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donner des Lettres de recommandation pour ce Pontife par ORDRE DE l'Archevêque de Lyon, l'Evêque de Châlons & deux Ciriaux. Legats de la Sainteté qui étoient pour lors en France, & qui témoignerent au Pape que les Religieux de Cîteaux n'étoient fortis de Molesme & ne s'étoient transportés au nouveau Monaftere, que pour y mener une vie plus mortifiée & plus retirée suivant la Regle de saint Benoît, & pour s'éloigner des coûtumes que quelques-uns avoient introduites, contre l'esprit de cette Regle, dont le poids leur sembloit trop pesant à supporter. Ils le prierent d'affermir par fon autorité l'établissement de ce nouveau Monaftere, & de confirmer ce que son predecesseur Urbain II. avoit fait. Ces recommandations eurent leur effet, & le Pape Pafchal par une Bulle de l'an 1100. mit ee Monastere sous sa prote

Etion.

Alberic & fes Religieux ainsi autorisés & confirmés par le Pape, dressferent les premiers Statuts de Citeaux, qui ne furent proprement que des Reglemens pour cette seule Abbaïe (ce faint Abbé ne scachant pas le dessein que Dieur avoit de faire de ce Monastere, le Chef d'un Ordre très celebre.) Aussi ces Reglemens ne sont qualifiés dans les premieres Histoires de cet Ordre, que d'institutions des Moines de Citeaux fortis de Molesme: Instituta Monachorum Ciftertientium de Molismo venientium. Il y est porté entr'autres choses qu'ils observeront exactement la Regle de saint Benoît; qu'ils retrancheront tous les usages contraires à cette Regle, qui par un abus avoient été introduits dans quelques Monasteres, comme les fourures & les peaux précieuses, les superfluités des habits, les garnitures de lits, la diversité & l'abondance des viandes, l'usage de la graiffe, & autres femblables excès contraires à la Regle. Ils résolurent aussi d'avoir des Convers Laïques & Barbus avec la permiffion de l'Evêque qui seroient traités comme eux, à l'exception qu'ils ne seroient pas Religieux, & d'accepter les terres, les vignes, les prés, qui leur feroient offerts, auffi-bien que les étangs, tant pour faire moudre les moulins, qui seroient à leur usage, que pour leur fournir du poisson, & comme ils avoient établis en quelques lieux des metairies, ils ordonnerent que P'on y envoïeroit des Convers pour en avoir foin, & non pas des Religieux, puisque conformément à la Regle les Reli

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ORDRE DE gieux devoient demeurer dans le Cloître pour y vaquer CITEAUX. Poraison & au Service Divin. L'habit de ces Religieux

étoit de couleur tannée, auffi-bien que celui des Religieux de Molesme : mais l'on prétend que la sainte Vierge s'étant apparuë à faint Alberic, elle lui donna un habit blanc, & que depuis ce tems-là ils changerent leurs habits tannés en habits blancs,aïant seulement conservé le scapulaire tanné, & qu'en memoire de ce miracle on celebroit dans cet Ordre une Fête de la Defcente de la sainte Vierge, que Chrisostome Henriqués a mis dans son Menologe au 5. Août sous ce titre : Defcenfio B. Maria Virginis in Ciftertium & miraculosa mutatio habitus de nigro in album colorem fub Sanctissimo Abbate Alberico. Mais en disant qu'ils avoient auparavant des habits noirs, il ne s'accorde pas en cela avec les autres Historiens de cet Ordre qui prétendent que leurs habits étoient de couleur tannée ou brune, comme remarque Ange Henriqués, qui ajoûte que les Religieux de cet Ordre allant en campagne portoient des manteaux & des coules de couleur grife, ce qui leur fit donner en Allemagne le nom de Moines gris, Saint Alberic soit à cause de cette apparition ou pour la devotion qu'il portoit à la sainte Vierge, mit son Monaftere sous la protection de cette Reine des Anges, ce qui a fait que dans la suite cet Ordre lui a été particulierement dedié,

Ce faint Abbé,après avoir gouverné Cîteaux l'espace de neuf ans & demi, mourut l'an 1109. & eut pour successeur faint Etienne troifiéme Abbé & principal Fondateur de cet Ordre. Son furnom étoit Hardingue, & il étoit Anglois.Son zele pour les Observances Regulieres l'avoit fait suivre faint Alberic dans la solitude lorsqu'il quitta Molesme, & il ne retourna avec lui dans ce Monaftere, que lorsqu'on y eut rappellé saint Robert. Saint Albericaïant été élû Abbé de Cîteaux, il en avoit été fait Prieur. Quoique l'aufterité de la vie qu'on y menoit eût empêché que le nombre des Religieux ne s'augmentat sous son prédecesseur, il ne diminua rien pour cela de ces austerités, l'amour qu'il avoit pour la pauvreté lui fit faire des Reglemens, qui marquoient l'estime qu'il faisoit de cette vertu. Il voulut qu'elle parût jusques fur les Autels, dans les ornemens d'Eglife, & les vases sacrés, qui servent au plus auguste de nos Mysteres: car il défendit les croix d'or & d'argent, & n'en voulut que

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Religieux de Molesme

de bois peint. Il retrancha le grand nombre de chandeliers, ORDRI DA & n'en referva qu'un de fer. Il condamna les encensoirs pré- Cireaux cieux, & n'en permit que de cuivre ou de fer. Les chafubles ne devoient être que de futaine ou de lin, auffi-bien que les aubes & les amits, fans or ni argent. Il retrancha l'usage des chapes, des dalmatiques & des tuniques, Les étoles & manipules devoient être seulement de drap, fans or ni argent; & il permit seulement que les calices fussent d'argent doré, aussi-bien queles chalumeaux, mais jamais d'or.

Il y a deux choses à remarquer dans ces Reglemens ; la premiere est qu'ils semblent condamner les usages qui s'étoient introduits dans Cluni, où tout ce qui servoit à l'Eglise étoit non seulement précieux, par rapport à sa matiere, mais encore majestueux par rapport à la beauté du travail, & à la grandeur de plusieurs choses.qui sembloient n'être utiles que pour l'ornement de l'Eglife, tels qu'étoit certaine couronne d'or, d'argent, ou de cuivre, qui portoit un grand nombre de chandeliers, laquelle couronne étoit suspenduë au milieu de leur Choœur, & des chandeliers à branches, d'une grandeur si extraordinaire, que saint Bernard les traite (dans son Apologie à l'Abbé Guillaume, ) d'arbres élevés au milieu des Eglises, qui n'étoient remarquables que par la quantité du métail dont ils étoient composés, par la beauté de leur travail, & par le grand nombre de leurs pierreries, qui ne les faisoient pas moins reluire que les lumieres dont ils étoient chargés; lesquels chandeliers ce Saint condamne, aussi-bien que ces couronnes & ces autres meubles précieux, les traitant tous de choses inutiles & fuperfluës, qui ne fervent qu'à ôter la devotion & le respect dus aux Eglises, par l'attention qu'on donne plûtôt à admirer leur beauté & leur magnificence, qu'à offrir à Dieu des sacrifices de lojüanges, & plus capables d'inspirer de la vanité que le mépris du monde, & le repentir des pechés. Ce qui nous donne lieu de croire que par ces Reglemens les anciens Religieux de Cîteaux vouloient condamner la magnificence de Cluni : c'est qu'outre la grande simplicité ou pauvreté de leurs ornemens facrés, un de leurs principaux Reglemens étoit qu'ils n'auroient dans leur Eglise qu'un seul chandelier de fer, comme voulant dire par là que cette grande

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