alloient dans la forêt pour défricher les ronces & les épines, qu'elles travailloient continuellement, qu'elles gardoient un grand filence, & qu'elles imitoient en toutes chofes les Religieux de Clairvaux. Entre tous les Monasteres de filles de cet Ordre, celui de fainte Marie la Roïale proche la ville de Burgos, communément appellé las Huelgas de Borgos, est le plus célébre tant par la magnificence de ses bâtimens & des grands biens qu'il possede ( n'y aïant aucun Seigneur en Espagne qui ait autant ou plus de vassaux que ce Monaftere,) que par l'étenduë de la jurifdiction spirituelle que fon Abbeffe a, non seulement sur douze autres Monafteres qui lui font foûmis, mais encore sur les Freres Hospitaliers de Burgos, dont nous parlérons dans le Chapitre septième du Tome fixiéme, & fur un grand nombre de Chanoines, Curés, Chapellains & autres personnes. Ce célébre Monaftere aïant |